OWNI http://owni.fr News, Augmented Tue, 17 Sep 2013 12:04:49 +0000 http://wordpress.org/?v=2.9.2 fr hourly 1 Bayrou joue la résistance http://owni.fr/2012/01/25/bayrou-capitalise-la-resistance/ http://owni.fr/2012/01/25/bayrou-capitalise-la-resistance/#comments Wed, 25 Jan 2012 10:32:34 +0000 Claire Berthelemy http://owni.fr/?p=94754 Hier mardi 24 janvier Paris-Match confirmait François Bayrou à 13% des intentions de vote au premier tour de la présidentielle. Tandis que ce 25 janvier, le Parisien publiait une nouvelle étude BVA selon laquelle le candidat du MoDem disposerait d’une importante marge de progression, évaluée à 36%.

Avec le verbe “résister“, comme refrain de son discours de Dunkerque du 19 janvier dernier, François Bayrou a illustré cette ascension. Il résiste à ceux qui ne le voient pas en troisième homme du premier tour de la présidentielle. Le candidat du made in France talonne à présent Marine Le Pen. OWNI a voulu savoir quels termes de ses discours avaient disparu ou au contraire apparaissaient, corrélé à sa position dans les sondages. Cliquez sur l’image ci-dessous pour prendre connaissance de cette cartographie du lexique Bayrou :

Évolution des termes utilisés par François Bayrou dans ses discours. Cliquez pour voir en plus grand

Changement de MoDem

Pour le premier discours que nous avons utilisé, celui de Giens du 18 septembre tenu à l’occasion de la clôture de l’université de rentrée du parti, les thématiques de l’école, de la production (industries et entreprises principalement) et l’écologie très présentes, leurs occurrences flirtant avec la trentaine. Quand il utilise 25 fois la thématique de l’école, celle de la production revient 27 fois. Et il n’oublie aucun type de production, allant jusqu’à évoquer celle culturelle :

Je parlerai de culture parce que je parlerai de création. Je n’ai jamais fait de différence. J’ai tout à l’heure commencé par l’enjeu de la production. Or, la production, c’est, à mes yeux, également sans distinction la production agricole, la production industrielle, la production scientifique, la production technologique, et la production culturelle. Tout cela relève de la même création et toutes ces productions s’imbriquent et se relaient. Le design, par exemple, le numérique, par exemple, le logiciel, par exemple. C’est à la fois de la culture, de la science, de la recherche et de la production, y compris industrielle, et de la commercialisation. Et, donc, si nous voulons reconstruire la création, il faut défendre et reconstruire toutes les créations, au premier rang desquelles la création culturelle.

Mais ce discours n’a pas donné à François Bayrou l’occasion de mettre à mal ses opposants principaux et les autres partis. Moins offensif envers la droite et la gauche que dans les discours suivants, il ne s’attaque pas encore à la responsabilité des différents partis – UMP et PS – dans la situation française. Puisque pas encore candidat. Cette scission entre Bayrou non-candidat et Bayrou candidat apparait rapidement lors du discours du 7 décembre, notamment avec l’augmentation de l’utilisation du terme de “responsabilité” : les autres partis ont chacun un rôle dans la crise vécue par la France, et par extension l’Europe.

François Bayrou, président du Modem au siège de celui-ci à Paris. ©Rafael Trapet/Aleph/PictureTank/2009

Dans les discours qui vont suivre sa candidature du 7 décembre, l’école ne réapparait plus, jusqu’au 19 janvier. Dans le même temps, la courbe des occurrences du terme “responsabilité” augmente sensiblement et de la même façon que le pourcentage d’intention de vote au premier tour. Alors qu’il pointe du doigts les précédents gouvernements et les différents candidats et partis, il récupère 5 % des intentions de vote, passant de 7 à 12 %. Et parallèlement à ce constat, les mots “France” et “pays” prennent de moins en moins de place.

Si la première scission dans le corpus de discours se situe au moment de sa candidature, la seconde intervient entre les discours du 10 et du 19 janvier. Là, certains termes et certaines thématiques reviennent sur le devant de la scène. Le 19 janvier, la thématique de la “production” (prononcée 22 fois), de “l’école“, de la “responsabilité” des dirigeants (16 fois), de la “langue” – seul candidat à évoquer la langue française et ses déclinaisons, le régionalisme de François Bayrou se retrouve – et de “l’écologie” (prononcée 3 fois mais occupant un long paragraphe de son discours). S’y ajoutent des thèmes jusque là jamais évoqués, tels que le “modèle“. Et le verbe “résister“, respectivement prononcés 17 et 19 fois au cours de son discours de plus d’une heure. Avec l’apparition du terme, un ensemble d’expressions sont associées, entre autres, la nécessité de réformer les modèles français en place, manière pour François Bayrou de montrer l’impact des choix des différents gouvernements et partis au pouvoir.

Alors, devant tant de recul, tant de démissions, tant de capitulation, il nous faut proposer aux Français dans cette élection une orientation nouvelle fondée sur deux volontés, deux esprits : l’esprit de résistance et l’esprit de reconstruction. Je dis reconstruction parce que tout ce que nous avons perdu, nous l’avions. Tout ce qui s’est éloigné, vous savez bien que c’était notre vie de tous les jours. Eh bien, je vous le dis, l’enjeu de cette élection, c’est que ce que nous avons perdu, ce qui s’est éloigné, ce qui a disparu, ce qui s’est égaré, mes amis, citoyens, nous allons le retrouver ! Nous allons à nouveau faire rimer le nom de France avec le beau mot de résistance !

F. Bayrou, discours au Zénith par Gueorgui Tcherednitchenko/Flickr/2007 CC-byncsa

Dissertation

Dans le premier discours du corpus, celui de Giens, il ratisse large et appuie fortement sur toutes les thématiques : “écologie“, “famille“, “démocratie“, “monde“, “école“, europe“, “enseignement“, “changement“, “éducation“, “production/produire“. Avec une proportion de termes se rapportant à l’école aussi conséquente que celle concernant la production française et le “produire français“.

