Rate.ee ||«Sodome et Gomorrhe virtuel»

Le 8 juin 2010

Né 2 ans avant Facebook, Rate.ee est un hybride entre MySpace et Meetic qui a conquis l'Estonie. Aujourd'hui dépassé, le site a quand même transformé la jeunesse estonienne tout au long des années 2000.

Un an avant MySpace, deux ans avant Facebook, de jeunes Estoniens lançaient leur réseau social, Rate.ee. Le succès n’a pas tardé et le site compte aujourd’hui plus de 350 000 utilisateurs. Dans un pays d’un peu plus d’un million d’habitants.

En 2007, 71% des 11-18 ans utilisaient Rate.ee. C’est grosso modo la même proportion qu’aux Etats-Unis à la même époque, MySpace et Facebook confondus.

Rate.ee, plus moche que MySpace?

Pourtant, le concept est légèrement différent. Les jeunes ne viennent pas sur Rate uniquement pour socialiser, mais pour se faire noter (rate, en anglais). Le site publie moult classements, qui permettent de voir qui est l’Estonien ou l’Estonienne le ou la plus populaire. Un site de rencontre intégré à un réseau social, en quelque sorte.

Idée géniale, puisqu’elle incite ces jeunes Baltes à rester des heures devant leur ordinateur pour convaincre leurs amis de voter pour eux. La dérive n’est pas difficile à imaginer : les filles présentent des photos d’elles en mode prostipouffe. Pour être exact, une étude scientifique menée par Andra Siibak, spécialiste de Rate.ee, a montré que 40% d’entre elles adoptent une posture de séduction appuyée sur la « culture du striptease ». Pour les mecs en revanche, le site réserve des surprises. Les ‘machos’ ne font pas l’unanimité et les choix des Estoniennes contribuent à l’essor des métrosexuels, qui apparaissent sous une image de « Mr. Nice Guy ».

Les médias traditionnels dénoncent logiquement un site qui pervertit la jeunesse, les internautes y accourant « pour trouver des femmes de tous genres et non pas discuter ». Malgré cette qualification de Sodome et Gomorrhe virtuel, pour les chercheurs, les jeunes y explorent simplement leurs limites et y copient le monde physique.

Financièrement, le site vit de la pub et des services virtuels payés en monnaie virtuelle, le SOL, qui vaut 10 centimes d’euros commandé en ligne mais 30 si on commande par téléphone. Pour une poignée de SOL, vous pouvez offrir un cadeau ou ajouter des émoticônes à vos mails. Mieux, vous pouvez supprimer des commentaires peu élogieux et mettre en avant votre photo dans les résultats des recherches. Grâce aux SOL, le site a été racheté en 2006 avec une valorisation de 5 millions d’euros.

Dépassé par Facebook

Le fait que les Estoniens soient en moyenne 3 fois moins riches que les Américains n’a pas eu d’effet sur les usages, souligne Andra Siibak. Mais en se mettant perpétuellement en avant dans le but de se conformer aux standards inspirés par la culture télévisuelle, nul doute que les Estoniens ont du redoubler d’efforts – et de budget – pour financer leurs mises en scènes.

Aujourd’hui, Rate n’a plus la côte. Les jeunes Estoniens se ruent sur Facebook et l’Américain a dépassé  l’enfant du pays en octobre dernier. Pour Andra Siibak, le fait d’avoir été pendant longtemps la seule plateforme disponible en estonien a pu jouer en la défaveur de Rate. « Les jeunes se sont peut être lassé de ce site de classement et se sont rués vers Facebook dès lors que celui-ci a ouvert sa déclinaison estonienne, fin 2009, » explique-t-elle.

Photo CC cfarivar

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