Marques et artistes, une idylle partie pour durer [2/2]

Le 5 novembre 2010

Les marques sur scène, les marques des artistes, les marques par ci, les marques par là, les marques investissent, les marques réussissent mais à quel prix...

Cette article fait suite au billet “Marques et artistes, une idylle partie pour durer” [1/2] publié hier, écrit par Aurélien Sooukian.

La scène, souvent perçue comme étant la roue de secours d’une industrie sinistrée par la baisse des ventes de CD, est elle aussi investie par les marques. Ce branding à 360° profitant de l’artiste et toute création qui l’entoure, du tee shirt au spectacle, de la partition au porte clé ne fait pas l’unanimité même si certains l’ont totalement intégré.

Des salles de concerts…

Mais à mesure que les ventes de disques s’écroulent, le premier lieu d’investissement musical est plus que jamais le live. Des méga-marques organisent donc des méga-événements pour conserver leur leadership. Le N°1 des ventes de musique en ligne Apple, organise tous les ans à Londres, capitale du rock, the « iTunes Festival » : 31 nuitées de folie avec plus de 60 artistes. Y sont associés événements physiques et nouvelles technologies, soutenus par une solide stratégie 360 : « Can’t be there ? You can enjoy the best of the Festival from wherever you are on TV, online and on iPhone, iPad or iPod touch and twitter ». En France aussi, les sponsors foisonnent : Le 21 juin dernier, TV5 Monde, Radio France, France Télévisions, et même le Crédit Mutuel se font l’écho de la fête de toutes les musiques en tant que sponsors officiels.

Là aussi, c’est du win/win : les sponsors apportent aide technique et artistique à certains jeunes participants, le programme des manifestations est largement diffusé, les personnes et structures qui peuvent s’associer et s’enrichir mutuellement sont mises en contact…Les logos se font leur place sur les programmes, dans la presse, et les retombées en terme d’image pour ces enseignes n’ont pas de prix.

… aux scènes virtuelles

A l’heure où les PMU résilient leurs baux commerciaux les uns après les autres, le point de rencontre s’hyper-virtualise. Le rendez-vous est bel et bien devenu l’histoire d’un clic.

Paradoxe : Facebook et autres Twitter, symboles mêmes des communautés virtuelles, incitent maintenant aux rencontres vivantes : fêtes annoncées sur des groupes publics, apéros géants, soirées à thème. Par ce biais, les organisateurs de la « Desigual Kiss Kiss party», où By Music s’est rendu en juillet dernier, provoquent du contact humain.

Les guest groups (Pony Pony Run Run en première partie, suivis d’un set de Nicolas Ullman), en vedette sur tous les flyers, ont trouvé un levier plus efficace que Myspace pour faire parler d’eux.

Afin de célébrer l’ouverture de son nouveau magasin à Opéra, et surtout d’y densifier les visites, l’audacieuse marque espagnole mise sur le cadeau « laissez-passer » : un nombre limité de T-shirts aux couleurs de la nuit du baiser attendent les clients dans la boutique, leur permettant ensuite d’accéder au concert, comme un VIP.

La population de fans est peut-être un peu jeune et surexcitée, mais bien décidée à faire la pub de la boutique aux vêtements asymétriques.

Dans le même registre, le rappeur Common s’était lui aussi produit lors des Block Parties organisées pour le parfum Only The Brave by Diesel.

Alors, artistes : ambition ou corruption ?

On a longtemps dit que l’art ne s’achète pas. Pourtant les artistes aujourd’hui, dans leur course à la célébrité, ont à leur disposition un arsenal complet d’outils pour se vendre. Ils peuvent plus aisément que jamais choisir leur degré d’indépendance et « s’auto-marketer» pour se démarquer.

A tel point que l’on se demande si le quotidien de certains d’entre eux est toujours la musique. Ces dernières années, l’endorsement (association avec l’artiste, comme H&M et Madonna par exemple) a explosé.

Des figures parfois moins connues du grand public que La Madonne mais toutes aussi respectées dans leur milieu deviennent vite des hommes d’affaires. Dès 1992, le hip-hoppeur Russel Simmons et fondateur du label Def Jam lançait déjà sa ligne Phat Farm aux notes élégantes et sportives. Aujourd’hui encore, les collections s’arrachent de ses vitrines en plein centre de Soho.

Plus récemment, Pharell Williams ne tarde pas à s’en inspirer et va plus loin dans le haut de gamme en faisant appel à Louis Vuitton pour signer une collection de joaillerie de luxe. En 2005, Kanye West tente à son tour de s’affirmer en tant que styliste sans y parvenir.

C’est encore Louis Vuitton qui acceptera de le servir en cosignant avec lui des sneakers qui connaîtront un beau succès. Depuis Missy Elliot en égérie d’Adidas, ou Justice pour la gigantesque basket Nike, on n’arrête plus les bénéfices à double sens. Dans les couloirs de métro cette année qui n’a pas vu Bob Sinclar offrir son image aux casques Sennheiser ?

Alors, les artistes vendent-ils leur âme au diable ? Certains grands noms comme Erykah Badu, musicienne accomplie à l’âme militante, l’affirment et s’élèvent au contraire contre les diktats de la consommation : la chanteuse se dévêt entièrement dans son clip Window Seat, ôtant une par une chaque couche que voudrait lui faire endosser la société. A-t-elle oublié qu’elle donnait pourtant en 2008 dans un genre purement commercial, quand elle se parfumait au White Patchouli pour une publicité Tom Ford ?

Elle nous offre en tous cas la meilleure des conclusions : parce que les artistes sont devenus des marques et les marques des agrégateurs de contenus, leurs destins sont plus que jamais intimement liés.

Cet article a été initialement publié sur admirabledesign.com

Crédit photos flickr CC: Samantha Decker; Fotocheska; lovecat

Laisser un commentaire

Derniers articles publiés