OWNI http://owni.fr News, Augmented Tue, 17 Sep 2013 12:04:49 +0000 http://wordpress.org/?v=2.9.2 fr hourly 1 La randonnée du carré http://owni.fr/2011/03/23/la-randonnee-du-carre/ http://owni.fr/2011/03/23/la-randonnee-du-carre/#comments Wed, 23 Mar 2011 16:59:33 +0000 El Jj http://owni.fr/?p=34426 Au hasard de pérégrinations dans la webosphère mathématique, on tombe parfois sur de jolis problèmes dont l’énoncé pourtant simple amène à des difficultés insoupçonnées. Un problème de ce genre est d’autant plus beau qu’il est parfaitement anecdotique, sans applications pour encore longtemps et toujours au rang de conjecture ! Le genre de théorème suffisamment riche pour avoir un article à son nom sur le blog. Un bon exemple : la conjecture de Toeplitz (aka le théorème de Stromquist ou problème du carré inscrit).

Tous les ingrédients sont là :
- un problème simple à mi-chemin entre géométrie et topologie (autrement dit, avec des dessins)
- une période de 78 ans entre le moment où Otto Toeplitz énonce sa conjecture (1911) et le moment où Walter Stromquist publie une solution intéressante (1989).
- de chouettes variantes

Le problème du carré inscrit

Puisque le problème parle de courbe, il va falloir se munir d’un crayon et d’une feuille de papier. Dessinez-y une courbe qui revient à son point de départ, mais qui ne passe jamais deux fois au même endroit (c’est ce qu’on appelle une courbe de Jordan, qui partage le plan en un intérieur et un extérieur). Maintenant, le jeu est de trouver quatre points de la courbe qui forment un carré. Si tout va bien, vous devriez trouver. Sinon, c’est que vous avez mal cherché, ou que vous êtes tombé sur un contre-exemple (mais je miserais plutôt sur le fait que vous avez mal cherché)

Deux_carres_inscrits
Exemple de courbe de Jordan possédant (au moins) deux carrés inscrits

Soyons précis dans les termes : une courbe de Jordan, c’est donc une courbe fermée sans point double. On dit qu’un polygone est inscrit dans la courbe si ses sommets tombent sur la courbe en question. La conjecture de Toeplitz demande donc :

Une courbe de Jordan admet-elle toujours un carré inscrit ?

On peut s’attendre à plusieurs réponses :

- Toutes ? Oui, sans exception !
- Toutes ?  Non ! Mais la probabilité de trouver un contre-exemple en tirant au hasard dans l’ensemble des courbe est nulle.
- Toutes ? Loin de là ! La probabilité de trouver une courbe admettant un carré inscrit est nulle.
- Toutes ? N’importe quoi ! Aucune, plutôt !

Étant donné qu’il existe au moins un exemple, on peut oublier la dernière réponse, mais dans l’état actuel des choses, on ne sait pas trancher entre les trois réponses possibles : on ne sait pas à quel point il existe des contre-exemples… Cela dit, un théorème particulièrement intéressant fait le buzz en 1989 : le théorème de Stromquist, qui répond à la conjecture de Toeplitz en disant :

Oui.

Ou, pour être plus précis, la courbe possède son carré inscrit si elle est suffisamment sympathique (dans le sens où elle ne doit pas avoir de comportement fractal). Le problème, c’est que l’ensemble des courbes sympathique ne représente qu’une infime partie de l’ensemble des courbes. Ce théorème répond quand même un peu au problème de départ, puisque si on dessine vraiment notre courbe sur un bout de papier, elle sera “suffisamment sympathique”. Ce théorème répond donc à 99% à la question posée, mais le 1% demande encore beaucoup de travail…

Ou pourrais aussi penser à approcher une courbe quelconque par une suite de courbe sympathique en prenant à chaque fois le carré donné par le théorème de Stromquist, mais on n’est pas sûr d’obtenir un carré de côté non nul après le passage à la limite (et si on autorise ce genre de carré, la question n’a plus trop d’intérêt…)

Bref, ce problème est difficile, et fait appel à des considérations sophistiquées… Mais les variantes du problèmes sont bien plus faciles à résoudre, et demandent des solutions ingénieuses ! Voici donc ce qu’il se passe quand on considère les courbes symétriques, ou quand on cherche des parallélogrammes, des losanges ou des triangles inscrits.

Le problème du carré inscrit – dans une courbe symétrique

Comme le problème est difficile dans sa généralité, autant regarder un cas particulier. Le plus simple, c’est celui où la courbe J possède une symétrie centrale.

