Jean-Patrick Gille face aux TIC

Le 5 août 2009

Jean-Patrick Gille, Député PS d’Indre et Loire gagne les élections législatives en 2007 face à Renaud Donnedieu de Vabres, ex ministre de la culture. Réélu en 2008 premier secrétaire de la fédération d’Indre-et-Loire du Parti Socialiste lors du Congrès de Reims, il reste fermement attaché à sa circonscription. (http://www.jean-patrick-gille.fr/ ) Au lendemain de la première salve [...]

Jean-Patrick Gille, Député PS d’Indre et Loire gagne les élections législatives en 2007 face à Renaud Donnedieu de Vabres, ex ministre de la culture. Réélu en 2008 premier secrétaire de la fédération d’Indre-et-Loire du Parti Socialiste lors du Congrès de Reims, il reste fermement attaché à sa circonscription. (http://www.jean-patrick-gille.fr/ )

Au lendemain de la première salve de débats parlementaires concernant Hadopi (J.P. Gille donne son avis sur la question le 24 juillet 2009 sur son blog http://www.jean-patrick-gille.fr/spip.php?article1563 et réagissait le 11 juin dernier en ces termes concernant Hadopi :http://www.jean-patrick-gille.fr/spip.php?article1397 ), nous lui avons posé quelques questions relatives au TIC, à cette haute autorité, à ses ressentis sur le net en général.

S.F. Si l’on considère les campagnes politiques de ces quelques dernières années, pensez-vous que nous sommes entrés dans une démocratie 2.0 ? Avec quels dangers ? Quels avantages ?

Jean-Patrick Gille : Il est difficile de parler de démocratie 2.0 lorsque l’on ne sait pas si bien que ça ce qu’est le web 2.0. Si on met derrière ce jargon à la mode l’idée d’interactivité, de réseau social, d’échange ; on pourrait penser que la politique n’a pas attendu Internet pour raisonner en ces termes. Très concrètement, j’entends mesurer ce que nous apporte cet outil : une rapidité sans précédent dans l’échange des flux d’information, tout comme un potentiel plus important de participation des citoyens au « débat démocratique ». Mais ce potentiel est à relativiser, lorsque l’on constate d’une part les inégalités d’accès aux nouvelles technologies de l’information et de la communication, et d’autre part la réalité des pratiques : la démocratie a besoin de débats contradictoires, fondés sur un véritable échange, et un réel soucis de l’intérêt général. Or, si Internet a réussi à donner du corps à un espace interactif (voire même interindividuel) virtuel, nous sommes encore loin d’un espace public virtuel. Quant aux campagnes électorales, Internet a montré sa capacité à organiser différemment les dispositifs militants, en écrasant les hiérarchies. En tant que responsable socialiste, je défends cette idée d’un parti en réseau, même si les différents échelons existants doivent garder un sens.

En tant que député, je crois être l’un de ceux qui utilisent davantage leur site Internet une fois élu, qu’en pleine campagne électorale.

Vous êtes sur Facebook, quel regard portez-vous, en tant qu’élu, sur ce réseau et cela apporte-il quoi que ce soit de nouveau à votre façon de gérer les affaires publiques ?

Facebook est le site emblématique du web 2.0. A la base, il s’agit d’un grand trombinoscope, utilisé au tout début uniquement par des étudiants. En tant que législateur, j’ai évidemment un regard alerte sur la protection des données personnelles et sur leurs utilisations. Car la difficulté de Facebook, c’est que ça n’est ni un forum ni un blog : ne viennent sur votre profil que ceux qui le souhaitent. A fortiori, que ceux qui vous connaissent. La capacité à l’expression personnelle, sans soucis de la portée de ses commentaires est étendue. Paradoxalement, car tous les messages sont signés par des utilisateurs non anonymes. En tant qu’utilisateur du réseau, je profite déjà à titre très personnel des services en ligne et je crois avoir pu retrouver quelques dizaines d’amis de cette façon. Pour être tout à fait honnête, j’avais bien songé utiliser Facebook dans une stratégie de communication politique. C’est d’ailleurs mon assistant parlementaire qui gérait un temps mon profil. Puis, je me suis pris au jeu, je poste des articles, des vidéos sur mon mur, sans forcément me poser plus de questions. Actuellement, Facebook ne fait pas partie de mon dispositif Internet en tant que député, et à part me faire gagner du temps dans mes échanges avec quelques amis politiques, ça ne change quasiment rien à mes habitudes.

