OWNI http://owni.fr News, Augmented Tue, 17 Sep 2013 12:04:49 +0000 http://wordpress.org/?v=2.9.2 fr hourly 1 Mickey perd ses nerfs http://owni.fr/2011/12/07/mickey-perd-ses-nerfs-disneyland-paris/ http://owni.fr/2011/12/07/mickey-perd-ses-nerfs-disneyland-paris/#comments Wed, 07 Dec 2011 16:54:47 +0000 Rodolphe Baron http://owni.fr/?p=89554

Grande nervosité à l’état-major d’Euro Disney Associés, exploitant le parc Disneyland Paris. La direction invite de manière pressante les salariés du parc à ne plus parler aux journalistes. Dans un courrier interne du 24 novembre dernier (reproduit en intégralité ci-dessous), Karine Raynaud, présidente du Comité d’Entreprise et en charge des relations sociales chez Disneyland Paris, s’insurge contre la publication de l’audit confidentiel décrivant les conditions de travail chez Disney – révélé sur OWNI le 22 novembre. Et menace les salariés vaguement sensibles à la liberté d’expression qui confieraient à la presse quelques secrets sur les coulisses de Disneyland Paris :

Au vu de ce qui précède, nous nous réservons le droit (…) de prendre toutes les mesures nécessaires afin de faire cesser de tels agissements, [et] d’en sanctionner les auteurs.

Contacté par OWNI au sujet de la tonalité de cette lettre, la direction du parc ne nous a pas encore répondu. Cependant, selon le site internet du syndicat FO Disney, le vice-président d’Euro Disney, Daniel Dreux, en charge des ressources humaines aurait déclaré que la direction du parc ne travaillera pas avec “les opposants“. Des propos confirmés par plusieurs témoins avec lesquels nous nous sommes entretenus. Ambiance.

Ces tensions ont été accentuées par le report d’une négociation sur la prime d’intéressement, initialement prévue le 16 novembre et repoussée à janvier 2012. La mise en place de la prime d’intéressement devait constituer une contrepartie à la signature par plusieurs organisations syndicales du “Plan salaire 2011” prévoyant la suppression de la prime de fin d’année pour les salariés non cadres. La CFDT, l’un des syndicats signataires dudit accord, a réagi sur son site internet :

La section CFDT Eurodisney (…) dénonce le non respect des engagements pris par la Direction de l’entreprise dans le cadre du plan salaire 2011. En effet, celle-ci vient d’annuler sine die et sans motif avéré, le processus de négociation de l’accord d’Intéressement, accord visant à associer les salariés à la croissance de l’entreprise. Encore une belle preuve de respect de la Direction vis à vis de ses salariés et qui non contente de se jouer de ces derniers, envisage aussi de raboter fortement les bonus annuels attribués aux team leaders. Scandaleux ! Et que dire du projet récemment présenté aux élus du comité d’entreprise, « Talent d’Equipe », un contrat social impliquant la responsabilité des acteurs mais aussi le respect de la parole donnée et des engagements pris. Leurs actes parlent pour eux même. Tout est dit …

Eurodisney, par la voix de son vice-président, Daniel Dreux, dans un courrier-réponse adressé au syndicat FO a fait valoir la nécessité pour l’entreprise “de refaire l’ensemble du processus budgétaire” et “de prendre en considération l’impact additionnel des différentes mesures gouvernementales annoncées dans le cadre du plan d’austérité”.

Contactés par téléphone, plusieurs responsables syndicaux ont indiqué que “le Noël 2011 se ferait sans prime de fin d’année et sans prime d’intéressement” pour les salariés.


Retrouvez nos précédentes enquêtes sur Disneyland Paris.

Illustration de marco c. [cc-bync] via Flickr

]]>
http://owni.fr/2011/12/07/mickey-perd-ses-nerfs-disneyland-paris/feed/ 6
La CGT d’EDF atomise les sous-traitants http://owni.fr/2011/04/28/la-cgt-dedf-atomise-les-sous-traitants/ http://owni.fr/2011/04/28/la-cgt-dedf-atomise-les-sous-traitants/#comments Thu, 28 Apr 2011 13:43:02 +0000 Sabine Blanc http://owni.fr/?p=57603

La prise de position de la CGT sur la sous-traitance dans le nucléaire : « Un discours de façade pour ne pas perdre la dimension militante. Le syndicat est en perte de vitesse, il a connu une chute aux dernières élections, poursuit le chercheur. Là-dessus, il adopte la même stratégie de communication d’EDF, qui a aussi un site sur l’intérim, où ils expliquent que tout va bien. » La critique est signée Cédric Suriré, doctorant en Socio-Anthropologie du risque et des vulnérabilités, suite au communiqué du 13 avril de la Fédération Nationale Mines Énergie CGT (FNME-CGT). Selon lui, ce jour-là, la CGT se contentait d’affirmer : « La sous-traitance en France, c’est d’abord  une maltraitance insupportable. »

Les rapports entre les syndicats représentants les salariés d’EDF et les sous-traitants, Cédric Suriré les connait bien pour travailler dessus dans le cadre de sa recherche. Il est de ceux qui estiment que la CGT, majoritaire dans la branche des industries électriques et gazières, a cessé de soutenir les sous-traitants dans leur lutte. Un ancien membre de la fédération nationale proche du dossier renchérit :

Ils ont sacrifié les sous-traitants pour maintenir des acquis corporatistes.

La CGT elle-même ne dément pas, remettant juste en cause la forme. Laurent Langlard, porte-parole de la FNME-CGT justifie :

Je veux croire que cela ne s’est pas fait volontairement. Sur les conséquences, oui c’est revenu à cela. Vous savez, les sous-traitants ont été considérés comme des gens qui prenaient le boulot. La priorité, c’était notre corporation, eux c’en était une autre.

Car, pour étonnant que cela paraisse, une partie des sous-traitants relèvent de la métallurgie. Et historiquement, la CGT représente les salariés statutaires car la sous-traitance est intervenue à partir de la fin des années 80.

« On les voyait comme des piqueurs de boulot »

À partir des années 2000, la prise de conscience commence, douloureuse. « La question de la sous-traitance n’a pas forcément été perçue par la CGT pour certains, explique Laurent Langlard, c’était considéré comme une forme d’abandon de leur statut. Comme on les voyait comme des piqueurs de boulot, cela générait un sentiment de frustration. Alors que le parc a doublé, le nombre de salariés EDF est resté stable, 20.000, et il y a maintenant 20.000 sous-traitants. Les relations ont été tendues, mais c’est dépassé maintenant. Nous nous sommes réorganisés, nous avons créé des syndicats multiprofessionnels par exemple. Et une de nos revendications, c’est justement qu’ils soient rattachés à la branche électricité et gaz. Et maintenant, nous pesons sur EDF en tant que donneur d’ordre, ce n’est pas toujours perceptible. »

Les avancées sont là, pas toujours contraignantes, mais témoignant de cette évolution. Ainsi, parmi ses « repères revendicatifs » émis en 2007, le syndicat demande « l’égalité des droits entre salariés des entreprises sous-traitantes et donneuses d’ordre. » Une grève, épaulée par la CGT, avait aussi débouché sur une « charte de progrès et de développement durable ». Et il est désormais bien obligatoire pour une entreprise sous-traitante qui vient de remporter un marché de faire une proposition de reprise aux salariés de l’entreprise dont elle prend la place Et depuis 2008, soit vingt ans après l’arrivée des sous-traitants, ils ont désormais droit à une restauration collective, en lieu et place du casse-croûte à part. « On a beaucoup progressé », conclut Laurent Langlard.

Manifestation du 23 septembre 2010.

Le désengagement se manifestera avec l’affaire de la PGAC, pour Prestations Globales d’Assistance Chantier. Ce programme désigne un projet de fond d’EDF, entamé en 2004. Il impose que chaque site choisisse un unique prestataire. Via le Conseil supérieur des comités mixtes à la production – ancien terme du Comité central d’entreprise -, la CGT commande une étude au cabinet Émergences, aux conclusions sévères [pdf]. En apparence, la PGAC ne fait que simplifier les procédures en concentrant le marché. En réalité, c’est « la sous-traitance de la sous-traitance qu’elle met en place, analyse un sociologue du travail qui a participé à plusieurs travaux à ce sujet. La PGAC concrétise les reproches faits à EDF : ils ne font pas attention. EDF ne se soucie plus de savoir comment le travail est effectué, elle vérifie juste que le travail a été fait. C’est un enjeu crucial pour les conditions de travail. »

« Poussée par la base et les sous-traitants, la CGT monte au créneau et va au tribunal », poursuit Cédric Suriré. La démarche est couronnée de succès puisque le TGI de Nanterre du 4 janvier 2006 leur donne raison, comme l’écrivait NVO Espace Elu, un magazine du syndicat [pdf] :

“L’expérimentation de la PGAC, en cours depuis deux ans et demi, n’a pas eu de retour d’expérience. Mieux la PGAC a été entérinée par le conseil d’administration, le 19 novembre dernier, sans consultation préalable”, tempête Michel Estevez, responsable syndical à la fédération de la CGT énergie/ C’est ce passage en force qui a été sanctionné par le tribunal. Le référé a donc donné raison aux syndicats et aux salariés.

L’affaire ira en Cour de cassation, là encore, EDF est débouté. Officiellement, la PGAC est donc enterrée. « Elle est en fait rampante », estime l’ancien cadre de la fédération. Et de fait on tombe sur ce document de juillet 2009 d’EDF [pdf] qui y fait clairement référence. Mais rien sur le site et les attachés de presse ouvrent de grands yeux quand on demande des renseignements à ce sujet.

Abandon du volet pénal

Mais la CGT n’ira pas au bout de son combat, en laissant tomber le volet pénal de l’affaire comme l’explique l’ancien membre de la fédération :

La présidence d’EDF et des dirigeants d’entreprise de sous-traitance étaient visés. Des procédures étaient engagées mais EDF a fait pression sur la CGT qui a son tour a fait pression sur ceux qui suivaient le dossier. 

« La CGT s’est replié sur la défense de l’outil de travail, estime Cédric Suriré. Ils ont arrêté de soutenir les sous-traitants, comme par exemple Philippe Billard. » Philippe Billard est une figure incontournable de la lutte des sous-traitants, un « lanceur d’alerte ». Ce syndicaliste CGT, employé d’un des gros de la sous-traitance, Endel, dénonce les conditions de travail dans son secteur depuis le début des années 2000. En 2006, son entreprise entame une procédure de licenciement, marquant le début d’un bras de fer juridique. En juin, il reprendra le chemin des tribunaux : la cour d’appel de Rouen statuera sur une décision prise par les prud’hommes le 17 février dernier.