Tous ses discours sont construits sous forme d’une démonstration mathématique ou d’une dissertation de philosophie. Agrégé de lettres classiques et trois fois ministre de l’Éducation nationale, François Bayrou n’a pas oublié sa formation première. Et à chaque introduction correspond un long passage de remerciements pour ses collaborateurs et proches.

Alors que les mots “France“, “français” apparaissaient de manière récurrente lors de ces discours précédents, à Dunkerque, François Bayrou s’est focalisé sur le mot peuple (46 fois). Dunkerque, ville industrielle, n’est pas choix anodin et fait écho à l’un des axes majeurs de sa campagne et le “Produire en France”. Si François Bayrou a mis du temps à se réveiller en proposant des discours très longs sans thème approfondi, il a adopté une cible précise pour son dernier discours qui lui permet de renforcer sa montée précipitée dans les sondages.


Photo de François Bayrou au siège du Modem à Paris en 2009 par Rafaël Trapet /Aleph  via Picture Tank © tous droits réservés

Photo de F. Bayrou, discours au Zénith en 2007 par Gueorgui Tcherednitchenko [cc-byncsa] via Flickr

Pour la récolte des données, nous avons utilisé le site du MoDem et le traitement infographique a été réalisé par Marion Boucharlat.

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Hollande au mot près http://owni.fr/2012/01/23/hollande-au-mot-pres/ http://owni.fr/2012/01/23/hollande-au-mot-pres/#comments Mon, 23 Jan 2012 14:51:57 +0000 Sylvain Lapoix http://owni.fr/?p=95126 Le discours du Bourget du candidat socialiste révèle un nouveau François Hollande plus sûr de lui mais aussi perché dans la bulle d’un rêve français décroché de l’actualité. En comparant cette dernière allocution à son discours d’investiture, l’émergence de l’ego éclate dans les nombres : le “je” qui ne représentait que 26,3% des pronoms lors de la première intervention du candidat socialiste comptait le dimanche 22 janvier pour 45,2% des pronoms, écrasant le “nous” (15%) et le “il” (14%). Le candidat s’avance seul devant les “Français” (38 occurrences) et monte sur scène. Faute de descendre dans le public.

Un “rêve français” un peu cotonneux

S’il fait une référence furtive au lieu de son discours (en une phrase vantant le symbole de la Seine-Saint-Denis par rapport aux valeurs du Parti socialiste), c’est d’abord sur sa propre histoire qu’il fonde son propos :

La Gauche, je l’ai choisie, je l’ai aimée, je l’ai rêvée avec François Mitterrand dans la conquête. La Gauche, je l’ai défendue fermement dans ses réalisations : celles de 1981, celles de 1988. La Gauche, je l’ai servie comme élu de la République, comme député. La Gauche, je l’ai dirigée avec Lionel Jospin, quand nous gouvernions ensemble le pays avec honneur et j’en revendique les avancées. Aujourd’hui, c’est moi qui vous représente.

Les thèmes de cette mini biographie (la Résistance en Corrèze, les responsabilités à la tête de l’État, le rejet de l’argent…) sont ceux qui se répéteront dans la suite du texte pour structurer le propos. Le “storytelling” est celui du candidat, qui s’extrait presque de l’histoire récente pour centrer le propos sur ses solutions : les sommets du G20 sont évoqués sans en préciser le lieu, la crise financière pointée sans qu’un nom de banque n’apparaisse, la désindustrialisation ne vient en contrepoint d’aucune délocalisation emblématique… A l’inverse de Marine Le Pen qui évoquait Gandrange à Metz pour évoquer la crise de l’industrie ou de Jean-Luc Mélenchon qui pointait Mario Monti dans son discours de Bordeaux pour critiquer les arbitrages européens face à la crise de la dette.

L’horizon pointé par le candidat socialiste est résumé par la formule du “rêve français”. Idée déjà avancée par Nicolas Sarkozy en 2007, elle est passée de la couverture du dernier ouvrage d’Arnaud Montebourg (Des idées et des rêves, paru chez Flammarion en 2010) à celle du livre d’entretiens de François Hollande lui-même. Ce “rêve français” s’ancre moins dans dans une tradition politique hexagonale que dans la rhétorique du discours éponyme de Martin Luther King. Et c’est au militant des droits civiques américains qu’il emprunte le rythme du paragraphe où il déploît ce “beau rêve, le rêve que tout au long des siècles, depuis la Révolution française, les citoyens ont caressé, ont porté.” :

Je vous le dis ici et maintenant, mes amis : même si nous devons affronter des difficultés aujourd’hui et demain, je fais pourtant un rêve. C’est un rêve profondément ancré dans le rêve américain. Je rêve que, un jour, notre pays se lèvera et vivra pleinement la véritable réalité de son credo : “Nous tenons ces vérités pour évidentes par elles-mêmes que tous les hommes sont créés égaux”.

Au lieu de l’esclavage et des collines de Géorgie, Hollande y glisse ses références et déroule en quelques phrases un historique des idéaux républicains, de la IIIè République à l’élection de François Mitterrand en 1981. Mais là encore, rien qui ne chute sur le présent de la situation. “Un discours qui aurait pu être prononcé il y a 5, 10 ou 20 ans”, comme le notait l’éditorialiste Dominique Seux sur France inter lundi 23 janvier au matin.

Jospin pour “présider” et Royal pour “égaliser”

Ce ton intemporel permet à Hollande d’aller piocher discrètement chez ses prédécesseurs. Passés les verbes courants et les auxiliaires, “présider” revient en échos pendant tout le début de son intervention et 23 fois au total au fil du discours :

Présider la République, c’est refuser que tout procède d’un seul homme, d’un seul raisonnement, d’un seul parti, qui risque d’ailleurs de devenir un clan. Présider la République, c’est élargir les droits du Parlement.

