à Monsieur Finkielkraut

Le 30 novembre 2009

Monsieur Finkielkraut, je vous lis, vous écoute depuis des années et vous représentez pour moi, ce que la philosophie exigeante peut produire de plus immédiatement compréhensible pour le grand public.

Erasme, figure de proue de l'humanisme

Erasme, figure de proue de l'humanisme

Monsieur Finkielkraut, je vous lis, vous écoute depuis des années et vous représentez  pour moi ce que la philosophie exigeante peut produire de plus immédiatement compréhensible pour le grand public. Votre côté ébouriffé, votre pugnacité, vos protestations sont indispensables au paysage médiatico-intellectuel français. Vos prises de position à contre-courant mais pertinentes, votre lucidité et votre courage pour dénoncer les platitudes et les facilités des modes consensuelles ont été bien souvent des bouffées d’oxygène intellectuelle dans un monde qui n’est pas pollué que par le CO2.

Seulement voilà, depuis un certain, il devient  difficile de vous suivre, tant vos propos semblent davantage inspirés par l’angoisse de la perte,  l’inquiétude devant une évolution du monde qui ne vous convient pas,  que par la lucidité à laquelle vous nous aviez habitués.

La plume et l’encrier

Quand vous nous amusiez avec vos rotomontades contre l’introduction de l’informatique à l’école, que vous meniez ” la guerre de l’encrier et de la plume sergent major contre le clavier et les écrans ” vous nous faisiez sourire, et l’on pouvait apprécier votre passéisme un peu désuet. D’autant que vous pointiez un risque réel, celui du naufrage de l’héritage culturel européen.

Cet héritage dont le capital intellectuel s’est forgé à la Renaissance et dans les deux siècles qui l’ont suivie. Notons que la Renaissance a balayé les façons précédentes de penser le monde, les langues européennes se sont alors modelées, les nations ont commencé à émerger, les idées de démocratie ont pris forme. C’était une révolution, une évolution radicale dans l’organisation du monde et de la vie collective. L’histoire n’est faite que de cela : des révolutions, certaines douces, d’autres violentes.Vous aimez le monde issu de la Renaissance, vous n’aimez pas celui qui se profile, un choix respectable.

Les nouvelles formes détrônent les anciennes, eh oui… c’est comme ça depuis toujours !

La musique que vous faites entendre depuis un certain temps, sur l’air de la culture européenne qu’il faut sauver des attaques barbares , est très déplaisante, très inquiétante. Que vous n’aimiez en bloc Internet, le rap, le slam, ces vociférations des banlieues est votre droit du point de vue esthétique. Mais que vous considériez les artistes qui relèvent de ces courants et les médias qui leur permettent de s’exprimer comme des ennemis de la culture, héritage qu’il faudrait à tout prix sauver, là, vous passez une frontière. Celle qui délimite la critique de la stigmatisation.

Non ! Il n’y a pas une bonne culture héritée et figée d’un côté et des hordes de vilains incultes destructeurs de l’autre.
Il y a une société qui est en pleine révolution, non-violente (ou presque) pour l’instant. Certes, les positions des uns sont mises en danger tant du point de vue intellectuel que social. Mais je pense qu’il faut “se battre” avec des arguments de bonne foi et non pas avec des invectives, voire des insultes, contre des gens que vous ne comprenez pas et que manifestement vous détestez.

L’Europe n’est pas une forteresse dotée de toutes les vertus héritées qui doit se battre contre des envahisseurs destructeurs. L’Europe est dans le courant de l’évolution du monde, elle est à un moment de bascule. Je crois que les “penseurs”, plutôt que de se barricader et de se préparer au combat, doivent accompagner ce changement profond afin qu’il s’opère sans trop de catastrophes sociales.
S’il est un héritage dont on doit tenir compte et se débarrasser, c’est bien celui des siècles de violence, de haine et de barbarie dont l’Europe est porteuse. Le monde évolue. Vvivre cette évolution, essayer de la comprendre devrait enthousiasmer des gens comme vous, Monsieur  Finkielkraut.

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