« Il existe un enregistrement d’une réunion de la CGT où elle s’engage, à travers un de ses représentants, à soutenir Philippe Billard, développe Cédric Suriré. Et au final, elle l’a lâché. » Mis au placard, les lanceurs d’alerte ne sont pas soutenus ensuite par la CGT, poursuit-t-il. « La CGT ne sera plus partie civile aux prud’hommes de Rouen, complète Philippe Billard. L’explication qu’on lui donne : « je ne fais pas partie de la fédération. » Philippe est en effet membre de la fédération de la métallurgie, « qui ne [l]‘a jamais soutenu ». Il explique aussi que la CGT a cessé de payer ses frais d’avocats.

Pour autant, il n’abandonne pas : « je suis élu du personnel, je me bats pour tous les salariés. Le kilowatt/heure à trois centimes, je m’en fous, mon souci, c’est ma santé et la sûreté des centrales pour les gens de l’extérieur. Ils ont pris la bagarre en cours de route. » Et si les syndicats arrivent à leur obtenir le statut de salarié, ce sera « pour pérenniser le leur. » Philippe Billard n’a pas été convié à la réunion du 13 avril.

La page d'accueil du site de la CGT-FNME. Tout en haut, les revendications sur le tarif préférentiel. En bas, les sous-traitants.

La lutte se déplace vers les associations

Du coup, « la lutte se déplace des syndicats aux associations », explique Cédric Suriré. Les plus connues sont Santé sous-traitance nucléaire-chimie, qui rassemble chercheurs (dont Cédric Suriré), travailleurs, avocat, etc., et Ma zone contrôlée… VA MAL. Ce dernier a été lancé par Gilles Raynaud, délégué syndical CFDT-métallurgie chez Polinorsud. Il déplore que les sous-traitants soient « livrés à eux-mêmes, obligés d’adhérer à d’autres branches. Les syndicats c’est une usine à gaz. » Un bazar savamment organisé : « je tire mon coup de chapeau aux employeurs, qui divisent pour mieux régner, mettant en avant une branche… Il faut revenir au collectif. » Si la publication du communiqué du 13 avril le réjouit, il déplore que la CFDT et FO n’en est pas fait de même. Et il note que leur mouvement (intersyndical) des sous-traitants a commencé le 3 février, bien avant le très médiatique drame de Fukushima.

« Ils ne veulent pas entendre parler de nous, explique Cédric Suriré, ils nous voient comme un danger car nous incarnons une nouvelle voie de représentation salariale. À nos débuts, en 2009, nous avions émis l’idée de faire des tracts en commun, mais c’est tombé à l’eau. »

Pour l’ancien membre de la fédération, ce tableau à charge pour la direction doit être nuancé ensuite en fonction des sites. « Globalement, la mobilisation est mitigée. C’est parfois bien pris en charge, ignoré ailleurs. À Chinon, la CGT a fait de cette question une priorité, de même à Paluel, Golfech, Tricastin, Saint-Laurent-des-eaux aussi. Les autres, par déduction… » Il existe en France dix-neuf sites.

La CGT avance aussi que c’est aux sous-traitants de s’organiser : « À partir du moment où ils disent stop, ils disent stop. Mais ils n’osent pas. » Qu’il soit plus difficile pour un salarié du privé, qui plus est de la sous-traitance, de faire valoir ses arguments que pour un salarié du public n’est pas l’argument sorti spontanément. On l’avance alors sur la table : « C’est déjà difficile d’organiser un syndicat dans une entreprise, reconnait Laurent Langlard, alors dans la sous-traitance… »

Et les autres syndicats ? « Elles sont inexistantes, à côté de la plaque », juge l’ancien membre de la fédération. Laurent Langlard renchérit :

Si nous, qui sommes ultra-majoritaires, sommes passés à côté, alors les autres…

La CFDT-énergies devait rappeler, ils ne l’ont pas fait. Quant à FO-Energie, contacté à plusieurs reprises par téléphone, ils n’ont jamais décroché. Et au fond ils n’ont peut-être pas tort : Laurent Langlard conclura notre échange en relativisant le problème de la sous-traitance : « Il y a en a qui viennent en sifflant au travail. On parle beaucoup de salariés irradiés, mais où ? Quand ? Comment ?  On n’a pas d’éléments factuels. C’est un exutoire. » À se demander pourquoi le syndicat a éprouvé le besoin de sortir ce communiqué du 13 avril.

MAJ le 22 septembre : Gilles Raynaud, qui s’occupe du site Ma zone contrôlée va mal, a affirmé qu’il avait retiré le lien qu’il avait mis sur son site vers cet article, à la demande de la CGT. De fait, il a bien disparu, comme en témoigne ces captures d’écran :

« C’est un copain qui m’a demandé, ça ne pouvait venir que d’en haut, raconte Gilles Raynaud. Je l’ai retiré, je ne voulais pas faire de polémique, il ne comprenait pas qu’on tire à boulets rouges et m’a expliqué que cela pouvait faire plus de tort que de mal. » L’air est plus à l’unité qu’aux dissensions.

La CGT a démenti : « Nous n’avons aucune emprise sur quoi que ce soit, à ma connaissance, nous n’avons rien demandé, répond Laurent Langlard. Ce site est un exutoire, la liberté de ton est totale, on y trouve tout et son contraire, c’est le cadet de nos soucis de demander à retirer un lien. »

Images Flickr AttributionNoncommercialNo Derivative Works Cat Sidh AttributionNoncommercialShare Alike xnxbox


]]>
http://owni.fr/2011/04/28/la-cgt-dedf-atomise-les-sous-traitants/feed/ 7
Est-ce que la main invisible étrangle les travailleurs ? http://owni.fr/2011/04/27/est-ce-que-la-main-invisible-etrangle-les-travailleurs/ http://owni.fr/2011/04/27/est-ce-que-la-main-invisible-etrangle-les-travailleurs/#comments Wed, 27 Apr 2011 08:40:23 +0000 Stefanie Chernow http://owni.fr/?p=59221

Billet initialement publié sur OWNI.eu. Tous les liens sont en anglais.

« Prie pour les morts, combats de toutes tes forces pour les vivants. » Mother Jones

146 travailleurs sont morts dans l’incendie de l’usine de la Triangle Shirtwaist. Le directeur a fermé les portes, laissant aux victimes de l’usine le choix entre mourir brûlé ou sauter par les fenêtres. Pour rajouter une couche au drame, l’année précédente, les syndicats avaient essayé d’obtenir des conditions de travail plus sûres, mais les grèves n’avaient pas été soutenues et finalement, ces efforts ont échoué. La catastrophe la plus mortelle de l’histoire de l’industrie aurait pu être évitée si les syndicats avaient été entendu comme ils le méritaient.

Cela se passait le 25 mars 1911. De nos jours, les travailleurs se battent contre la droite, qui est déterminée à endiguer le déficit budgétaire en coupant les avantages de la classe sociale qui a le plus souffert de la crise économique. Pour atteindre ce but, les Républicains s’en prennent à la voix des travailleurs : les syndicats. Plus d’un siècle après, nous nous battons toujours pour les mêmes droits fondamentaux.

Il y a une guerre contre les travailleurs. En 2009, les 5% d’Américains les plus riches possédaient 65% de la richesse du pays pendant qu’à l’autre bout de l’échelle, 80% de la population possédait seulement 12,5% du gâteau. Supprimer les avantages de la classe moyenne n’est pas une solution viable pour résorber le déficit, mais c’est exactement ce que les Républicains essayent de faire.

Le mois dernier, le gouverneur républicain Scott Walker a essayé de supprimer le droit de négocier collectivement des fonctionnaires de l’Etat du Wisconsin, suscitant une indignation que les États-Unis n’avaient pas connue depuis des décennies. Les gens ont envahi la capitale fédérale à l’occasion d’une manifestation pacifique, dans un état d’esprit similaire à celui de la place Tahrir. Alors que les dictateurs du Moyen-Orient tombent un à un sous les appels à la démocratie, les Républicains font ce qu’ils peuvent pour détruire le processus démocratique. Sans un démocrate présent, (tous les démocrates ont fui l’Etat pour éviter que la loi ne soit votée), Scott Walker a fait passer sa loi pour détruire la négociation collective, et affaiblir en fin de compte les syndicats. Alors qu’ils s’étaient fait barrer l’accès au building, les voix de la classe moyenne pouvaient encore se faire entendre dans les murs de la capitale. Cela vous rappelle quelque chose ?

We are one

À la consternation de Walker, l’histoire ne s’est pas finie sur ses actions unilatérales. Depuis le scandale du Wisconsin le 10 mars, les gens sont trouvé l’énergie pour répliquer. Des pétitions demandant la révocation des élus ont commencé à circuler, visant les Républicains du Wisconsin qui ont retiré aux travailleurs le droit de négocier collectivement. Actuellement, assez de signatures ont été collectées pour exiger la révocation du sénateur républicain Dan Kapanke, bien qu’il y ait encore sept républicains visés par la procédure.

Malheureusement, d’autres États emboitent le pas du Wisconsin : L’Ohio vient de signer une loi anti-syndicats draconienne et presque chaque Etat des Etats-Unis a inscrit à son agenda une loi anti-syndicats.

Cliquer ici pour voir la vidéo.

Le 4 avril, l’American Federation of Labor – Congress of Industrial Organizations (AFL-CIO) a aidé à organiser plus d’un millier de rassemblements. La date est particulièrement lourde de sens, puisque c’est l’anniversaire du discours de Martin Luther King « I Have a Dream ». Martin Luther King III explique pourquoi son père aurait soutenu les travailleurs :

Il y 43 ans, mon père, Martin Luther King Jr., était assassiné à Memphis, dans le Tennessee, alors qu’il soutenait une grève des éboueurs municipaux. Cela représentait, dans son esprit, davantage qu’une quête pour quelques dollars de plus sur la paye. Il considérait que la grève faisait partie des grandes batailles de son époque – la lutte pour la démocratie, la vérité, la justice et la dignité humaine.
C’est pour ces mêmes raisons essentielles que mon père se joindrait aujourd’hui à des millions d’autres Américains pour défendre les fonctionnaires du Wisconsin, de l’Ohio, de l’Indiana et d’autres États où la négociation collective fait  maintenant l’objet d’attaques.

Dans tout le pays, des citoyens ordinaires ont montré leur solidarité et fait savoir aux Républicains qu’ils ne laisseraient pas passer ces initiatives anti-syndicats les bras croisés. Est-ce que les efforts du 4 avril seront suffisants pour prouver que la classe des travailleurs est trop grosse pour échouer ?

« J’espère voir plein de gens à City Park, Denver, Colorado. Pour la manifestation MLK et le rassemblement syndicaliste. »


« Je traverse le pont de Brooklyn en soutien aux syndicats, pour le droit des travailleurs et l’héritage de MLK ! »

« Faisons-le, Alaska ! 16 h 30 : rassemblements à travers l’État. »

« La seule réponse efficace à l’avidité organisée est le syndicalisme organisé. »

« Le Wisconsin est victime d’une stratégie nationale »

OWNI a contacté Penny Schantz, actuelle déléguée internationale de l’American Federation of Labour and Congress of Industrial Organizations (AFL-CIO), pour évoquer la situation aux États-Unis. Durant trente ans, elle a été présidente de la section locale de Madison, quand la législation qui accordait le droit de négocier collectivement aux chargés d’enseignement a été introduite.