Stromquist_sym
5 Carrés inscrits se cachent dans cette courbe de Jordan symétrique. Saurez-vous les débusquer ?

En deux coups de cuillère à pot, on peut trouver ses carrés inscrit. L’idée est de considérer la même figure après une rotation à 90° (R). Les deux courbes se coupent alors en au moins un point, disons P. Dans ce cas, les points P, -P, R(P) et -R(P) sont aussi sur la courbe en question, et forme un carré. CQFD !

Stromquist_sym2

(En fait, non, il faut aussi montrer que les deux courbes se croisent bien quelque part. L’idée est de prendre deux points particuliers sur J – le plus proche et le plus éloigné du centre – et de montrer que leur image par R sont respectivement à l’intérieur et à l’extérieur du domaine délimité par J)

Le problème du carré losange inscrit

Changeons. Au lieu de chercher un carré, et si on cherchait plutôt un losange ? Ou un parallélogramme ? Nielson montre en 1995 qu’il existe toujours une infinité de losanges inscrits dans une courbe de Jordan, et il utilise pour cela une technique de preuve révolutionnaire : la preuve par “petits bonhomme qui gravissent une montagne” !

Notre courbe, on peut considérer que c’est un gros rocher posé en équilibre sur un sol horizontal. Quitte à faire basculer un peu le rocher, on peut supposer qu’il possède un seul sommet et qu’un seul point qui touche le sol. On considère donc 4 alpinistes : A, B, C et D. A et B partiront du sommet S du rocher et  descendront en rappel, chacun de son côté du rocher. C et D, quant à eux, partiront de la base M du rocher, et grimperont.

Stromquist_montagne
Ceci est une montagne, et les 4 points sont des alpinistes. Un peu d’imagination.

La descente, pour A et B ne se fait pas n’importe comment : ils font en sorte de toujours être à la même hauteur (et donc, [AB] est toujours parallèle au sol). Même si le relief ne se prête pas à une descente constante (par exemple, A devra remonter une fois au niveau du lac), les deux alpinistes peuvent toujours être à la même hauteur, quitte à ce que l’un d’eux rebrousse momentanément chemin.
C et D font la même chose, mais en partant de la base M du rocher, jusqu’à ce que A rencontre D et B rencontre C.

Mais les 4 alpinistes sont encore plus synchronisés que ça : ils font en sorte que la distance entre A et B soit toujours la même que celle entre C et D. Encore une fois, le terrain demandera sûrement à ce que l’un des deux couples fasse marche arrière pour que l’autre puisse progresser.

Grâce à tous ces efforts, les positions des 4 alpinistes forment en permanence un parallélogramme (où la direction horizontale a été arbitrairement choisie). Entre le moment où les alpinistes commencent leur descente/montée et le moment où ils se croisent, il y aura un instant où la distance entre les deux couples sera la même que la distance entre les deux alpinistes d’une même face. A ce moment très précis, ils formeront un losange. Celui que l’on recherche !

Le problème du carré triangle inscrit

Et pourquoi pas chercher un triangle inscrit ? Équilatéral, par exemple. Un théorème de 1980 nous dit qu’il en existe au moins un, et donne même une recette pour le trouver :

Etape1_etape2

- Étape 1 : On considère un cercle à l’intérieur de la courbe J, et on le déplace jusqu’à ce qu’il entre en contacte avec la courbe en un point A. On considère aussi P et Q, deux points de J dont la distance est la plus grande possible
- Étape 2 : A partir de ce point A, on peut construire un triangle équilatéral ABC inscrit dans le cercle. On dilate le cercle jusqu’à ce que l’un des deux points (B ou C) rentre en contact avec la courbe.

- Étape 3 : Disons que c’est le point B qui touche J en premier (si les deux le touche en même temps, on a trouvé le triangle qu’il fallait). C est donc à l’intérieur de J. En maintenant fixé le point B, on déplace A jusqu’en P, tout en gardant le triangle équilatéral. Si tout va bien, C sortira de J, et donc, croisera la courbe (ce qui donne un triangle ABC équilatéral).
- Étape 4 : Sinon, C est toujours à l’intérieur. Pas grave. On garde cette fois fixe le point A, et on déplace B jusqu’en Q. La distance PQ étant supposée maximale, le point C sortira de J, en le croisant, ce qui donne le triangle cherché.

En fait, cette preuve permet de trouver un triangle similaire à n’importe quel triangle donné. Dans la preuve, il faut cependant veiller à ce que AB soit le plus petit côté du triangle, pour être sûr que le troisième point sorte de la courbe à l’étape 4.