Un refrain déjà chanté par Lionel Jospin en 2002, qui avait fait de “Présider autrement” son slogan de campagne. Un leitmotiv qu’il avait notamment développé lors de son premier grand meeting le 7 mars 2002 à Lille sur le même rythme :

Présider autrement, ce n’est pas un slogan, même si c’est aussi un slogan, ce n’est pas une question institutionnelle, même s’il y aura certaines réformes institutionnelles à proposer, et notamment le changement du statut judiciaire du Président de la République. Présider autrement, c’est le résumé d’une démarche politique. C’est certainement présider autrement que le président sortant : c’est-à-dire faire des choix, tenir ses engagements, c’est savoir tirer des leçons y compris publiquement d’un succès que nous avons rencontré, c’est ne pas se résigner au déclin du politique, c’est donner du sens au destin collectif de notre pays, redonner aussi sa place à l’esprit de responsabilité à tous les niveaux.

A ce “présider”, Hollande accole presque systématiquement la “République”, deuxième mot le plus présent avec 43 occurrences, derrière la France (présent 55 fois). Un martelage dont nous n’avons trouvé d’égal que chez le président de la République lui-même : à la tribune de la Porte de Versailles, meeting d’investiture du candidat de l’UMP le 14 janvier 2007, c’est 52 fois que la République est revenue dans la bouche de Nicolas Sarkozy.

Mais, contrairement à son adversaire désigné, chez qui le “travail” et la “politique” surgissaient comme des mots phares, Hollande s’appesantit sur des valeurs plutôt que des thèmes : la justice (17 occurrences), la gauche (15 fois), la confiance (11 fois)… mais surtout l’égalité, qui revient à 38 reprises, rappelant le fil rouge du discours de Ségolène Royal lors de son meeting de Villepinte le 11 février 2007.

Un exercice de style… et de maths ?

Si les citations extraites de son intervention par les médias ont coloré le propos général, en concentrant notamment l’analyse sur la crise financière, avec l’emblématique “mon véritable adversaire [...] c’est le monde de la finance”, les sujets de fond sont en réalité plus effleurés qu’approfondis. Loin de proposer une plate-forme complète, le texte égraine quelques sujets sociaux et économiques clefs sans les mettre en cohérence les uns avec les autres.

Passés les mots-forces (rêve, égalité et République), les thèmes de fond ne se voient accorder qu’un ou deux paragraphes chacun : le logement (10 occurrences) est tout juste plus présent que l’emploi, la ville, la finance (9 fois chacun) tandis que les quartiers, le droit et l’enfant surgissent à huit reprises chacun. La “crise”, comme la “retraite” ou le “chômage” n’apparaissent que quatre ou cinq fois.

Le candidat essaime pourtant tout au long de son discours les propositions : dès l’entrée en matière, il promet s’il est élu l’inscription de la loi de 1905 dans la Constitution et enchaîne quelques minutes plus tard sur une mesure de rigueur par laquelle il réduirait de 30% les indemnités du Président et des membres du gouvernement. Entre temps, Hollande s’envole en conjecture sur la fonction qui lui incomberait avant de repartir sur les routes du Limousin raconter son expérience d’élu de terrain.

Plus clairs, les axes de campagne du candidat n’en sont pas pour autant révélés : du service public de l’eau aux retraites, le discours du Bourget ne fait que montrer les bouts de chair qui manquaient pour suggérer le corps même du programme. De la même manière qu’il esquisse la silhouette de la personnalité du candidat sans en remplir les contours. Le texte offre finalement aux journalistes impatients et aux militants inquiets de quoi attendre jusqu’à la présentation officielle de programme jeudi. A cet égard, ce discours est une bande annonce bien réalisée.


Illustration : Marion Boucharlat pour OWNI.fr.
Image de Une via la galerie Flickr du Parti Socialiste [cc-by-nc-nd]

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Disparition de l’écologie chez les Verts http://owni.fr/2012/01/17/disparition-de-lecologie-chez-les-verts/ http://owni.fr/2012/01/17/disparition-de-lecologie-chez-les-verts/#comments Tue, 17 Jan 2012 16:08:04 +0000 Sylvain Lapoix http://owni.fr/?p=94264

Cliquez sur l'infographie

Pas une seule fois Eva Joly n’a prononcé les mots “écologie”, ”environnement”” ou ”nature” durant ses vœux aux Français diffusés en vidéo le 30 décembre dernier. Mal placée dans les sondages, la candidate d’Europe écologie-Les Verts multiplie depuis son investiture les apparitions liées à la justice, à l’éthique ou à la société civile. Laissant ainsi de côté, à part pour une visite sur les lieux du naufrage du TK  Bremen, la thématique structurante de son parti.

Passés à la loupe de l’analyse sémantique, les discours révèlent un écart de plus en plus grand : sur le terrain de la conversion écologique de la société, Eva Joly lambine derrière Jean-Luc Mélenchon.

De la société écologique à la justice salvatrice

A l’aune de son discours d’investiture, la gagnante de la primaire écolo partait pourtant sur un arsenal de mots unificateurs dans le plus pur esprit de la coalition écolo : après la France (évoquée 19 fois), les mots les plus présents dans son adresse aux militants le 29 juillet étaient à égalité (avec six occurrences) “écologiste” et ”Français” (ceux qu’elles se destinaient à unir) et ”pouvoir””, ”écologie” et ”mouvement”. L’“économie” restait un cran en deçà dans les priorités. Et les difficultés liées à la crise presque absentes du discours.

Face caméra, l’hiver venu, seule sur son canapé, Eva Joly a livré des vœux d’un tout ordre ton. Très brève (333 mots contre 1 298 mots pour l’investiture), la prise de parole débute sur une phrase qui résume le nouvel angle de campagne de la candidate : la résolution de la crise par la justice.

Il est important de faire comprendre que nous ne devons pas faire porter le poids de cette crise sur les plus vulnérables d’entre nous. L’austérité n’est pas une fatalité, d’autres choix politiques sont possibles.