En quoi les manifestations aux États-Unis sont différentes des manifestations en Afrique du Nord ?

Les revendications sont de nature différente. En Égypte et en Tunisie, il s’agit de changements fondamentaux dans la société elle-même. Ce sont des mouvements populaires menés par des gens qui veulent la démocratie et mettre fin à plusieurs décennies de dictature. Ce qui se passe aux États-Unis est une réaction aux initiatives prises par l’aile dure des Républicains, qui s’en prend aux travailleurs du secteur public et à leur droit d’avoir des syndicats.

Le Wisconsin est victime d’une stratégie nationale menée par des hommes politiques qui sont déterminés à récompenser les PDG et les autres donateurs des entreprises qui ont financé les campagnes dans chaque État où ils détiennent le pouvoir politique. La stratégie qu’ils ont adoptée est très bien coordonnée et financée, et elle est soutenue par une énorme machine de propagande. Ils mènent ces initiatives sous couvert de réductions budgétaires.

From Memphis to Madison Rally

Pouvez-vous détailler le fonctionnement de cette propagande de la droite ?

Les Républicains utilisent les réductions budgétaires comme une excuse. Ils essayent de retirer des services pour les familles de travailleurs, et dans le même temps, ils accordent des réductions majeures de taxe aux entreprises et aux riches. Il est donc difficile de croire que c’est vraiment lié à des réductions de budget. Si vous regardez les élections de 2010, et comme nous le savons tous, de larges victoires ont été remportées par beaucoup de candidats du Tea Party -, les contributeurs les plus importants du parti démocrate ont été les syndicats du secteur public. Il ne s’agissait pas que d’argent mais aussi de votes et de bénévoles.

Existe-t-il une relation entre la force et le pouvoir des marchés financiers et la faiblesse de la capacité des syndicats à négocier ?

L’effort concerté des entreprises américaines pour affaiblir les syndicats est un problème majeur. Les syndicats ont été à leur apogée entre la fin de la Seconde Guerre mondiale et le début des années 70. À cette époque, nous avons observé une tentative organisée et très bien financée – malheureusement assez efficace – de retirer le pouvoir aux syndicats et de rendre plus difficile pour les travailleurs d’en former un. En termes de mondialisation et de croissance des marchés financiers, l’attaque contre le mouvement syndicaliste aux États-Unis a précédé les tentatives importantes de globalisation, qui sont elles beaucoup plus récentes.

Les actions unilatérales de Walker ont suscité beaucoup de frustration, mais pas tant que cela en termes de résolution des problèmes. Que suggérez-vous pour que la classe moyenne progresse ?

La classe moyenne peut progresser en s’organisant et en essayant de changer les fondements de la politique. Si les gens travaillent pour quelqu’un d’autre sans être syndiqués, ils devraient alors le faire. Ils devraient obliger les politiques à rendre des comptes. Nous devrions penser les améliorations de la société en se basant sur la création d’emplois décents. Malheureusement la reprise économique que nous avons aux États-Unis, dans la mesure où nous en avons eu une, est une reprise sans emplois. Cela ne sert pas du tout les intérêts de la classe moyenne, de la classe des travailleurs, ou des pauvres.

Quels types de loi aimeriez-vous voir passer aux États-Unis pour améliorer la législation ?

Une avancée majeure serait de faire passer l’Employee Free Choice Act. C’est une loi sur le travail qui autoriserait à avoir un syndicat si la majorité des travailleurs d’un site le désire. C’est aussi simple que cela. Donc si une majorité des employés dit “oui, nous voulons signer des cartes d’autorisation et avoir un syndicat”, pourquoi ne pourraient-ils pas avoir des représentants ? Actuellement aux États-Unis, ce n’est pas facile à cause des intimidations des employeurs envers les travailleurs : les délais sont longs pour organiser des élections honnêtes et il existe toute une série d’autres tactiques anti-syndicats.

Traduction Sabine Blanc et Ophelia Noor.

Crédit photo Flickr CC Dave Hoefler et wisaflcio

]]>
http://owni.fr/2011/04/27/est-ce-que-la-main-invisible-etrangle-les-travailleurs/feed/ 6
La chute d’Hosni Moubarak http://owni.fr/2011/02/13/la-chute-hosni-moubarak-egypte-revolution/ http://owni.fr/2011/02/13/la-chute-hosni-moubarak-egypte-revolution/#comments Sun, 13 Feb 2011 09:00:09 +0000 Paul Amar http://owni.fr/?p=46284 Traduction et adaptation d’un article de Paul Amar paru le 1er février sur Jadaliyya.com
Paul Amar
est professeur en relations internationales à l’Université de Californie, Santa-Barbara.

Le Président Hosni Moubarak a perdu son pouvoir politique le vendredi 28 janvier.
Cette nuit-là les soldats égyptiens ont laissé brûler le quartier général de son Parti National Démocratique et ont commandé aux brigades de police qui attaquaient les manifestants de réintégrer leurs casernes. Quand les appels à la prière du soir furent lancés et que personne ne comptait respecter le couvre-feu, il était clair que le vieux président était réduit à une autorité fantôme.
La « Million Man March » du 1er février marque l’émergence spectaculaire d’une société politique d’un genre nouveau en Egypte : unissant des éléments reconfigurés de la sûreté de l’Etat avec des hommes d’affaires, des leaders internationaux, des mouvements populaires relativement nouveaux de jeunes, de travailleurs, de femmes et des groupes religieux.

Pour savoir où va l’Egypte, et la forme que pourrait y prendre la démocratie, nous avons besoin de remettre les mobilisations populaires dans leurs contextes militaires, économiques et sociaux. Quelles sont les autres forces derrière ce revirement? Et comment le gouvernement militaire de transition va-t-il coexister avec le mouvement de protestation fort de plusieurs millions de personnes ?

Le siège du NDP au 29 janvier

De nombreux commentateurs internationaux et quelques analystes politiques arrivent difficilement à comprendre la complexité des forces qui conduisent et répondent aux événements de la plus haute importance auxquels nous assistons. La confusion provient du fait qu’ils observent ceux-ci avec d’un point de vue manichéen. Ce genre de perspective obscurcit plus qu’elle n’éclaire.
Il y a trois modèles binaires proéminents ici, et chacun est porteur de sa propre valeur :

1. Le Peuple contre la Dictature : cette vision conduit à la naïveté libérale et à la confusion sur le rôle joué par les militaires et l’élite dans le soulèvement.

2. Les Séculaires contre les Islamistes : ce modèle mène à la stabilité appelée depuis les années 80 et à l’islamophobie.

3. La Vieille Garde contre la Jeunesse Frustrée : cette perspective est teintée d’une romance soixante-huitarde qui ne peut pas expliquer les dynamiques structurelles et institutionnelles conduisant au soulèvement, ni prendre en compte les rôles clés joués par beaucoup de septuagénaires de l’époque Nasser.

Pour commencer à cartographier une vision plus globale, il serait utile d’identifier les pièces en mouvement sur l’échiquier militaire et policier de la sûreté de l’Etat et de voir comment les affrontements au sein de et entre ces institutions coercitives sont liés à l’évolution des hiérarchies et aux formations de capitaux. Je vais aussi observer ces facteurs à la lumière de l’importance de nouveaux mouvements sociaux non-religieux et de l’identité internationale ou humanitaire de certaines figures qui émergent au centre de la nouvelle coalition d’opposition.

Les commentateurs occidentaux, qu’ils soient de droite ou de gauche, tendent à considérer toutes les forces de coercition des Etats non-démocratiques comme les marteaux de la dictature ou comme les expressions de la volonté d’un chef autoritaire. Mais chaque police, armée et appareil sécuritaire a sa propre histoire, sa culture, son appartenance de classe et, souvent, sa propre source de revenus et de soutiens.

Décrire tout cela en détail prendrait plusieurs ouvrages, mais tentons brièvement d’en faire le tour ici.

Les forces de police al-shurta

En Egypte, elles sont dirigées par le Ministre de l’Intérieur qui était très proche de Moubarak et qui en est devenu politiquement dépendant. Mais les postes de police ont gagné en autonomie au cours des dernières décennies. Parfois, cette autonomie s’exprime dans l’adoption d’une idéologie militante ou d’une mission morale ; certaines brigades des moeurs ont pris le trafic de drogue à leur compte, d’autres rackettent les petits commerces en échange de leur protection mafieuse.

Dans une perspective bottom-up, la dépendance politique de la police n’est pas grande. La police s’est développée pour devenir une espèce d’entreprise cherchant son propre intérêt. Dans les années 80, elle a du faire face à la croissance de gangs, appelés baltagiya en arabe égyptien. Ces organisations affirmaient leur pouvoir sur de nombreuses extensions et bidonvilles du Caire. Les étrangers et la bourgeoisie égyptienne les considèrent comme des islamistes mais ils sont pour la plupart tout à fait dénués d’appartenance idéologique.

Lazoughli Square : les manifestants en route pour le Ministère de l'Intérieur

Au début des années 90, le Ministère de l’Intérieur, voyant qu’il ne pouvait pas les combattre, a décidé de les acheter. Ainsi, le Ministère de l’Intérieur et les Services Centraux de Sécurité ont commencé à sous-traiter la coercition aux baltagiya, les payant bien et les entraînant à utiliser une brutalité sexualisée (des attouchements au viol) pour punir ou décourager les manifestantes ou les détenus masculins. C’est aussi à ce moment que le Ministère de l’Intérieur a transformé le Bureau d’Enquêtes de la Sécurité d’Etat (State Security Investigations, mabahith amn al-dawla) en une menace monstrueuse, arrêtant et torturant de nombreux dissidents politiques.

Les Services Centraux de Sécurité Amn al-Markazi

Ils ne dépendent pas du Ministère de l’Intérieur. Ce sont les hommes casqués à l’uniforme noir que les médias appellent « la police ». Les Services Centraux de Sécurité étaient censés agir comme l’armée privée de Moubarak. Ils n’ont rien à voir avec les gardes révolutionnaires ou les brigades morales comme les basiji qui ont joué un rôle dans la répression du Mouvement Vert en Iran. Les Amn al-Markazi sont sous-payés et n’ont pas d’appartenance idéologique.
En outre, à plusieurs reprises, ces brigades de la Sécurité Centrale se sont soulevés en masse contre Moubarak lui-même, pour demander une hausse des salaires et de meilleures conditions de travail. La vue de ces Amn al-Markazi désarmés et embrassés par les manifestants est devenue l’une des icônes de la révolution égyptienne. La disparition de l’autorité de Moubarak pourrait remonter au moment exact où les manifestants déposèrent des baisers sur les joues des officiers Markazi avant que ceux-ci n’entrent dans les nuages de gaz lacrymogène pour ne plus revenir.