Le gouvernement s’apprête à faire passer une loi assez délicate pour les libertés individuelles, LOPPSI 2, quel est votre avis sur cette loi ? (Ndlr : cette question a été posée quelques jours avant le récent report et la probable remise à plat du projet Loppsi 2. Le projet Loppsi 2 : http://owni.fr/2009/07/03/loppsi2-internet-is-watching-you/ ; loppsi 2 face à la CNIL http://owni.fr/2009/07/25/lavis-de-la-cnil-sur-le-projet-de-loi-loppsi-rendu-public/ et l’actualité récente http://owni.fr/2009/07/29/loppsi2-premier-round-gagne-dans-lindifference/)

Les arguments qu’utilise le gouvernement pour promouvoir ce nouveau projet de loi sont toujours du même ordre. Si je suis évidemment pour lutter contre la cyber-criminalité, démanteler des réseaux délinquants sur Internet, etc., je trouve dangereux d’utiliser des combats louables comme prétextes à un nouveau tour de vis sur nos libertés individuelles. Ce qui est en jeu ici, c’est le filtrage, la surveillance, et surtout la neutralité du net. Sans parler des autres mesures prévues, comme le triplement des caméras de vidéosurveillance installés sur le territoire.

La philosophie du projet, c’est le tout sécuritaire comme réponse à des problèmes réels de délinquance. Contre la pédopornographie notamment, des dispositifs juridiques existent déjà pour donner à la justice la capacité de fermer les sites incriminés et de poursuivre leurs auteurs.

Je m’inquiète fortement de cette logique de contrôle à tout prix des pratiques du web, qui passerait notamment par l’enregistrement à distance de données informatiques. Quelle est la fiabilité des moyens techniques déployés ? Sur quels critères peut-on juger des contenus dangereux, potentiellement créateurs de troubles à l’ordre public ? Comment éviter les dérives : celles de sites filtrés par erreur (comme cela a pu se produire en Finlande par exemple) ou celles encore plus nauséabondes de flicage des opposants, de contrôle de réseaux militants, notamment de ceux déjà victimes du « délit de solidarité » à l’égard des migrants en situation irrégulière ? Après les écoutes téléphoniques, le gouvernement propose les écoutes numériques. Pas sûr que leur utilisation soit meilleure…

jpgJean-Patrick Gille

Les sites web des mairies, les pages Facebook des députes, la présence sur twitter, cette révolution numérique est-elle nécessaire et / ou utile politiquement  ?

J’ai déjà répondu plus ou moins à cette question, notamment en ce qui concerne Facebook. Twitter, je le laisse à mes amis geeks ; mais à titre personnel, je ne trouverais pas le temps de travailler sereinement comme député, et de passer toutes mes cinq minutes à poster un mini-message pour dire ce que je fais… La révolution Twitter existe pourtant. Elle a permis une extraordinaire couverture médiatique des manifestations d’opposition en Iran.

Ce en quoi je crois par contre, c’est la mise à disposition des Internautes, pris dans leur citoyenneté, d’Internet comme un outil de transparence de l’action publique. Qu’il s’agisse des administrations en ligne, dont l’efficacité est démontrée ou des élus à proprement parler. A titre personnel, j’ai décidé d’investir un maximum l’espace que m’offre Internet.

Sur mon site, je mets en ligne très régulièrement des billets d’actualité, expliquant mon action à Tours et à l’Assemblée nationale, mais aussi mon agenda hebdomadaire, l’intégralité de mes travaux parlementaires, mes comptes-rendus de mandats, etc. J’ai voulu un site utile, efficace et simple d’utilisation. Le tout fait par des logiciels libres !

Existe-t-il encore une parole cadrée des politiques sur le Web ?

Le cynisme ambiant et l’état de défiance qu’entretient l’opinion publique à l’égard de ses élus assimilent toute parole institutionnelle à de la langue de bois. Pourtant, les internautes attendent de plus en plus de notre part une parole plus spontanée, moins vernie. Je crois que ça n’est pas incompatible. Sur le fond, je m’exprime comme député d’Indre-et-Loire ce qui implique un énorme devoir de responsabilité. Car comme le mot « parlementaire » l’indique, notre seule expression est un acte politique. Il faut donc la soigner et lui garder une certaine solennité. Sur la forme, je me rends bien compte que nous passons de moins en moins de temps à vouloir lire de longs textes sur les différents sites que l’on consulte chaque jour. Je privilégie désormais des contenus courts. Ce qui marche encore mieux, ce sont les vidéos ou les bandes sons.

Laisser un commentaire

Derniers articles publiés