Si la ”France” domine le propos avec huit mentions (comme c’est presque toujours le cas, de la gauche à la droite, en temps de campagne nationale), la ”justice” (six occurrences) y précède le ”citoyens” (x4), suivi par la ”solidarité” (x3)… ”L’Europe” est présentée comme la solution, ”un projet magnifique de paix”, qui ici est le seul vraiment développé. La ”planète”, esseulée en fin d’allocution, est seulement évoquée comme un projet de lieu ”vivable”. Les solutions écologiques à la crise, elles, ont disparu.

Le triptyque “social-égal-écolo” de Mélenchon

À l’inverse, le candidat du Front de Gauche a renforcé son propos écologique entre son discours d’ouverture de campagne (sur la place Stalingrad à Paris, le 29 juin 2011) et ses vœux aux Français. De trois occurrences, il passe à quatre mais, surtout, il développe en paragraphes entiers un des piliers de son programme : la ”planification écologique”. Dans la bouche de l’ex-PS, l’écologie n’est pas au premier rang mais souvent intégrée à un triptyque de réforme sociale, légale et écologique. Au même contexte d’austérité que celui des vœux d’Eva Joly, la réponse de Jean-Luc Mélenchon intègre directement l’option écolo :

Nous ne sommes d’aucune façon adhérents aux politiques d’austérité. Nous en sommes tout le contraire ! Nous croyons, nous, que c’est par la relance de l’activité que nous provoquerons la bifurcation écologique, la réindustrialisation, l’amélioration du quotidien auxquelles chacun d’entre nous aspire légitimement. Le pays a beaucoup travaillé, le pays est très riche, comment se fait-il qu’il y ait autant de pauvres ?

Le lien justice-égalité de la candidate d’Europe Ecologie-Les Verts est ici remplacé par une mise en rapport des facteurs économiques-écologiques-sociaux. ”L’esprit” de cette réforme est pourtant proche dans les mots de celui d’Eva Joly : les ”citoyens” sont omniprésents (cités 9 fois dans les vœux), ”l’élection” maintes fois évoquée comme le moment charnière… Malgré ces similitudes, l’orientation générale des projets reste conforme aux étiquettes : ”écologiste” apparaît six fois dans l’investiture de Joly, pour seulement quatre occurrences pour le mot ”gauche”, lequel se retrouve à sept reprises dans le discours de Stalingrad de Mélenchon.

L’écologie, un truc pour les journalistes ?

Avec l’organisation de sa “nuit pour l’égalité” et ses récentes propositions sur de nouveaux jours de congés destinés aux juifs et aux musulmans, la parole de la candidate d’Europe Ecologie-Les Verts s’affirme comme celle d’une ancienne magistrate plutôt que de porte-parole d’une réforme écologique de la société. En marge des grands discours, pourtant, une allocution récente d’Eva Joly remettait les questions environnementales et sanitaires au premier plan : celle destinée aux journalistes pour la nouvelle année !

Permettez-moi encore, à ce propos, de vous demander d’être le relais d’un message personnel aux Françaises et aux Français !

Je souhaite aux Françaises et aux Français, cette année, de prendre en main leur destin et celui de leurs enfants et petits-enfants, en votant, le 22 avril prochain, pour un triple changement : un changement de Président, un changement de perspective et un changement de République.

À toutes celles et tous ceux qui, depuis des années maintenant, agissent quotidiennement pour une planète vivable, pour une démocratie vivante , et une société plus juste je veux dire solennellement : « Ensemble, changeons la donne en 2012 ! Vous pouvez compter sur moi. Moi, j’ai besoin de vous .

S’en suivent des évocations des suites du Grenelle de l’environnement, du risque de la surpêche, de l’exploitation irraisonnée des ressources naturelles… Des termes qu’Eva Joly, même lors de son élévation au rang de candidate, n’avait qu’effleuré tout au plus, pointant d’une phrase ”la pêche industrielle”, ne faisant pas une référence explicite au Grenelle.

Un discours plus écolo mais surtout plus politique : peu habituée aux critiques directes, la candidate évoque dans ses vœux à la presse François Hollande, François Bayrou et Jean-Luc Mélenchon (sur la question des désistements) et accuse de ”défaite” Nicolas Sarkozy. Un discours calibré rempli de mots clefs pour les journalistes avides de citations.


Collecte des discours et traitement des données Claire Berthelemy et Grégoire Normand.
Illustration : Marion Boucharlat
Photo CC par Nathaniel via Flickr

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Les cartes des voeux http://owni.fr/2012/01/08/cartos-de-voeux/ http://owni.fr/2012/01/08/cartos-de-voeux/#comments Sat, 07 Jan 2012 23:14:30 +0000 Claire Berthelemy et Grégoire Normand http://owni.fr/?p=93021

Nous avons donc passé les vœux de Nicolas Sarkozy et de trois candidats à l’épreuve de logiciels d’analyse sémantique. Là, le président actuel (qui n’est pas officiellement candidat) s’avère moins proche de Marine Le Pen que cette dernière ne l’est de François Hollande. Le candidat du PS et celle du FN ont prononcé des vœux rédigés selon une trame semblable.

Tous deux privilégient la première personne du singulier et utilisent un dictionnaire plein d’optimisme. Tandis que Nicolas Sarkozy articule ce discours autour de la première personne du pluriel et d’un lexique pessimiste.

L’immigration a disparu chez Marine Le Pen

Dans les propos de Marine Le Pen, la France, les Français et les citoyens dominent, sans trop de surprise. Mais la thématique hautement symbolique de l’immigration a disparu. Par un habile changement de champ lexical, sa rhétorique sur le thème de l’étranger devient moins visible. Et le vocabulaire en la matière évolue au profit des termes “européens”, “protectionnisme” et “mondialisation”. Au cœur de ses vœux, l’”espoir”, la “vérité”, le “changement” et le “bonheur”, la notion de ré-industrialisation, les “solutions” et la “vérité”.