Membre des Service centraux de sécurité

Des Forces Armées divisées

Les Forces Armées de la République Arabe d’Egypte n’ont pas grand chose à voir avec les Markazi ou la police. On pourrait dire que l’Egypte est toujours une « dictature militaire » (si l’on veut utiliser le terme) puisque le régime est toujours celui qui fut installé par la Révolution des Officiers Libres dans les années 50. Mais l’armée a été marginalisée depuis la signature, par le président égyptien Anouar Sadate, des accords de Camp David avec Israël et les Etats-Unis.
Depuis 1977, l’armée n’est pas autorisée à combattre. Au lieu de ça, les généraux ont reçu énormément d’argent de la part des Etats-Unis. On leur a accordé des concessions sur des centres commerciaux égyptiens, on leur a permis de développer des gated communities dans le désert et des stations balnéaires à la côte. Et on les a encouragé à se réunir dans des clubs sociaux bon marché.

Tout cela a fait d’eux les hommes d’affaires d’un groupe d’intérêt incroyablement organisé. Ils sont attirés par l’investissement étranger mais leur loyauté est économiquement et symboliquement liée au territoire national. Comme nous pouvons le constater en examinant d’autres cas de la région (Pakistan, Irak, le Golfe), l’argent américain n’achète pas la loyauté envers l’Amérique, il n’achète que le ressentiment.

Ces dernières années, l’armée égyptienne est parcourue par un sentiment croissant de devoir national et a développé une honte amère par rapport à ce qu’elle considère comme sa « castration » : le sentiment qu’elle n’était pas là pour le peuple. Les Forces Armées veulent restaurer leur honneur et sont dégoutées par la corruption de la police et la brutalité des baltagiya.

Et il semblerait que les forces armées, en tant que « capitalistes nationalistes », se considèrent comme les ennemis jurés des « capitalistes complices » associés au fils d’Hosni Moubarak, Gamal, qui ont privatisé tout ce qu’ils ont pu et ont vendu le pays à la Chine, aux Etats-Unis et au Golfe Persique.

C’est donc pour cela qu’on a pu assister, dans les premiers jours de cette révolution, le vendredi 28 janvier, à un « coup » de l’armée contre la police et la Sécurité Centrale, et à la disparition de Gamal Mubarak et de Habib el-Adly, le Ministre de l’Intérieur honni. Pourtant, l’armée est aussi divisée par des contradictions internes. Au sein des Forces Armées, il y a deux branches d’élite : la Garde Présidentielle et l’Armée de l’Air. Ces deux branches sont restées proches de Moubarak alors que le gros de l’armée s’est tourné contre lui.

Ceci explique pourquoi vous pouviez voir le Général en Chef des Forces Armées, Muhammad Tantawi, se rendre sur Tahrir pour montrer son soutien aux manifestants alors que simultanément le chef des Forces Armées était nommé Premier Ministre et envoyait des avions de chasse aux mêmes manifestants. Ceci explique aussi pourquoi la Garde Présidentielle a protégé l’immeuble de la Radio/Télévision et a combattu les manifestants le 28 janvier au lieu de prendre leur défense.

Les Services de Renseignement

Le Vice Président, Omar Suleiman, nommé le 29 janvier, était auparavant le chef des Services de Renseignement (al-mukhabarat), qui font aussi partie de l’armée (et pas de la police).
Le renseignement est chargé des opérations secrètes dirigées vers l’extérieur, des détentions et des interrogatoires (et donc aussi de la torture et des « transferts » de non-Egyptiens). Les Services de Renseignement sont en mesure de faire pencher la balance de manière décisive lors des élections.
Comme je le comprends, les Services du Renseignement détestent Gamal Moubarak et la faction des « capitalistes complices », mais ils sont obsédés par la stabilité et entretiennent une longue relation intime avec la CIA et l’armée américaine. La montée de l’armée, et, en son sein, des Services de Renseignement, explique pourquoi tous ceux qui trempaient dans les affaires de Gamal Moubarak ont été purgé du cabinet le vendredi 28 janvier et pourquoi Suleiman a été fait Vice-Président par intérim (et agit en fait comme Président en fonction).

Cette révolution ou ce changement de régime pourrait être complet quand les tendances anti-Moubarak au sein de l’armée auront consolidé leur position et rassurer les Services de Renseignement et l’Armée de l’Air qu’ils peuvent s’ouvrir en toute confiance aux nouveaux mouvements populaires et à ceux coalisés autour du leader d’opposition El Baradei.

Ceci constitue la version optimiste de ce qu’on peut entendre lorsque Obama et Clinton parlent d’une « transition ordonnée ».

Le peuple veut ta chute

Business, nationalisme et naissance de la contestation

Le lundi 31 janvier, nous avons vu Naguib Sawiris, peut-être l’homme d’affaires égyptien le plus riche et le leader symbolique de la faction des « capitalistes nationalistes », se joindre aux manifestants et demander le départ de Moubarak. Au cours de la dernière décennie, Sawiris et ses alliés étaient menacés par le néolibéralisme extrême de Moubarak-et-fils et par leur préférence pour les investisseurs étrangers.

Parce que leurs investissements sont mêlés à ceux de l’armée, les intérêts de ces hommes d’affaires égyptiens sont liés au pays, à ses ressources, et à ses projets de développement. Ils sont exaspérés par la corruption du cercle intime de Moubarak.

En parallèle avec le retour d’un nationalisme organisé associé à l’armée et dirigé contre la police (un processus qui avait cours également durant la bataille contre le colonialisme anglais dans les années 30-50), il y a le retour de mouvements de travailleurs très organisés et puissants, principalement parmi les jeunes.
2009 et 2010 ont été marqués par de grandes grèves nationales, des sit-ins gigantesques et des manifestations de travailleurs sur les lieux-mêmes qui ont donné naissance au soulèvement de 2011. Et les zones rurales se sont soulevées contre les efforts gouvernementaux pour exproprier les petits fermiers de leur terre, s’opposant aux tentatives gouvernementales de re-créer les vastes fiefs qui définissaient la campagne pendant les périodes coloniales ottomane et britannique.

En 2008, nous avons vu émerger le Mouvement du 6 Avril, fort d’une centaine de milliers de personnes et conduisant à une grève générale nationale. Et en 2008 et décembre 2010 nous avons vu la création du premier syndicat indépendant du secteur public. Puis le 30 janvier 2011 des groupes de syndicats issus de la plupart des villes industrielles se sont regroupés pour former une Fédération Indépendante des Syndicats.

Travailleurs sur Tahrir Square

Ces mouvements sont organisés par de nouveaux partis politiques de gauche qui n’ont aucune relation avec les Frères Musulmans, et qui n’ont aucune connexion avec les générations passées du Nasserisme. Ils ne se positionnement pas contre l’Islam, évidemment, et ne se prononcent pas sur la division entre le séculaire et le religieux.

Leur intérêt est de protéger les fabriques nationales et les petits propriétaires terriens, ils demandent l’investissement des deniers publics dans des projets de développement économique nationaux, et cela concorde avec les intérêts de la nouvelle alliance capitaliste nationaliste.

Des mouvements sociaux coordonnés avec le Net

Nous voyons donc que derrière les ONG et les vagues de protestations conduites à partir de Facebook, il y a d’importantes forces structurelles et économiques et un réalignement institutionnel en cours. La population égyptienne se chiffre officiellement à 81 millions de personnes, mais en réalité elle va bien au-delà des 100 millions parce que certaines familles n’enregistrent pas tous leurs enfants pour leur épargner le service dans l’Amn Al-Markazi ou l’armée. À mesure que la jeune population s’organise, ces mouvements sociaux et coordonnés depuis l’Internet deviennent très importants.

On peut les regrouper en trois tendances :

1.Un groupe de nouveaux mouvements s’organise avec et autour des normes internationales, et pourrait donc tendre vers des perspectives et des discours séculaires et de mondialisation.

2.Un deuxième groupe s’organise à travers la culture légale très active et indépendante des institutions judiciaires égyptiennes. Cette culture légale forte n’est certainement pas une importation des « Droits de l’Homme occidentaux ». Des avocats, des juges et des millions de plaideurs – hommes et femmes, travailleurs, fermiers et élites – ont gardé le système judiciaire en vie et ont sans cesse résisté à l’autoritarisme et à la perte de leurs droits.

3.Un troisième groupe se trouve à l’intersection entre des ONG internationales, des groupes de défense des droits et de nouveaux mouvements de féministes, de ruraux, de travailleurs et de gauche. Ce dernier groupe critique l’universalisme des discours séculaires des Nations Unies et des ONG et s’appuie sur la force de l’activisme légal et travailleur égyptien. Mais il développe aussi ses propres solutions et innovations – bon nombre d’entre elles ont été montrées dans les rues ces derniers jours.

Nuit de camping à Tahrir Square

L’Egypte sur la scène internationale

Un dernier élément qu’il reste à examiner est le rôle critique et souvent négligé joué par l’Egypte au sein des Nations Unies et d’organisations humanitaires, et comment cette histoire revient pour animer la politique domestique et offrir une certaine légitimité et un certain leadership à Muhammad ElBaradei. L’ancien directeur de l’Agence Internationale de l’Energie Atomique semble avoir été choisi par le Front Démocratique Uni pour servir de président par intérim et pour diriger le pays pendant la période de transition et la rédaction d’une nouvelle constitution.

Au début des années 2000, ElBaradei a courageusement dirigé l’AIEA en affirmant qu’il n’y avait pas d’armes de destruction massive en Irak et que l’Iran ne développait pas l’arme nucléaire. Il a reçu le Prix Nobel pour avoir fait prévaloir la loi internationale sur l’agression et la guerre et pour avoir endigué la préparation d’une guerre contre l’Iran.
Ce n’est ni un radical ni un Gandhi égyptien, mais il n’est pas non plus une marionnette ou un fantoche américain. A ses côtés se tenait aussi l’acteur égyptien Khaled Abou Naga, ambassadeur auprès de l’UNICEF. Cela semble être davantage une révolution humanitaire qu’un soulèvement mené par les Frères Musulmans. C’est un changement de régime digne du 21e siècle – profondément local et simultanément international.

Mohmmed ElBaradei, 2009, Nations Unies

Il est important de se rappeler que la toute première force d’intervention humanitaire et armée des Nations Unies a été créée par les efforts conjoints de Gamal Abdel Nasser et du Président américain Eisenhower (deux soldats, bien sûr) en 1960 pour maintenir la paix à Gaza et pour empêcher les anciens pouvoirs colonialistes et Israël d’envahir l’Egypte pour reprendre le Canal de Suez.