Cette version du théorème du triangle inscrit dit qu’il en existe au moins un, mais une version plus forte (démontrée en 1992) indique qu’il y en a une infinité et que, si on les dessine tous, l’intérieur de la courbe sera complètement colorié. On peut même montrer que le théorème reste vrai (moyennant une petite hypothèse) quand on considère la courbe dans l’espace plutôt que dans le plan. Pour ce qui est des dimensions supérieures, la question reste ouverte…


Sources :
Figures Inscribed in Curves, par Mark J. Nielson : un tour d’horizon encore plus large, avec les définitions et démonstrations un peu plus rigoureuses qui manquent à mon article, et le cas du rectangle inscrit que je n’ai même pas évoqué.

>> Article publié initialement sur Choux romanesco, vache qui rit et intégrales curvilignes, un blog du C@fé des sciences

>> Photo FlickR CC-by jasonferrell

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Questions de Miroir http://owni.fr/2010/12/08/questions-de-miroir/ http://owni.fr/2010/12/08/questions-de-miroir/#comments Wed, 08 Dec 2010 17:38:00 +0000 Dr Goulu http://owni.fr/?p=33532 Titre initial : MIROIR | ?IO?IM

Pourquoi un miroir inverse-t-il la gauche et la droite et pas le haut et le bas ?
Cette question « bête » en soulève deux autres moins triviales :

  • comment marche un miroir ?
  • comment définir la « gauche » et la « droite » ?

Un miroir réfléchit simplement la lumière en n’inversant rien du tout : en face d’un miroir, la lumière issue de votre main droite rebondit sur le miroir et arrive à vos yeux par la droite. La lumière venant de vos pieds vous parvient de même par le bas : tout est à sa place. Tout, sauf la « profondeur » : c’est en fait la distance des objets au miroir qui est « inversée », autrement dit « l’avant » et « l’arrière » [1].

Notre image dans un miroir est donc « retournée comme un gant » : un gant droit retourné devient un gant gauche, comme nos mains dans le miroir [2].
Même si nous nous regardons dans des miroirs artificiels ou naturels depuis pas mal de milliers d’années, nous avons toujours de la peine à comprendre que la symétrie ne correspond pas à une rotation (sauf dans un espace de dimension supérieur, comme le note  Xochipilli dans son très chouette article [1] ). Ce fait bien connu des joueurs de Tetris n’empêche pas certaines de tenter avec obstination d’orienter leurs mèches de cheveux à gauche ou à droite alors que personne ne les verra jamais comme elles se voient dans un miroir…

Ce qui nous amène à la seconde partie de la question : les notions de « gauche » et de « droite » ont-elles une réalité physique ? Autrement dit, existe-t-il des objets ou phénomènes dont l’image dans un miroir serait impossible ?

On pense tout de suite à l’écriture : un texte vu dans un miroir est illisible, ou du moins pas facilement. Mais ce n’est qu’une question de convention : on aurait très bien pu écrire de droite à gauche comme certaines langues, en utilisant des lettres « retournées »  comme dans cette jolie affiche:

Du russe ou du ?IO?IM ?, crédit

Comment expliquer la gauche et la droite aux extraterrestres ?

Page 15 du message de Dutil et Durand. Le message de paix pourrait-être lu à l'envers

La question de la transmission de cette convention est d’ailleurs un problème intéressant :  les messages que certains ont envoyé aux extra-terrestres [2] (une grave erreur) sont composés de bits que les destinataires sont censés assembler en lignes et en colonnes pour produire des images en noir et blanc. Comment leur dire que les points doivent être disposés de gauche à droite plutôt que de droite à gauche ?

(On admet qu’on ne dispose pas de points de repère communs avec les extra-terrestres, sinon ça serait trop simple… Disons qu’ils vivent sous une couverture nuageuse perpétuelle et ne connaissent rien à l’astronomie …)

Cette question est équivalente à celle posée plus haut : il suffirait de décrire dans le message un objet ou un phénomène physique dont l’image dans un miroir ne peut pas exister dans la réalité .

Il existe bien quelques objets déroutants en version « miroir », comme les tire-bouchons « tourne à gauche »  vendus dans les farces et attrapes, mais ils sont tous aussi possibles à réaliser que leur version « normale ».

Une molécule chimique ? Il en existe beaucoup qui ont une forme différente de leur image dans le miroir. Par exemple le sucre existe sous forme de dextrose qui fait tourner le plan de polarisation de la lumière à droite et sous sa forme énantiomère lévogyre. La chiralité des molécules détermine donc parfois leur propriétés physiques, mais …  tout reste cohérent vu dans un miroir.