Son lexique accrédite l’idée qu’elle porterait à bout de bras les citoyens à qui elle s’adresse, qu’elle love au sein d’une brassée de mots et d’expressions positives. Sa posture de présidente des oubliés, amenée à l’occasion du précédent discours, s’affirme ici par un usage répété de descriptions de ces Français que Sarkozy délaisserait.

Quant à sa posture personnelle dans le discours, elle paraît maintenant endosser le costume de son père. Notamment en réutilisant la première personne du singulier, abandonnée lors de son discours du 11 décembre dernier. Le “je” revient en force avec 35% des pronoms qu’elle emploie.

Avec le “je” d’Hollande

Contre toute attente, le candidat socialiste a prononcé le discours le plus proche de Marine Le Pen – au regard des outils d’analyse de leur lexique. En premier lieu, avec sa façon d’employer la première personne. François Hollande comptabilise un pourcentage de première personne du singulier dépassant les 50%. De quoi faire frémir Marine Le Pen, au “je” habituellement plutôt facile.

Ses sujets et ses expressions sont surtout proches de celles de Marine Le Pen. Le vocabulaire positif qu’il adresse aux Français fleure bon l’espoir et la confiance : “changement”, “redressement”, “nouveau”, “confiance”, “égalité”

Sarkozy, l’économiste désabusé

Dans la continuité des discours de ces derniers mois, le président consacre une partie importante de ses vœux aux difficultés financières : “crise”, “économie”, “confiance”, “finance”, “marché”, “compétitivité”, “croissance” et “achat” pour ne citer que ces termes. Parmi eux, les seuls dénominateurs communs avec les discours des trois prétendants que nous avons choisis d’analyser : “crise” et “confiance”.

Mais son ton se différencie nettement de celui des autres candidats dont les expressions sont plus positives que les siennes : “grave”, “gravité”, “épreuves”, “conséquences”, “difficile” ponctuent ce discours de vœux prononcé le 31 décembre. Casquette de président ou casquette de candidat, ses propos sont ceux qui s’appuient le plus sur un lexique anxiogène.

Concernant les pronoms utilisés, il modère son utilisation excessive du “je” pour d’abord offrir à ses auditeurs et spectateurs une majorité de “nous” et de “vous”. Le collectif prime sur l’individuel, le différenciant là encore de Marine Le Pen et de François Hollande.

Mélenchon cherche

Le 4 janvier, depuis le siège de campagne du Front de gauche, Jean-Luc Mélenchon insiste dans ses vœux sur sa position fédératrice au sein de la gauche. Comme en témoigne la carte suivante.

Si l’analyse des mots qui ressortent comme “non”, “traité”, “pouvoir”, “peuple”, renvoie au vocabulaire classique de Mélenchon qui s’appuie sur le “Non” au traité constitutionnel européen de 2005 pour construire son argumentaire électoral, d’autres thèmes comme “l’écologie”, “l’Europe” ou “monde” peuvent paraître moins fréquent. D’autres notions comme “plus”, “seul”, “grand” traduisent l’usage d’un vocable inhabituel pour un candidat qui se veut proche du “peuple”. Il compense cet effet par un emploi répété du pronom pluriel “tous” pour affirmer une dimension collective dans son discours.

Dans les pronoms les plus utilisés, il emploie bien plus le “il” que les autres pronoms pour désigner Nicolas Sarkozy. Contrairement aux autres candidats, il est également le seul à se servir de tous les pronoms de la langue française.

Des quatre candidats, Jean-Luc Mélenchon est celui qui cherche le plus son électorat et parle de tous et à tous. Alors que les trois autres paraissent connaître la population cible de leurs propos. Sans l’assurance toutefois d’être entendu.

Illustration Flickr Dalbera [CC BY]

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Les mots de Marine contre l’image de Jean-Marie http://owni.fr/2011/12/21/le-pen-marine-jean-marie-discours/ http://owni.fr/2011/12/21/le-pen-marine-jean-marie-discours/#comments Wed, 21 Dec 2011 09:08:23 +0000 Sylvain Lapoix http://owni.fr/?p=91370

La nouvelle candidate du Front national n’est pas seulement entrée dans la compétition présidentielle avec un autre ton que son père. Elle y est entrée à une autre époque. OWNI a utilisé des outils d’analyse textuelle pour comparer leur discours inaugural de lancement de campagne.

Prononcés le 20 septembre 2006 à Valmy pour Jean-Marie Le Pen et le 11 décembre 2011 à Metz pour Marine Le Pen, leur confrontation montre un abandon des diatribes personnelles et militaires d’un candidat accroché au passé, au profit d’un discours moins égocentrique mais plus critique d’une personnalité qui se présente comme active face à des défis plus européens que mondiaux.

Moins d’égo

Premier élément remarquable de la syntaxe, Marine Le Pen n’est plus la candidate du “je” qu’était son père. Le “je” représente 28,8% des pronoms personnels utilisés par Jean-Marie Le Pen en 2006, là où la nouvelle candidate du FN ne le mentionne qu’une fois sur cinq. Même constat pour le “nous“, qui, s’il compte pour près d’un quart des pronoms chez le premier, chute à un peu plus d’un dixième pour la seconde.

Dans l’auto-référence permanente, l’ancien président du Front mentionne par onze fois son propre nom, et à six reprises, se nomme lui-même, précédent d’un sonore “moi“, qu’il martèle pour poser son poids dans la candidature. En dehors des auxiliaires “être” et “avoir“, le verbe “incarner” est le quatrième plus employé (six occurrences) après “dire“, “faire” et “pouvoir“.

À sa manière, Marine Le Pen se “sarkozyse” en mettant en avant sa capacité à agir face à une ribambelle d’adversaires et d’opposants. Comme son père, elle mentionne plus souvent la gauche (sept fois pour elle, cinq fois pour lui) que la droite (cinq fois pour elle, trois fois pour lui). Mais la démarche politique, elle, est tout autre.