Puis, dans les années 90, Boutros Boutros-Ghali fut le Secrétaire Général des Nations Unis. Aida Seif Ad-Dawla, quant à elle, est candidate au poste de Rapporteur des Nations Unis sur la torture. Les Egyptiens soutiennent depuis longtemps les lois internationales, les normes humanitaires et les droits humains. L’internationalisme égyptien insiste sur l’application des principes des Droits de l’Homme et des lois humanitaires en temps de guerre même contre les pressions des super-puissances.

Dans ce contexte, l’émergence d’ElBaradei comme leader est tout à fait compréhensible. Pourtant, la dimension internationaliste du soulèvement « local » égyptien est profondément ignorée par la plupart des commentateurs bien-pensants pour qui « international » signifie « l’Occident » et pour qui les manifestants égyptiens sont dirigés par une politique des tripes plutôt que par des principes.

Moubarak a perdu le pouvoir bien avant le 11 février.

Le nouveau cabinet est composé de chefs du Renseignement, de l’Armée de l’Air et de l’autorité pénitentiaire, ainsi que d’un dirigeant de l’Organisation Internationale du Travail. Ce groupe représente le coeur d’une « coalition pour la stabilité » qui va travailler pour réunir les intérêts d’une nouvelle armée et de la main d’oeuvre et du capital national tout en rassurant les Etats-Unis.
Oui, c’est un remaniement de cabinet, mais un remaniement qui reflète un important changement de direction politique. Mais rien de tout cela ne comptera comme transition démocratique tant qu’une vaste coalition de mouvements sociaux locaux et internationalistes égyptiens ne brisera pas ce cercle et n’imposera pas les termes et le programme d’une transition.

Je serais prêt à parier que les chefs du nouveau cabinet ne résisteront pas à la volonté des soulèvements populaires forts de cent millions d’Egyptiens.

A lire en complément :
> Moubarak est parti. Et après ?
> Tous les articles d’Owni sur l’Egypte
-
Traduction : Damien Spleeters
Titre original : Why Moubarak is out
-
Crédits photo, via Flickr : Par Guebara Graphics, [cc-by-nc-sa] : Affiche de Mubarak ; Par Hossam El-Hamalawy, [cc-by-nc-sa] : Camping place Tahrir, Siège du NDP, Tank sur Tahrir Sq. , Pancarte, Service Centraux de Sécurité , les travailleurs, Lazoughli Sq., ; Par United Nations Photo, [cc-by-nc-sa]Mohammed ElBaradei ,

]]>
http://owni.fr/2011/02/13/la-chute-hosni-moubarak-egypte-revolution/feed/ 7
Les erreurs des manifs d’automne : une frappe molle http://owni.fr/2010/11/09/les-erreurs-des-manifs-dautomne-une-frappe-molle/ http://owni.fr/2010/11/09/les-erreurs-des-manifs-dautomne-une-frappe-molle/#comments Tue, 09 Nov 2010 14:23:57 +0000 Seb Musset http://owni.fr/?p=37146 Malgré les trombes d’eaux, malgré une matinée à courir après un bus de la RATP qui n’est jamais arrivé, j’y suis retourné. A 14h30, je remonte le boulevard Beaumarchais. La manifestation est censée avoir commencer. Hormis la sono hurlante, résonnant deux fois plus faute de corps pour amortir le bruit, c’est tragiquement calme. Au point que la circulation des voitures n’est pas encore coupée. Fidèle à son gouvernement, et profondément solidaire avec les travailleurs, un chauffeur de taxi passe en force avec sa berline climatisée au travers d’un groupe de quelques syndicalistes à leur point de ralliement.

Une dame : va lui péter la gueule, Raymond !

Il est déjà loin.

Il pleut de plus moche. N’allons pas faire notre Beauvau, mais force est de constater que les cortèges Place de La République sont plutôt clairsemés. Les caméras de télévision, discrètes aux précédentes mobilisations, sont venues en force. Des équipes emballées dans des K-Way géants, comme s’ils traversaient une tribu sauvage d’Amazonie, capturent en HD toutes les gueules rincées qui passent. Comme si nous étions trop nombreux, le cortège est divisé en deux parcours.

Requiem pour les retraites le 6 novembre

Avec sa désastreuse météo de droite, sa visibilité à trois mètres, sa procession de parapluie (que je prends systématiquement dans la tronche) et malgré l’entrainante prestation d’HK et les Saltimbanks, la mobilisation ressemble à un requiem pour les retraites.

Leaders non charismatiques, slogans au marteau, aucune participation des intellectuels français, manque d’incarnation [1] : quel gâchis de bonnes volontés après deux mois d’une superbe et poignante mobilisation où nous avons croisé tant de gens exceptionnels, redonnant confiance (jusqu’aux autres pays) dans la résistance citoyenne.

La stratégie syndicale laisse perplexe. Pourquoi tant de mobilisations si proches et pas de grève générale, si ce n’est pour faire de l’accompagnement de réforme ? Pas même un referendum d’initiative populaire, comme pour La Poste. La tête syndicale a lubrifié la révolte, faisant piétiner sa base jusqu’à tant que le gouvernement puisse la prendre au piège de « la mobilisation en baisse » et que les dociles caméras puissent faire ces images que les gouvernements étrangers attendent pour déclarer que « regardez, nous devons nous réformer comme en France ! Là-bas plus personne ne va contre le progrès ».

Mais la faute est aussi en nous. Malgré notre « soutien populaire » à ce mouvement, nous avons laissé faire les autres. J’ai beaucoup entendu parler de Mai 68 depuis deux mois, comme s’il s’agissait d’une formule magique, d’une marque déposée. Ce mouvement n’a rien à voir avec 68, et aucun mouvement ne renversera quoi que ce soit, sans la contribution active de ceux qui le soutiennent virtuellement. Tandis qu’une poignée d’irréductibles bloquait les raffineries, nous continuions à pointer à nos boulots, soulagés qu’ils fassent le travail (et prennent le risque) du non-travail à notre place, réjouis du boxon tant qu’il ne nous affectait pas trop. Et puis, quand même, un peu inquiet à l’approche des congés que notre week-end prolongé chez Mamy soit un peu gâché et que notre confort moderne soit remis en question quelques journées, nous avons, à l’unisson de notre « méchant » gouvernement, sonné la fin de la récré.

Nous avons abandonné nos combattants en rase campagne.

Incarner un mouvement

La force d’inertie de la clique mafieuse au pouvoir, exige plus pour être déstabilisée que les renoncements quotidiens de ceux qui s’en plaignent mollement. Ces deux mois de mobilisation sont la preuve par l’exemple qu’il faut saisir ce cadre que nous offrent les syndicats mais vite le déborder.

Pourtant pour reprendre le cri de guerre des derniers courageux militants sous parapluie du jour gris, oui « ça va péter », un jour, il ne peut en être autrement. Mais il va falloir oser taper où ça fait mal, et ne pas attendre que nous soyons réduits à l’état de loques sociales, affamés, édentés avec une espérance de vie de 52 ans :

  • incarner ce mouvement. Il faut plus de leaders à la Xavier Mathieu en tête de pont, et moins de followers à la François Chérèque face à Chabot pour servir la soupe à Parisot. Nous avons besoin de raconter des histoires, des situations, des portraits. Créer du feuilleton, du « storytelling » comme ils disent là-haut. Il n’y aura même pas à forcer le trait tant les drames et les injustices s’accumulent.
  • des manifestations moins nombreuses, mais plus massives, avec une grosse démonstration de force centralisée sur Paris, dirigée vers les banques, les sièges, les lieux de pouvoir, les beaux quartiers (la manifestation dans le VIIIe avait une autre ambiance, un poil plus électrique, que les classiques défilés Répu-Nation). Le mouvement d’octobre 2010 nous aura confirmé une chose : le pouvoir tremble plus que jamais devant la rue, son mutisme au pic de la contestation était du jamais vu en trois ans.
  • le blocage de l’économie. Un mois de serrage de ceinture vaut bien la sauvegarde d’un pays et de ses générations. Et puis ça fera des souvenirs « de guerre » à raconter pour les trois prochaines générations.

Attendre 2012 ne suffira pas

Enfin bon, je m’emporte. Mais j’avais un peu le moral à zéro en rentrant hier de la manifestation parisienne, trempé de la tête au pied, alors qu’au buzzomètre du jour, je réalisai que la vidéo de la femme d’un Ministre raciste déboulant, glamour, en robe pigeonnante pour une sauterie élyséenne à la gloire du grand démocrate chinois Hu Jintao, pétait tous les scores.

Que faire maintenant ? Attendre 2012, comme je l’entends partout ? Bien sûr, mais cela ne suffit pas. Les mêmes effets reproduiront mais les causes. Si l’on reste sur la chaussée à regarder les autres passer, les mêmes gouvernements passeront et passeront encore, poursuivant leur œuvre de destruction.

Va falloir rejoindre la danse et se mêler de ces choses dont ils ne souhaitent pas que l’on s’occupe et qui, pourtant, nous affectent bien plus qu’eux.

Si cela peut vous rassurer: avec l’énergumène au pouvoir, je suis persuadé que nous aurons, avant 2012, à remontrer de quel bois nous nous chauffons.

Billet publié initialement sur le blog de Séb Musset sous le titre 6 novembre, un jour gris.

FlickR CC Grégoire Lannoy ; François L ; blog c politic.

]]>
http://owni.fr/2010/11/09/les-erreurs-des-manifs-dautomne-une-frappe-molle/feed/ 3
Réseaux sociaux dans l’entreprise.fr: ||les 5 obstacles culturels http://owni.fr/2010/09/26/reseaux-sociaux-dans-l%e2%80%99entreprise-fr-les-5-obstacles-culturels/ http://owni.fr/2010/09/26/reseaux-sociaux-dans-l%e2%80%99entreprise-fr-les-5-obstacles-culturels/#comments Sun, 26 Sep 2010 12:19:18 +0000 Cecil Dijoux http://owni.fr/?p=28822

Il s’agit d’un questionnement qu’avait déjà soumis Bertand Duperrin depuis son blog dans la préparation de l’enterprise 2.0 summit : quelles sont les spécificités de l’entreprise française qu’il convient de prendre en compte dans la mise en œuvre de réseaux sociaux dans l’entreprise.fr ?

Comme le rappelle le slide illustrant ce billet, cette approche n’implique pas seulement des outils collaboratifs mais aussi un changement profond dans notre relation au travail au sein d’une organisation.

La réponse aux spécificités françaises tient en 5 obstacles culturels majeurs. Bien sûr ces obstacles existent aussi dans d’autres cultures mais pas de manière aussi particulièrement saillante que chez nous et ce pour plusieurs raisons, développées ci après.