Les effets de ces molécules peuvent être très différents selon leur forme dans le miroir : la catastrophe de la thalidomide est due à l’énantiomère d’un bête calmant, et la L-métamphétamine débouche juste le nez,  alors que  la D-métamphétamine a d’autres effets…

D-méthamphétamine / L-méthamphétamine

La raison de ceci est que ces molécules interagissent différemment avec les molécules de notre organisme, qui ont elles-mêmes une certaine géométrie plutôt que leur image dans le miroir. Ainsi les êtres vivants sur Terre produisent ou consomme beaucoup plus de D-glucose (ou dextrose) que de L-glucose, et  l’ADN présent dans tous les être vivants à la forme d’une double hélice tournant dans à droite. Mais il n’y a pas de raison fondamentale à ceci : la vie a probablement « préféré » une forme plutôt qu’une autre à ses débuts, et cette « brisure de symétrie » s’est propagée par contagion, mais il une biochimie « dans le miroir » est parfaitement cohérente.

L’électromagnétisme alors ?  Si on fait passer un courant électrique dans une bobine, on crée un champ magnétique avec un pôle Nord et un pôle Sud. Si la bobine est bobinée à l’envers, les pôles Nord et Sud sont inversés.

Oui… mais les notions de pôles magnétiques « Nord » et « Sud » sont tout à fait conventionnelles (jusqu’à ce qu’on trouve des monopôles magnétiques).

Combien de fêlures dans les miroirs de la physique ?

Jusqu’en 1956,  l’Univers observé dans un miroir était parfaitement cohérent. De fait, 3 des 4 forces fondamentales ont une « Symétrie-P » ou « Parité » parfaite. Mais en 1956,  une dame démontra une violation de parité concernant la 4ème force, l’interaction faible. Lors de désintégration ? d’un noyau de Cobalt 60, un électron est émis dans une direction aléatoire. Mais il y en a statistiquement 1 sur un million de plus qui part dans la direction opposée à celle du spin du noyau que dans la direction du spin (le spin indique le sens de rotation du noyau). En regardant l’expérience dans un miroir le spin change de sens et l’électron irait très légèrement plus souvent dans la direction du spin, ce qui est contraire à l’expérience. L’interaction faible « préfère » très légèrement la rotation à gauche et  on pourrait donc expliquer aux extraterrestres notre convention gauche/droite en leur transmettant ce dessin:

Mais si par malheur nos extraterrestres vivent dans une Galaxie (hypothétique) formé d’antimatière, on a un gros problème : l’antimatière peut également être considérée comme « vue dans un miroir ». Chaque particule de la physique possède son antiparticule dont toutes les caractéristiques sont les mêmes sauf la charge électrique, qui est inversée. Le « miroir » de la « Symétrie C » (C comme charge) est très semblable à celui de la symétrie P : toute la physique et la chimie est parfaitement identique avec de l’antimatière qu’avec de la matière, sauf pour l’interaction faible, exactement comme ci-dessus.

Autrement dit, si nos extraterrestres font l’expérience avec un noyau de ce que nous appellerions de l’anti-Cobalt 60 et observent la direction d’émission du positron, tout marchera parfaitement bien mais ils comprendront absolument tout à l’envers : la gauche et la droite, le signe des charges électriques, les pôles Nord/Sud magnétiques etc. Et la rencontre des deux civilisations fera des étincelles

Le problème est que notre dessin implique en fait 2 miroirs, le C et le P qui inversent tous deux de la même manière l’expérience, et comme chacun sait, si on regarde notre reflet dans un miroir à l’aide d’un autre miroir, tout se remet en place.

On appelle « Symétrie CP » l’image de l’Univers qu’on obtient en inversant à la fois la gauche et la droite et les charges électriques, et cette symétrie était parfaite. Mais dans les années 1960, on a découvert une très légère brisure de la symétrie CP : la transformation d’un kaon en antikaon est 1 milliardième de fois  plus rare que la transformation d’un antikaon en kaon.

Cette nanoscopique (10-9) fêlure a une conséquence pratique assez importante: nous existons.

En effet, c’est la violation de la symétrie CP qui fait que le Big Bang a eu la bonne idée de produire un milliardième de plus de matière « normale » que d’antimatière, et c’est ce milliardième qui ne s’est pas annihilé avec l’antimatière qui constitue tout ce qui nous entoure, sans quoi il n’y aurait pas eu grand chose après « que la lumière soit ».