Chef des armées contre candidate

Bien que plus près à Metz de la ligne Maginot et des cimetières militaires de la Grande Guerre, Marine Le Pen ne chevauche pas son destrier de général contrairement à son père. Lancé dans sa diatribe depuis un pupitre de Valmy, Jean-Marie Le Pen coiffe toute sa prise de parole d’un casque de poilu :

Alors à ceux qui osent nous contester ce lieu, quand l’évidence de leurs turpitudes et de leur incurie devrait les faire rentrer sous terre !, je rappellerai que les soldats qui vainquirent ici à Valmy le firent au cri de “vive la Nation !”. Oui, c’est ce même cri que nous poussons – nous et nous seuls – depuis 30 ans au mieux dans le silence, mais le plus souvent sous les quolibets. Qui, d’eux ou de nous, peut prétendre incarner l’esprit de Valmy ?

Placé sous cet “esprit“, le patriarche Le Pen s’en va-t-en guerre : par 15 fois, il fait référence à Valmy, par trois fois comme un succès et par trois autres pour évoquer les “soldats“. Les références historiques sont pour certaines antédiluviennes, remontant jusqu’à Gergovie pour évoquer les “actions héroïques” mais créant d’un trait d’union l’hybride guerrier du “soldat-citoyen“.

Si Marine Le Pen y va également de ses gloires françaises, à commencer par Jeanne d’Arc qu’elle mentionne trois fois, après Clovis et Charles de Gaulle, elle insiste davantage sur les victimes. Par 17 fois, ce sont “les oubliés” qu’elle mentionne. Et le mot “jeune” est le quatrième substantif le plus utilisé de son discours, celui de “jeunesse” étant associé par deux fois au mot “victime“. Ce ne sont pas les souvenirs de Verdun que la candidate est venue raviver à Metz mais celui de Gandrange, dont elle cite trois fois le nom. Autant utilisé que le mot “nation” (sept fois), le mot “chômage” structure le discours en images fortes :

J’en suis convaincue mes chers amis : la France n’est pas condamnée à devenir une friche industrielle géante.

La fille a abandonné le bâton de Maréchal pour forger une nouvelle expression, celle de “Président des oubliés“, une expression que Marine Le Pen ancre dans une réalité. Puisque ces formules sont répétées jusqu’à épuisement au fil du discours, respectivement onze et quatorze fois.

Sauf que ce réel n’est pas le même qu’en 2006. À la tribune de Valmy, Jean-Marie Le Pen a plus parlé de l’histoire et surtout des étrangers que du travail. Le mot “chômage” n’apparaît même pas, alors que l’armée revient trois fois à la charge. L’ex-candidat du FN est dans un face-à-face avec l’histoire et avec le “système” qu’il évoque à tout bout de champ, généralement drapé de sa majuscule :

Moi seul, Jean-Marie Le Pen, contre vents et marées, incarne la vraie rupture, le vrai changement, tandis que tous ces agents du Système, formés par le Système, payés par le Système, pour que dure le Système, s’appliquent à favoriser la même politique destructrice d’emplois français qui nous a tant pénalisés depuis 30 ans et qui – j’ose aussi le dire – leur a bien profité !…

Le référendum sur le Traité constitutionnel européen (TCE) marque encore d’une pâle empreinte le propos (“constitution” et “européenne” sont associés trois fois) mais les structures internationales auxquelles s’attaquent le père sont l’OMC et l’Otan. Une structure commerciale et une alliance militaire.

En 2011, la crise est omniprésente dans le discours de sa fille. Le “Système” a cédé sa place à la “Caste“, là encore habillée d’une majuscule, qui revient par six fois dans la bouche de la candidate. Désignant ainsi ses cibles, sans distinction de droite ou de gauche. Remplaçant avantageusement l’expression “UMPS” chère à son père et aux caciques du FN. C’est la “bulle” qui devient “spéculative” quand il faut parler d’une crise dont le coupable présumé selon elle est, lui aussi, omniprésent : l’euro. Absent du discours de 2006, la monnaie unique est le troisième substantif le plus utilisé en 2011 (18 occurrences) ! Les enjeux se sont resserrés pour la candidate à la présidentielle de 2012, il s’agit de “l’Europe ultralibérale” et des “européistes“.

Les destinataires du discours, eux, ne changent pas : chez le père et la fille, “France” et “Français” sont dans le trio de tête, entre lesquels se glissent pour Jean-Marie Le Pen, un “peuple” qui passe après les “jeunes” et le “choix” chez sa fille. Ironie de l’histoire, le discours de Valmy prononcé par le père et qui se termina sur une étonnante adresse aux “Français de cœur et d’esprit” et aux “Français d’origine étrangèreavait été inspiré par Marine elle-même. Une preuve que, désormais en première ligne, la nouvelle présidente achève un virage qu’elle n’avait fait qu’esquisser pour son père.


Illustration Flickr Ernest Morales
Retrouvez nos précédents articles sur le sujet avec le tag Verbe en campagne

Analyse des données des deux discours réalisée avec Claire Berthelemy et Birdie Sarominque.

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Le verbe en campagne http://owni.fr/2011/12/15/le-verbe-en-campagne/ http://owni.fr/2011/12/15/le-verbe-en-campagne/#comments Thu, 15 Dec 2011 12:55:31 +0000 Claire Berthelemy http://owni.fr/?p=90672

Les gens veulent que leur histoire leur ressemble ou au moins qu’elle ressemble à leurs rêves.

Charles de Gaulle cité dans le discours de François Hollande.

La foule réunie autour de François Hollande scande “François, président” et régulièrement le martèlera pendant plus d’une heure. Nous sommes le 22 octobre dernier, soir de la convention d’investiture de l’ancien premier secrétaire du Parti socialiste. François Hollande s’inspire du discours qui lui a été écrit, use sans abuser de digressions, d’ajout de verbiage et d’envolées lyriques. Le verbe lent, la phrase courte, il harangue les militants. Décryptage d’un long discours.

De la data

Dans les pronoms utilisés par François Hollande, trois dominent : je, il et nous.