1 – Un rapport passionnel au travail

Le séminal Capitalisme d’héritiers de Thomas Philippon (professeur d’économie à l’université de New York et l’école d’économie de Paris), rappelle que de tous les pays de l’OCDE, la France est celui pour lequel l’activité professionnelle joue le rôle le plus important dans la vie de ses citoyens. (étude du World Value Survey)

Cela a un écheveau de conséquences évidentes :

  • l’importance du statut professionnel dans la construction de l’identité.
  • l’importance accordée à la hiérarchie non pour ce qu’elle est (un système d’organisation du travail collaboratif) mais comme révélateur de réussite sociale, ce qui a des effets pervers et politiques.
  • la terreur à l’idée de perdre son emploi, terreur évoquée non seulement par l’essai de Philippon mais aussi par celui, non moins remarquable de Gérard Grunberg. Si mon travail est ce qui me caractérise le mieux dans mon identité, le perdre correspond à un perte d’identité. Cela implique une réticence maladive à partager l’information dans le but de se rendre indispensable. De plus il s’agit là d’un frein à l’évolution latérale au sein de l’organisation et, partant, d’un accélérateur de sclérose.
  • L’incapacité à différencier son travail de ce qu’on est. Ainsi ce rapport affectif au travail rend très difficile la critique et crée bon nombre de conflits. Dans le domaine de l’informatique, les Anglo-saxons ont créé le manifeste de l’egoless programming pour sensibiliser sur ce point.
  • l’incapacité à reconnaitre ses erreurs, aptitude pourtant essentielle dans la fluidification des rapports professionnels. Et dans l’enrichissement personnel car cette incapacité est le symptôme d’une réelle difficulté à se remettre en cause.

Problème pour l’entreprise 2.0 :

  • Accepter une structure à plat, où l’importance accordée à l’interlocuteur n’est plus proportionnelle à l’intitulé du poste mais à l’autorité acquise avec la contribution objective.
  • Accepter la notion d’émergence, le fait qu’il n’y a pas un grand architecte qui définira en amont ce que sera la topologie de diffusion et échanges des informations.
  • Accepter qu’on ne passera pas des heures à définir des processus pour rassurer le management. Mais qu’au contraire il y a aura une organisation agile qui ne sera jugée qu’à l’aune de sa productivité.
  • Accepter pour la hiérarchie, une communication et des préconisations qui viennent des forces productives (i.e bottom-up).
  • Convaincre de l’importance primordiale de partager l’information lorsque c’est identifié par certains employés comme l’assurance de conserver leur emploi et par des managers comme un instrument de contrôle.

2 – Une culture de la relation hiérarchique conflictuelle

Encore une fois, l’ouvrage de Thomas Philippon nous indique une piste passionnante et cite les travaux du sociologue britannique Colin Crouch dressant un comparatif saisissant entre 1) les pays où sont entretenus les relations hiérarchiques les plus conflictuelles dans le travail et 2) les pays pour lesquels les syndicats ont été autorisés le plus tard. Ainsi :

Dans l’échantillon des 15 pays étudiés par Crouch, la classification en fonction de de l’attitude des États vis-à-vis du développement syndical entre 1870 et 1900 explique 53% de la variance des opinions des managers sur les relations sociales dans l’entreprise en 1999. Les pays où le développement syndical au XIXe a été faible et tardif sont précisément ceux qui souffrent de relations sociales conflictuelles. Réciproquement les pays où les syndicats se sont implantés rapidement sont ceux qui aujourd’hui ont des relations sociales constructives.

Ainsi les pays latins d’Europe dont la France où les syndicats ont vu leur levée d’interdiction la plus tardive, sont aussi les pays pour lesquels on trouve les relations hiérarchiques les plus conflictuelles.

Problèmes pour l’entreprise 2.0 :

  • Difficulté de mettre en œuvre une culture de l’ouverture, du partage et de la transparence dans un climat conflictuel.
  • Difficulté à concevoir un rapport pacifique et constructif à travers les niveaux hiérarchiques.
  • Possibilité pour les employés d’identifier ces plateformes comme des outils de surveillance sur l’activité.
  • Barrière à l’adoption et réticence au changement.

3 – La société de défiance

Il s’agit d’un ouvrage des universitaires Yann Algan (enseignant à Sciences-Po) et Pierre Cahuc (à Polytechnique). Hypertextual en a déjà parlé ici. Cet ouvrage explique comment la France est un pays où culturellement se perpétue une défiance permanente, pour des conséquences inquiétantes.

Baseline : En France bien plus que dans n’importe quel autre pays riche, on se méfie de ses concitoyens, des pouvoirs publics et du marché. Cette défiance va de pair avec un incivisme bien plus ancré dans les mentalités et constaté dans les actes.

Accessoirement la confiance est avant tout un élément essentiel du succès d’entreprises commerciales comme le rappelle Kenneth Arrow, enseignant à Stanford et prix Nobel d’économie 1972.

« Virtuellement tout échange commercial contient une part de confiance, comme toute transaction qui s’inscrit dans la durée. On peut vraisemblablement soutenir qu’une grande part du retard de développement économique d’une société est due à l’absence de confiance réciproque entre ses citoyens. »

Problème pour l’entreprise 2.0 :

  • Difficulté de mettre en œuvre une culture de l’ouverture, du partage et de la transparence dans un climat de défiance perpétuelle.
  • Faire comprendre que la confiance au sein de l’entreprise peut exister et que cela aboutit à une relation gagnant-gagnant.
  • Faire entendre aux DSI, pour citer le totem Cluetrain Manifesto (la thèse 41), que la religion de sécurité empêche moins des fuites vers la concurrence qu’une plus grande et plus fertile communication au sein des employés et entre les employés et le marché.

4 – La diabolisation de l’entreprise

Il s’agit là encore d’un trait culturel prononcé et caractéristique de notre société : l’entreprise et l’entrepreunariat sont diabolisés bien plus que dans n’importe quel autre pays riche. Les exemples sont légions. Hypertextual a adressé cette caractéristique à plusieurs reprises.

Il y a de nombreux exemples, mais nous n’en conserverons qu’un : le remplacement en France (et en France uniquement) de la compétence “esprit d’entreprise” par “autonomie” dans le socle commun des connaissances et compétences agréé par les pays de la communauté européenne.

Au-delà du système éducatif il persiste une immanence culturelle dans la défiance de l’entreprise et son extension, la mondialisation. Comme le dit le philosophe Gilles Lipovetsky dans la Société de déception :

Dans notre modèle colbertiste-jacobin-interventionniste, l’économie de marché, la culture du profit, n’ont jamais été acceptées. La puissance publique est reconnue comme l’appareil suprême de l’unité et de la cohésion sociale, l’instance productrice du bien public et du lien social. Or la mondialisation heurte de front le modèle de l’état producteur de la nation. Les Français vivent la globalisation économique comme un violence faite contre eux, véritable menace de disparition de leur identité nationale.

De manière plus prosaïque cette défiance est représentée tous les soirs à 20 heures dans les guignols de l’info, ce depuis vingt ans : une vision caricaturale de la vie d’entreprise et de la mondialisation avec leurs représentants de la World Company.

On trouve aussi régulièrement des œuvres de l’industrie artistique telles que le film La Question Humaine, pour prendre un exemple récent, où est établit le plus simplement du monde une analogie entre l’entreprise et la Shoah.

Un peu comme la défiance et l’incivisme, il s’agit là de conséquences directes de la main-mise particulièrement prégnante dans le pays des Derrida, Foucault et Baudrillard de la pensée contre-culturelle sur notre appréhension de la société de marché : cet aspect est particulièrement bien montré par les universitaires canadiens Joe Heath et Andrew Potter dans leur remarquable ouvrage La Révolte consommée.

Problème pour l’entreprise 2.0

  • Faire comprendre à une population éduquée dans une culture de diabolisation du marché que non, tout le système n’est pas vicié et qu’il existe des entreprises en France comme ailleurs où les employés sont ravis de leur emploi, de la place qui leur est faite et de leur capacité à s’épanouir. Et qu’une approche ouverte et collaborative peut servir de levier pour y parvenir.

5 – La réticence à partager l’information chez les élites

Pour ce dernier point, ma perception est plus diffuse et ne dispose pas de l’assise théorique des précédentes. Il s’agit plus d’un ressenti discuté ici . Elle renvoie à cette description de Jon Husband dans son essai Wirearchy qui rappelle comment depuis toujours dans les société humaines l’exercice du pouvoir est passé par le contrôle de l’information.

La France est une société qui a une tradition de formation des élites avec les grandes écoles érigées sous l’ère napoléonienne. Ainsi avons-nous une population qui est passée par des sacrifices et des efforts importants pour accéder à des statuts importants dans la République, statut leur octroyant si ce n’est l’exclusivité tout au moins la primauté à l’accès à la  connaissance et à l’information.

Cela nous mène des journalistes aux scientifiques ou plus généralement en ce qui nous concerne ici, les diplômés des grandes écoles qui forment l’essentiel des dirigeants d’entreprise.

Problème pour l’entreprise 2.0

  • Le manque de disposition de ces élites à accorder, si ce n’est du crédit, tout au moins du temps d’écoute à des individus qui n’en font pas partie. Et qui grâce à Internet ont la possibilité de développer des compétences très pointues dans des domaines particuliers.
  • Le discrédit systématique de sources de connaissance “non officielles” – eg Wikipedia, etc … qui  sont, de plus, perçues comme une menace tendant à déposséder l’élite d’un privilège atavique de primauté d’accès à l’information
  • Une culture de l’élitisme qui se dresse en obstacle à la mise en place de la convivialité comme l’évoque Valery Giscard d’Estaing dans cet entretien avec François Mitterand de décembre 1995, entretien tiré de son ouvrage Le Pouvoir et la vie :

V. Giscard D’Estaing : Que regrettez vous de n’être parvenu à changer ? F. Mitterand : L’entreprise. Je n’ai pas réussi à la changer. Les rapports restent beaucoup trop hiérarchiques, distants. Les dirigeants méprisent leur personnel, il n’y a pas de convivialité.

Que faire ?

Comment surmonter ces obstacles dans la mise en œuvre de réseaux sociaux au sein de l’entreprise.fr ? Je ne sais pas trop mais une chose est sûre : la pédagogie ne peut pas faire de mal.  Sensibiliser les cadres et employés de l’entreprise au fait que ces éléments ne sont pas co-substanciels à l’entreprise mais plutôt aux particularismes de l’entreprise.fr. Puis montrer que l’on peut vaincre le fatalisme par une mise en œuvre graduelle, jonchée de petites victoires.

Je demeure toutefois désespérément optimiste, et ce pour une raison : le logiciel libre. Quel meilleur exemple de travail collaboratif sans hiérarchie, mû par la passion, de qualité remarquable et reconnue ? Dans un des pays où la culture de l’open source est la plus développée, que ce soit au niveau de la contribution ou de l’utilisation, ces 5 obstacles rejoignent ces  paradoxes qui donnent à notre pays ce charme unique, ambigu (et épuisant).