Comment transformer une caméra vidéo en miroir temporel

Réponse : c’est très facile et amusant :

Cliquer ici pour voir la vidéo.

Même un extra terrestre très différent de nous devinerait assez vite qu’il regarde le film à l’envers parce que beaucoup de phénomènes macroscopiques ont une préférence pour le futur. Ce n’est pas le cas à petite échelle : toutes les interactions entre particules peuvent se produire « en sens inverse » : la mécanique quantique possède une « symétrie T » que l’on retrouve dans les diagrammes de Feynman dont Benjamin a causé ici.

Voici donc un troisième miroir légèrement imparfait, qui peut se combiner avec les autres ! D’ailleurs, pour réaliser le film ci-dessus, je suppose que la demoiselle qui va « à l’endroit » regarde dans un miroir pour marcher à l’envers sans se heurter à la foule. En quelque sorte, la symétrie PT a permis de rendre le film plus réaliste que la symétrie T ne l’aurait permis.

Mais à propos… pour la violation de la symétrie CP on a dit que la transformation d’un kaon en antikaon plus rare que son contraire, mais si on passe le film de l’expérience à l’envers ? On verra plus de kaons se transformer en antikaons, donc l’Univers observé dans les trois miroirs C,P et T sera parfaitement cohérent avec les observations dans l’Univers « normal ».

La « symétrie CPT » est aujourd’hui considérée comme une loi fondamentale de la physique car c’est une des rares qui soit compatibles à la fois avec la mécanique quantique et la théorie de la relativité via le principe d’invariance de Lorentz. Mathématiquement, on a même réussi à montrer que la symétrie T était identique à la symétrie CP et donc que toute violation de la symétrie CP devait causer une violation de T équivalente, et vice-versa.

Les conséquences de la symétrie CPT

Avertissement : dans ce paragraphe, je m’avance un peu en terrain dangereux, mais c’est pour mieux vous faire réagir si vous maitrisez le sujet mieux que moi …

Une conséquence fondamentale de la symétrie CPT est qu’il est impossible de distinguer:

  • une particule qui se promène entre les points A et B
  • son anti-particule qui suivrait la même trajectoire entre A et B, filmée dans un miroir, et dont on passe le film à l’envers (où on la verrait donc aller de B en A)

Si on suppose que le temps existe comme une 4ème dimension, on peut aller un peu plus loin en disant que ces deux observations sont parfaitement indiscernables :

  • une particule qui se promène entre les points A et B
  • son anti-particule qui remonte le temps entre B et A, vue dans un miroir.

Donc lorsqu’on reçoit par exemple un rayon cosmique sous forme d’un antiproton à haute énergie, ne devrait-on pas vérifier s’il ne s’agirait pas d’un proton généré par un événement futur et qui remonte le temps? Est-ce que des installations comme l’observatoire Pierre Auger ont un « miroir » permettant d’observer la brisure de symétrie P qui distingue les deux cas ?

Dans le même ordre d’idée, l’effet Casimir est décrit par des phénomènes quantiques représentés par des diagrammes de Feynman ressemblant à la figure ci-dessous, et qui surviennent des milliards de fois chaque seconde dans chaque millimètre cube de vide de tout l’Univers…

La lecture classique est que 2 particules virtuelles, dont l’une est l’antiparticule de l’autre apparaissent spontanément par les fluctuations quantiques du vide, et leur annihilation mutuelle un court instant plus tard restitue « l’énergie du vide » empruntée par les particules.

Mais là aussi, je me demande comment distinguer cette interprétation de celle d’une particule tournant « en rond » dans le temps : pendant sa phase de retour dans le passé, la particule nous apparait exactement comme son antiparticule allant vers le futur … Existe-t-il une expérience permettant de vérifier la symétrie P du phénomène pour exclure cette interprétation ?

Références:

  1. « Jeu de réflexion » sur le Webinet des Curiosités
  2. Michel Thévoz L‘homme retroussé
  3. Message de Dutil et Dumas sur Astrosurf
  4. « La chimie prébiotique » sur Astrosurf
  5. Tom Roud Symétries I : de l’importance des symétries en physique
  6. Tom Roud Symétrie II : Groupes de symétries
  7. Tom Roud Symétries III : symétrie miroir, vecteurs et brisure de symétrie

>> Illustrations GNU Wikipédia : Public Domain et Creative Commons by-sa HB, FlickR CC : wokka, blentley, Profound Whatever et Loguy pour OWNI

>> Article publié initialement sur le blog de Dr Goulu

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