Mais utilisés différemment au cours du discours, on perçoit plutôt une alternance du je et du nous. Quand le candidat à la présidentielle n’utilise pas le je, il s’exprime à la première personne du pluriel. L’utilisation des pronoms, corrélée avec le temps, donne l’infographie suivante et met en évidence une alternance.
Dans le graphique, le violet correspond aux “moments” du discours où le je et le nous sont prononcés tous les deux, l’un plus que l’autre selon les moments. Par exemple, dans le cas le plus à droite en fin de discours, on peut entendre François Hollande prononcer 3 nous et 8 je.

Concernant les références (thématiques) employées dans son discours d’investiture, globalement, il reste très neutre et fidèle à sa volonté de faire de “l’éducation [sa] priorité”. Tel un ovni, le champs du rêve apparait neuf fois. Le rêve français – moqué à droite – est toujours en phase de réenchantement.

Il n’existe pas de réelles différences, significatives, entre les références ou notions utilisées et les substantifs. Reviennent à des positions quasi identiques France, français, gauche, jeunesse, croissance, président. Le candidat de la gauche déchirée par les primaires socialistes est là où on l’attend.

Lors de notre précédent article sur l’analyse sémantique des discours, ceux des candidats de la présidentielle de 2007, Ségolène Royal, candidate du parti socialiste, usait de la même manière que Nicolas Sarkozy de l’alliance des verbes vouloir et pouvoir. Cinq ans plus tard, François Hollande a mis de côté l’idéal méritocratique à tendance droite “quand on veut on peut”, pour laisser plus de place à l’agir avec les verbes “faire” et “venir”, les auxiliaires être et avoir mis de côté. Et l’ouverture sociale chère à la gauche est présente aussi, “permettre”, “proposer” et “donner” comme trois valeurs du socialisme.

À la découpe

Un peu moins de 6 000 mots pour à la fois remercier militants et élus, parler au “peuple français”, tacler la droite et Nicolas Sarkozy et présenter ses principes et ses engagements. Son discours mélange les références : mai 68, les Indignés d’aujourd’hui, les grandes figures de la gauche. Et en s’adressant au peuple français, il ratisse large :

J’ai entendu la plainte des ouvriers, brisés par l’injustice de décisions qui les frappent motivées par le seul profit. Des employés, qui expriment, parfois dans la honte, leur souffrance au travail, celle des agriculteurs qui travaillent sans compter leurs heures pour des revenus de misère, celle des entrepreneurs qui se découragent faute de pouvoir accéder au crédit, celle des jeunes qui ne sont pas reconnus dans leurs droits, celle des retraités qui craignent, après les avoir conquis, de les perdre. Celle des créateurs qui se sentent négligés. Bref, la plainte de tous ceux pour lesquels nous luttons, nous les socialistes.

Son discours est découpé en quatre parties inégales. Commençant par s’adresser au peuple français, il enchaine avec sa propre histoire et raconte la Corrèze et ses mandats. La transition qu’il utilise pour amener le sujet Président actuel, Nicolas Sarkozy, et la droite, passe… par la crise en Europe ou comment sauter d’un point de vue micro à une explication macro : l’Europe en berne est gouvernée par une droite “au pouvoir dans 21 pays sur 27″, Merkel et Sarkozy à la barre des accusés. L’avant-dernière étape de son discours est consacrée à un focus sur la France et la “prétention” du président sortant et son impuissance à régler la crise. Centré sur un seul homme.

Accablant Nicolas Sarkozy – de façon plutôt courte comparée au reste de son discours -, noyant son mandant sous les dettes chiffrées, la perte de confiance, les niches fiscales et les “promesses bafouées”, il change soudain de ton et de registre. Il accuse pour mieux exhorter et confier l’espoir qu’il a dans “une France d’aujourd’hui” et dans les Français qui la composent. Cette partie du discours, la plus longue, pendant qu’il expose ses différents “principes” et “pactes” (vérité, volonté, démocratie, éducation, etc.), laisse malgré tout en filigrane, une comparaison avec le constat – amer compte tenu du ton utilisé – qu’il fait du mandat de la droite de ces cinq dernières années. Et avec l’Europe, la France et la gauche pour clôturer son discours, le clap de fin “propose” et “donne rendez-vous”.

Pour celles et ceux qui seraient tentés, la vidéo :

Discours de François Hollande à la convention… par PartiSocialiste


Illustrations Marion Boucharlat et Geoffrey Dorne
Article réalisé avec l’aide de Birdie Sarominque pour la partie statistique.

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Le sens caché des discours http://owni.fr/2011/11/08/politique-sarkozy-elysee-presidentielle/ http://owni.fr/2011/11/08/politique-sarkozy-elysee-presidentielle/#comments Tue, 08 Nov 2011 07:35:26 +0000 Claire Berthelemy http://owni.fr/?p=84843 L’utilisation de logiciels d’analyse lexicale sur les discoursdes candidats à la présidentielle de 2007 met en évidence quelques surprises. Car l’analyse mathématique de leur langue, de leur parole au jour le jour, montre qu’ils abordent souvent des sujets éloignés des thématiques auxquelles leur personnalité publique est associée. À la veille de l’échéance de 2012, ce retour sur expérience devrait nous inviter à écouter avec distance les discours de la prochaine présidentielle.

Un peu comme si les règles du marketing politique gouvernant l’écriture des discours se trouvaient mises à nu. Confirmant l’impression que ces interventions – largement mises en scène dans les meetings – ne consistent pas à approfondir les thèmes que les candidats sont supposés incarner. Mais davantage, par de savants dosages, à séduire des électeurs qui ne se seraient jamais reconnus dans tel ou tel candidat.

Une gauche plus à droite

En traitant les discours avec un logiciel de text mining – technique statistique permettant d’automatiser le traitement de gros volumes de contenus texte, en isolant les tendances et les sujets évoqués par les candidats – trois des candidats à la présidentielle 2007 se détachent des autres. L’infographie ci-dessous (cliquez pour voir en grand format) répertorie visuellement les thématiques principales des orateurs. À l’image de leurs convictions, les discours sont plutôt représentatifs de leur vision politique du pays, à quelques exceptions près.