Billet initialement publié sur Hypertextual

Image CC Flickr Emmanuel Frezzotti  et Anna Gay

]]>
http://owni.fr/2010/09/26/reseaux-sociaux-dans-l%e2%80%99entreprise-fr-les-5-obstacles-culturels/feed/ 11
Alain Touraine: “une lumière qui s’allume dans la nuit sociale” http://owni.fr/2010/09/24/alain-touraine-le-23sept-%c2%abune-lumiere-qui-sallume-dans-la-nuit-sociale%c2%bb/ http://owni.fr/2010/09/24/alain-touraine-le-23sept-%c2%abune-lumiere-qui-sallume-dans-la-nuit-sociale%c2%bb/#comments Fri, 24 Sep 2010 19:27:29 +0000 Sylvain Lapoix http://owni.fr/?p=29504 Jusqu’ici : l’incapacité d’agir du gouvernement, l’impossibilité de débattre du politique.

Ma manière de raisonner est la suivante : le grand problème français depuis longtemps c’est l’incapacité à lancer un débat et à prendre les décisions de manière normale et démocratique. On a beaucoup parlé d’un écroulement de la gauche, de la désyndicalisation… Tout cela est tout à fait vrai. En même temps, du côté du gouvernement, ou des gouvernements plutôt, on observe, depuis 20 ou 30 ans, une absence de prise en charge des problèmes. Les déficits des retraites ou de la sécurité sociale ont l’avantage d’être définis en partie démographiquement, on sait donc longtemps à l’avance quand les problèmes se présentent. Mais il y a une sorte d’impéritie, d’incapacité d’agir. Lorsqu’il y a capacité d’agir, on a toujours l’impression que c’est au service des plus riches.

Nous étions, et nous sommes encore, dans une grave crise économique mais nous avons pu mobiliser des milliards, en France, en Amérique, en Grande-Bretagne pour sauver les banques. Nous avons bien fait, c’était absolument indispensable. Mais lorsqu’il s’agit de penser un problème social, on se contente de dire « augmentons la durée du travail ». Comme si le seul choix était augmenter les cotisations, réduire les retraites ou augmenter le nombre d’années de cotisation, ce qui est une définition du problème absolument non politique ! Si les choses se passaient à un niveau très élevé, c’est-à-dire dans un pays où il y a une importante capacité de négociation, comme en Allemagne, pourquoi pas. Or, ce n’est pas du tout le cas en France.

Je considère que c’est d’une extrême gravité cette incapacité politique de la France à étudier les problèmes, à les négocier et à prendre les décisions, ce qui se fait généralement sur de longues durées.

Les mouvements des 7 et 23 septembre : un « renouveau de capacité politique »

Je vous dirais que j’ai un jugement très positif parce que je sens un petit renouveau de capacité politique. J’avais eu ce sentiment il y a quelques jours en écoutant Ségolène Royal chez Arlette Chabot qui s’exprimait au nom du Parti socialiste : j’ai trouvé que son discours était un discours politique, c’est-à-dire qui prenait les problèmes dans leur ensemble pour qu’ils soient discutés. Je pense que l’insistance de l’opinion public et des salariés, avec les coûts que ça entraîne de faire grève dans un certain nombre de cas, est une chose positive. Et, on aimerait penser, mais j’ai bien peur que ce soit trop tard, que cela impacte la deuxième phase de la discussion parlementaire, c’est à dire le Sénat.

J’ai l’impression d’un tout petit redémarrage de la vie politique qui, je pense, est en faveur de tout le monde.

Je ne dis pas du tout c’est une remontée de la gauche. Peut-être. Probablement. Mais ce n’est pas ça qui me semble le plus important ou même le plus évident :

il y a une capacité d’action politique qui était nul et qui réapparait.

On voudrait que le gouvernement puisse faire la même chose. De son côté, ce qu’on a vu depuis quelques semaines c’est l’affaire Woerth, l’affaire Bettencourt… autant de choses qui n’ont rien à voir avec tout ça et qui sont de purs évènements. Je ne me prononce pas dessus mais ce sont des affaires qui ont été comme « lancées dans les pattes » pour empêcher un débat politique. Je voudrais bien qu’on sorte de ce genre de situation qui est très très dangereuse et qu’on soit capable de se mettre à reposer les problèmes, à repenser les problèmes qu’on le veuille ou non. Ça veut dire avant toute chose : redresser la part des salariés dans le revenu national, alors que les loyers montent. Tout ça alors que les aides données par le gouvernement aux entreprises et aux banques, alors que les profits bancaires, sans parler de la spéculation, ont renforcé la part du capital par rapport au travail dans la répartition du revenu national.

Une volonté d’action nouvelle après 15 ans de sommeil.

Je dis merci à ceux qui se sont entêtés, au meilleur sens du mot, qui ont maintenu leur volonté d’action : ça prouve qu’il y a une volonté d’action, ça prouve qu’on n’est pas à zéro et qu’il peut y avoir un réveil possible.

Je souhaite évidemment qu’à mesure qu’on s’approche de l’élection présidentielle on assiste à un réveil de ce pays qui semble endormi et qui semble un peu le bateau ivre qui descend le fleuve sans savoir où il va.

Tout ce qui renforce la capacité d’action, le niveau du débat et les décisions prises, me semble positif. J’ai été tellement pessimiste depuis tellement d’années là-dessus. La grève de 1995, ça a été le début de la fin de la capacité d’agir des deux côtés. C’était il y a quinze ans : c’est très long ! Tout ce que je peux espérer c’est que tout le monde fasse tout ce qu’il est possible, évidemment en particulier ceux qui représentent les salariés, pour que ce mouvement s’amplifie et que la capacité d’action politique et sociale des salariés, et donc de tout le monde, augmente.

La prise de conscience de la jeunesse, première concernée par le démantèlement.

Le fait qu’il y ai eu des jeunes, des lycéens, des étudiants… C’est tout à fait excellent ! Parce qu’enfin, les problèmes qui se posent en ce moment, c’est leur niveau de vie à eux : les jeunes commencent à comprendre que leur niveau de vie va être inférieur, à qualification égale, au niveau de vie de leurs parents, parce que la dette publique bouffe une partie du revenu national. Par conséquent,

il est tout à fait bon, tout à fait rationnel et de bonne augure que les jeunes demandent gouvernement actuel : « quelle vie nous préparez-vous ? »

Personne ne doute que la politique menée depuis vingt ans en France ait des effets sur le niveau de vie des générations suivantes, c’est mathématique. Aujourd’hui, la dette publique représente presqu’autant que l’impôt sur le revenu, une partie importante du budget de l’État est donc consommé, non pas pour la protection sociale des gens qui viennent, mais simplement pour boucher le trou. Tout ça est complètement irrationnel et très dangereux et je me réjouis beaucoup que les jeunes y pensent.

N’employons pas des mots trop grandioses : je ne veux pas parler de renversement ou de grand tournant…

Je dis simplement que je vois ce qui se passe en ce moment comme une petite lumière qui s’allume dans la nuit sociale. Il faut remettre de la lumière sur la scène sociale et politique : n’allons pas trop vite. Est-ce que ce pas entraînera une marche ? Je l’espère mais c’est déjà essentiel de noter le réveil.

Se préoccuper de l’assurance maladie plutôt que du G20 pour garder la mobilisation au plus près.

Se préparer à s’attaquer à la présidence française du G8 et du G20 est le tic même du jugement faux : c’est de ça dont on n’a plus besoin du tout ! Vous n’allez pas mobiliser les Français sur le G20. D’une part, ce rassemblement est un progrès par lui-même : il consiste à associer une grande partie du monde, 60 à 70% de sa population. Ensuite, je ne vois pas ce qu’il y aurait de mal à ce que Sarkozy fasse quelque chose d’utile : sa présence européenne a été à peu près la seule bonne chose active qu’il ait faite jusqu’ici, sans être génial. Je ne souhaite certainement pas que les choses se passent mal. Ce qui est indispensable et de bon sens c’est que les gens puissent se mobiliser sur ce qui les touche le plus près. La retraite est essentielle mais le gouvernement ne perd pas de temps : dès le début d’octobre, la révision de la sécurité sociale sera mise en route.

Il est là le champs d’action, pas à Séoul ou ailleurs, il est en France, partout, pour défendre, repenser et élargir les retraites et la sécurité sociale, que ce soit une affaire nationale.

Que l’assiette des retraites ne soit pas l’assiette des salaires différés mais qu’elle porte sur l’ensemble de la richesse nationale. Ne nous éloignons pas : s’il y a une reprise d’activité qui se fait autour des problèmes des retraites c’est justement parce que c’est le contraire de ce que Attac a fait dans l’action altermondialiste.

La reprise de l’action avant le sursaut de l’intérêt pour la chose politique

Il faut que le mouvement qui vient de se réaliser puisse s’étendre, se prolonger et il est d’un bon sens élémentaire de savoir que la manière dont on sortira de l’affaire des retraites va commander dans une large mesure la manière dont on va entrer dans l’affaire des déficits de l’assurance maladie.

La sécurité sociale, qu’il faille la renouveler, personne n’en doute, rien n’est éternel. Mais la détruire ou la faire reculer, ça non !

Le problème reste la baisse de la part des salariés dans la richesse nationale. Pour être un peu démagogique : Nicolas Sarkozy dit « travailler plus pour gagner plus » alors que nous arrivons au « travailler plus pour gagner moins », c’est vrai !

Il est évident qu’à partir du moment où il y a un mécanisme de débat politique qui est engagé, il y a un retour à l’intérêt pour la politique. Il n’y a pas de loi de la nature qui impose à la participation électorale de baisser constamment : elle baisse quand les gens ne se sentent pas concernés ou qu’ils se sentent impuissant.

Le retour à l’action réveille l’intérêt pour la politique.

Crédit photo cc Agência Brasil

]]>
http://owni.fr/2010/09/24/alain-touraine-le-23sept-%c2%abune-lumiere-qui-sallume-dans-la-nuit-sociale%c2%bb/feed/ 5
[application] #23sept: la carte des chiffres http://owni.fr/2010/09/23/application-23sept-la-carte-des-chiffres/ http://owni.fr/2010/09/23/application-23sept-la-carte-des-chiffres/#comments Thu, 23 Sep 2010 08:26:57 +0000 Media Hacker http://owni.fr/?p=29000 Pour éviter les débats incessants du nombre de participants aux manifs contre la réforme des retraites, nous vous proposons de partager les informations que vous aurez récoltées pendant la journée et de construire une carte des mobilisations.

Sur twitter, pour nous envoyer le décompte des manifestants dans votre ville (en donnant vos sources), géolocalisez l’information en utilisant les hashtags #23sept et #ville (hastag avec le nom de votre ville). Lors de la journée du 7 septembre dernier, nous avions recensé avec vous environs 1 600 000 manifestants dans toute la France. Aidez nous à faire de même !