Pour Nicolas Sarkozy, les thématiques du travail, de l’école, des moyens, des enfants, de la République et de la morale sont majoritaires. Fidèle à sa vision du “travailler plus pour gagner plus” et de son idée d’une République méritocratique, son long discours aura eu tendance à noyer l’auditeur dans des valeurs républicaines, chères à l’hyper-président.

Malgré tout, le candidat du slogan “ensemble tout devient possible” est en lien avec celui qui s’est auto-proclamé candidat des maires de France, Gérard Schivardi. Notamment sur les questions concernant l’Europe et Maastricht et sur l’importance de l’école, et un peu plus à l’écart, l’importance des parents, de la démocratie et des droits. Schivardi se démarque par ailleurs sur le thème de l’égalité et… des amis. Contrairement à Jean-Marie Le Pen, opposé à Nicolas Sarkozy, dont les principales problématiques tournent autour de la nation, du peuple, de la victoire (notamment celle de Valmy cité quinze fois) et des Français.

Plus étonnant, la sécurité – ou l’insécurité – est une occurrence qui se retrouve souvent dans la bouche des candidats de l’extrêmegauche (Marie-Georges Buffet, José Bové et Olivier Besancenot). Et que Ségolène Royal utilise une dizaine de fois. La gauche abandonne ainsi certains de ses thèmes et intervient sur le sujet phare de l’ancien ministre de l’Intérieur.
Autre surprise de ce text-mining : en associant au sein de ce groupe “à gauche” différents mots, ressort “Ensemble tout devient possible” le slogan de l’UMP.

Diversité quantitative

Avec Tropes, autre logiciel d’analyse sémantique, le style du discours peut être défini et permet d’aborder le point de vue qualitatif de leur prose respective. D’abord le style diffère selon qui prononce son discours. Ensuite la répartition quantitative des noms, verbes et adjectifs n’est pas la même. La majorité des candidats de cette présidentielle-là a adopté un style argumentatif, défini par le logiciel, comme étant celui qui discute, compare ou critique. Les candidats étant majoritairement opposés à la droite en place, les critiques et la discussion sont la suite logique de leur argumentation.

Quand la narration prime dans le discours de Dominique Voynet, José Bové adopte lui un style descriptif et reste dans la position de constat. Quant à Nicolas Sarkozy, en position de force, il est le seul à user d’un discours énonciatif, soit “qui établit un rapport d’influence ou révèle un point de vue”.
Correspondant finalement à ce qu’il est possible d’observer en règle générale chez ces candidats ou au sein de leur parti.

Deux catégories de candidats se distinguent concernant l’utilisation des pronoms. Si Nicolas Sarkozy, Jean-Marie Le Pen et Ségolène Royal ont un langage plutôt centré sur le “Je” (à relativiser pour le cas de Ségolène Royal et Jean-Marie Le Pen qui couplent le Je et le Nous mais qui figurent tout de même juste derrière Nicolas Sarkozy), les autres sont plus modestes. Les premiers usant et abusant de la première personne du singulier. Je, donc.

Et ceux qui ont l’esprit d’équipe (José Bové, Dominique Voynet et François Bayrou) et s’expriment surtout avec la première personne du pluriel (Nous).

À noter que Dominique Voynet et José Bové n’utilisent que très peu la première personne du singulier.

Dans la catégorie nombre de mots : la palme d’or du candidat le plus prolixe est attribuée à l’actuel Président de la République, qui le 14 janvier 2007, Porte de Versailles, a tenu en haleine son auditoire avec 8 233 mots. Suivi de très loin par Ségolène Royal et son discours, prononcé trois jours après, qui comptabilise 4 045 mots. Soit la moitié. Sur la dernière marche du podium monte Jean-Marie Le Pen, qui le 20 septembre 2006 au moulin de Valmy, abreuve ses auditeurs de 3781 mots.

Viennent ensuite Gérard Schivardi, Dominique Voynet et François Bayrou avec respectivement 3 423, 2 289 et 1 812 mots. Quant à Olivier Besancenot et José Bové, leurs deux courts discours tiennent en 1 586 et 1 390 mots. Ou un cinquième et un sixième du discours de Nicolas Sarkozy.

Quand on veut, on peut

En triant le nombre de verbes par leur fréquence, être et avoir reviennent le plus souvent. Ensuite pour Olivier Besancenot et Gérard Schivardi, falloir et avoir remportent tous les suffrages. José Bové reste en marge avec être, vouloir et devoir dans son trio de tête.

Mais ce qui correspond le plus à ce que les candidats représentaient il y a cinq ans tient souvent en un seul verbe, le plus emblématique du personnage. Aussi, si le charismatique Jean-Marie Le Pen utilise sensiblement les mêmes verbes que ses concurrents de l’époque, son trait de caractère qui le différencie est incarné par… le verbe incarner.

De la même manière, Nicolas Sarkozy, Ségolène Royal et Olivier Besancenot (Gérard Schivardi également) ont en commun la notion du vouloir/pouvoir, à rapprocher de la maxime “quand on veut on peut” et d’un idéal méritocratique. Le trio José Bové, Dominique Voynet et François Bayrou sont plutôt dans le “faire” que le falloir.

Le mot de la fin

Dans certains discours, à l’exception de ceux José Bové, Ségolène Royal et François Bayrou, le seul nom propre est prononcé est… Nicolas Sarkozy. Un indice pour déterminer quel sera le prochain Président de la République : chercher dans les discours de candidature de la présidentielle 2012 qui est cité le plus par chaque candidat.


Données qualitatives traitées par Birdie Sarominque avec le logiciel DTMVic5.2 développé par Ludovic Lebart, ancien directeur de recherche au CNRS. Pour la méthodologie, le tri des données a été effectué en sélectionnant les occurrences supérieures à 7 pour chaque mot.

Infographie réalisée par Marion Boucharlat.

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