Pour éditer le tableau, cliquez ici

Pour éditer le tableau, cliquez ici

]]>
http://owni.fr/2010/09/23/application-23sept-la-carte-des-chiffres/feed/ 30
Retraites:|| le dossier d’OWNI http://owni.fr/2010/09/07/retraites-le-dossier-downi/ http://owni.fr/2010/09/07/retraites-le-dossier-downi/#comments Tue, 07 Sep 2010 17:07:44 +0000 Martin Clavey http://owni.fr/?p=27282 Titre original:

D’autres choix possibles pour financer les retraites

Pierre Khalfa de l’Union Syndicale Solidaires, Danièle Karniewicz présidente de la Caisse nationale d’assurance-vieillesse et membre de la CFE-CGC, Didier Horus représentant de la FSU au COR (Conseil d’Orientation des Retraites) et Éric Aubin en charge du dossier retraites à la direction confédérale de la CGT analysent les propositions du gouvernement et du Parti socialiste  et livrent leurs propres pistes pour un financement du système par répartition.

Le gouvernement exclut d’augmenter les cotisations sociales pour financer le système des retraites.

Si on n’augmente pas ces cotisations, cela signifie que les retraités et les salariés vont payer les ajustements futurs du système de retraite, et que les seconds vont inévitablement devoir travailler plus longtemps. Refuser d’envisager l’augmentation des cotisations sociales est un choix politique et idéologique, et nous refusons ce choix. Par ailleurs, les propositions du PS ne sont pas claires. D’un côté, il n’exclut pas d’allonger la durée de cotisation après 2025 et ne remet pas en cause l’allongement déjà programmé. De l’autre, il propose des sources nouvelles de financement, mais qui visiblement ne sont pas à la hauteur du problème puisque le PS propose toujours d’allonger cette durée de cotisation. On évoque souvent l’élargissement de l’assiette dans ce dossier. Mais c’est une discussion secondaire.

Le problème est de savoir si, aujourd’hui, on accepte de remettre en cause le partage de la valeur ajoutée. Les salaires baissent dans la part de la valeur ajoutée d’environ neuf points depuis une trentaine d’années. Il faut diminuer les profits des entreprises et notamment les dividendes. Il est tout à fait possible de financer les retraites avec le système actuel de cotisations sociales. Dans le scénario le plus pessimiste, le Conseil d’orientation des retraites montre qu’il faudrait, à l’horizon 2050, augmenter de 10,4 points les cotisations sociales pour financer l’ensemble du système de retraite. Cela représente une augmentation de 0,26 point par an des cotisations. C’est dérisoire. Il est tout à fait possible d’augmenter les cotisations sociales (notamment la part patronale) en diminuant les dividendes versés aux actionnaires. Enfin, prétendre, comme le gouvernement, qu’une hausse des cotisations ferait perdre des emplois est fallacieux. On ne toucherait absolument pas à la compétitivité des entreprises puisqu’on ne toucherait pas à l’investissement productif dans ce schéma.

Pierre Khalfa

Les deux enjeux de la réforme des retraites : la pérennité du régime et la question du système que l’on construit pour les actifs d’aujourd’hui.

Les travaux du COR ont bien montré les efforts à produire. Ils sont de plus de 70milliards d’euros pour 2030 avec la fin du départ en retraite de la génération du « baby-boom ». Les leviers de l’augmentation de l’âge de départ à la retraite et de la durée de cotisation correspondent à la moitié des besoins de financement. Il en manque donc la moitié. Il reste à trouver 35 milliards d’euros de recettes par an. Ce sont forcément des prélèvements nouveaux à trouver quelle qu’en soit la forme, que ce soit l’augmentation des cotisations patronales et salariales, la TVA, la CSG, qui font baisser la croissance.

Le gouvernement est en train d’évoluer légèrement sur ce volet, mais de façon très floue et très modeste. Il faudra augmenter les cotisations salariales, mais il n’y a pas beaucoup de marges de manœuvre. J’explique aussi aux salariés qu’il faudra un jour cotiser plus si on veut construire une retraite supplémentaire importante. S’il y a d’autres efforts qui sont faits sur la durée de cotisation, je pense que les employeurs peuvent bouger aussi un peu sur les charges patronales. Mais on sait bien que les effets de la crise rendent difficiles la mise en place de cette mesure. Un élargissement de l’assiette des prélèvements est donc à prévoir. L’augmentation de la TVA et celle de la CSG sont les deux principales sources possibles de financement que je préconise. Il y a aussi toute la gamme des prélèvements sur les revenus du capital, comme les revenus financiers, qui peuvent être mis à contribution.

Les exonérations de charges patronales représentent plus de 30 milliards d’euros. On pourrait pour le moins remettre en cause une partie de ces exonérations. Mais, en tout cas, si on ne trouve pas de recettes tout de suite, on pénalise les retraites de façon importante. Il faut donc combiner les mesures démographiques de report de l’âge de la retraite, qui combleront les besoins en 2025, et de nouvelles recettes pour répondre à l’urgence du financement de nos retraites qui, actuellement, se fait sur la dette publique qu’on laisse aux plus jeunes. Il est urgent de ne pas laisser le déficit public aux jeunes et de leur construire une solution pour leurs futures retraites. Sinon, nous allons baisser le niveau des retraites. Celui-ci a très fortement diminué dans le privé. Il est donc indispensable de créer un « bouclier retraite » qui permettra de garantir un revenu minimum pour les retraités.

Danièle Karniewicz

Les seuls leviers de l’augmentation de l’âge de départ et de la durée de cotisation ne seront pas efficaces

Dans le document du Conseil d’orientation des retraites [COR], on voit clairement qu’en jouant sur les seuls leviers de l’augmentation de l’âge effectif de départ à la retraite et de la durée de cotisation, on ne parvient pas à trouver les ressources nécessaires pour financer le système.

Le problème principal est celui de l’emploi et de la masse salariale. Il ne faut pas oublier que la retraite est un élément construit sur le salaire. Une politique favorable à l’emploi et aux salaires permettrait une augmentation des cotisations sociales. Une augmentation de 1 % de la masse salariale, c’est 4,1 milliards d’euros en plus pour la Caisse nationale d’assurance-vieillesse. Ce qui est tout à fait envisageable. On peut aussi envisager d’augmenter les cotisations. Il faudrait 6 points de PIB pour équilibrer nos régimes des retraites à l’horizon 2040. Ce qui se traduit, en ne faisant qu’augmenter les cotisations, par une hausse des cotisations de 0,375 point par an. Une part des augmentations de salaires pourrait financer cette augmentation.

En ce qui concerne l’élargissement de l’assiette, on peut prendre en compte les revenus du travail qui échappent totalement à la solidarité comme l’intéressement, la participation ou les stock-options. La Cour des comptes a mis en avant qu’il y a entre 11 et 13milliards d’euros de niches fiscales qui échappent au financement de nos régimes de protection sociale. Pour nous, ce qui est fondamental, c’est la question de la répartition de la valeur ajoutée, qui se fait au détriment des salaires et au profit des dividendes. Il nous semble qu’il faut taxer cette part du capital dans l’objectif de rééquilibrer le partage entre salaire et profit. Tout ça doit être fait dans le cadre d’une réforme globale de la fiscalité et des prélèvements en France. Enfin, dans le cas de la proposition du Parti socialiste, la question des 40annuités de cotisation ne se pose pas de la même façon. Il s’agit d’augmenter les annuités de cotisation nécessaires pour la retraite à taux plein en prenant en compte les années d’études, de formation et de recherche d’emploi. Toute la difficulté est de savoir comment on calcule ces annuités.

Didier Horus

Nous ne nions pas le problème démographique mais, contrairement au gouvernement, qui veut augmenter la durée au travail, nous pensons que le véritable problème du régime des retraites est son financement.

Il faut donc trouver de nouvelles ressources qui garantissent le financement et l’équilibre des régimes à moyen et long termes. Il est possible d’augmenter la cotisation sociale de l’employeur. Mais, avant cela, nous pensons qu’il y a d’autres moyens d’augmenter les ressources, notamment en élargissant l’assiette des cotisations à l’intéressement, à la participation et au bonus. Un rapport de la Cour des comptes de 2009 pointe un manque à gagner de 3 milliards pour nos retraites. Les contributions des revenus des entreprises peuvent être aussi une source de financement. Cette assiette tourne autour de 250milliards d’euros. Si les revenus des entreprises sont soumis au même traitement que ceux des ouvriers, on fait entrer 20milliards d’euros dans nos caisses.

Nous proposons aussi de moduler les cotisations salariales par le rapport de la masse salariale sur la valeur ajoutée. Aujourd’hui, moins on a de salaires dans l’entreprise, moins on paie de cotisations sociales. Nous pensons qu’il y a une injustice, d’autant plus qu’un artisan paie des cotisations salariales selon le même principe que les grandes entreprises. Enfin, nous demandons la fin des exonérations sociales, qui coûtent 30 milliards d’euros sans impact sur la création d’emploi. Nous sommes attachés au financement de la protection sociale par le travail. C’est la raison pour laquelle nous ne sommes pas pour l’augmentation de la CSG ou des impôts. En revanche, nous pensons que les revenus financiers des entreprises peuvent participer à la solidarité nationale et financer notre régime de répartition solidaire. Il est important qu’une part des dividendes soit orientée vers le financement des retraites.

Éric Aubin

Article initialement publié dans l’hebdomadaire Politis le 27 mai 2010

Photos de l’articles et de la Une d’Owni, licence CC par Rémi Vincent pour OWNI

]]>
http://owni.fr/2010/09/07/retraites-le-dossier-downi/feed/ 11
[application] Manifestations: la carte des chiffres http://owni.fr/2010/09/07/manifestations-carte-chiffres-greve-7sept-crowdsourcing/ http://owni.fr/2010/09/07/manifestations-carte-chiffres-greve-7sept-crowdsourcing/#comments Tue, 07 Sep 2010 17:01:20 +0000 Admin http://owni.fr/?p=27380

Si la manifestation est une “tradition” française, il est un autre sport où nous excellons : la bataille des chiffres qui suit lesdites manifestations. Entre ceux avancés par la police et ceux indiqués par les organisateurs, les écarts sont parfois surprenants, au point de se demander si une des parties a des problèmes oculaires.

En cette journée de défilés contre la réforme des retraites, on aura eu ainsi droit à Marseille à un 250 000 vs 27 000, à Avignon 25 000 vs 4 000…

Voici donc notre “beta” (première version qui sera actualisée ces prochains jours) d’une carte crowdsourcée permettant de localiser les cortèges et de comptabiliser les manifestants. Le premier exercice que nous vous proposons de faire ensemble est de réaliser un comptage des manifestations du 7 septembre qui indique dans la mesure du possible ces deux sources ainsi que des informations remontées par ces réseaux.

Nous essaierons de réussir cet exercice ensemble, dans le temps et en toute transparence.

Médias, citoyens, associations, aidez-nous à compléter ce document!

Pour éditer le tableau, cliquez ici

Pour éditer le tableau, cliquez ici


]]>
http://owni.fr/2010/09/07/manifestations-carte-chiffres-greve-7sept-crowdsourcing/feed/ 79