OWNI http://owni.fr News, Augmented Tue, 17 Sep 2013 12:04:49 +0000 http://wordpress.org/?v=2.9.2 fr hourly 1 Comment les grands de la presse font leurs liens? http://owni.fr/2010/07/05/comment-les-grands-de-la-presse-font-leurs-liens/ http://owni.fr/2010/07/05/comment-les-grands-de-la-presse-font-leurs-liens/#comments Mon, 05 Jul 2010 17:33:57 +0000 Jonathan Stray http://owni.fr/?p=20588 Les liens peuvent ajouter beaucoup de valeur aux articles, mais la profession de journaliste dans son ensemble a pris du temps pour les prendre au sérieux. C’est ma conclusion après plusieurs mois de discussion avec les journalistes et leurs employeurs sur les pratiques en matière de liens. J’ai également effectué un relevé du  nombre et du type de liens de centaines d’articles.

Wikipedia dispose d’un guide sur les styles de liens contenant près de 5.000 mots. C’est peut-être excessif, mais au moins c’est détaillé. Je me suis demandé ce que les professionnels des rédactions pensaient des liens, j’en ai donc contacté un certain nombre et leur ai demandé s’il existait des instructions données aux journalistes dans ce domaine. J’ai eu des réponses, mais parfois des réponses vagues.

Dans ce billet, je reproduis ces réponses, et dans le prochain, je discuterai les résultats de mon enquête sur la façon dont les liens sont en fait utilisés sur les sites d’une douzaine de médias d’information.

Jeff Jarvis a raison: "Si vous ne voyez pas pourquoi les gens feraient un lien vers ce que vous écrivez, ne l'écrivez pas"

La BBC a rendu public ses intentions en matière de liens dans un billet du 19 mars du responsable du site Steve Herrmann.

Les liens relatifs ont de l’importance : ils font partie de la valeur que vous ajoutez à votre article – prenez-les au sérieux et faites-les avec soin ; proposez toujours le lien vers la source de votre article quand vous le pouvez ; si vous mentionnez ou citez une autre publication – journal, site – faites un lien vers eux : vous pouvez, si c’est approprié, faire des liens profonds [deep link NDT] ; c’est-à-dire un lien vers la page spécifique d’un site, celle qui correspond au sujet.

J’avais déjà demandé à Herrmann des détails et rapporté ses réponses. Puis j’ai envoyé ce paragraphe à d’autres médias d’information et leur ai demandé leur politique en matière de lien. Un porte-parole du New York Times a écrit :

Oui, le conseils que nous proposons à nos journalistes sont très proches de ceux de la BBC, en ce que nous les encourageons à inclure des liens, quand c’est approprié, vers les sources et d’autres informations pertinentes

La personne en charge du Washington Post, Raju Narisetti, fait des remarques semblables mais souligne que le Post encourage les liens profonds.

Alors que nous n’avons pas encore de guide formel sur les liens, nous encourageons activement les reporters, en particulier nos blogueurs, à linker vers des sources en ligne pertinentes et fiables, en dehors du site du Washington Post. Ce faisant, nous les encourageons à être contextuel, en établissant des liens  vers un contenu spécifique plutôt que vers un site générique afin que nos lecteurs atteignent l’information dont ils ont besoin rapidement.

Pourquoi une personne ne ferait-elle pas un lien vers la page exacte ? Dans le monde de la publication d’informations, le lien profond est un vieux sujet à controverse, qui a commencé avec l’affaire Shetland Times vs. Shetland News en 1996.

The Wall Street Journal et Dow Jones Newswires ne communiquent pas autour de leur politique de lien, comme un porte-parole me l’a expliqué :

Comme vous pouvez le constater sur le site, nous faisons des liens vers de nombreux sites de news et des sources extérieurs. Mais malheureusement, nous ne discutons pas publiquement de nos politiques, nous n’avons donc personne pour développer le sujet.

À partir de ces remarques, j’ai confirmé que Dow Jones Newswires ne faisait pas de liens vers des sources fiables même si elles étaient disponibles en ligne. J’ai trouvé un article qui révélait une information sur une entreprise, recherché la source de cette info sur le site de la Bourse et appelé le journaliste pour savoir si c’était bien la source de son article, ce qu’il a confirmé. Il serait pourtant injuste de désigner Dow Jones comme l’unique mauvais élève, parce que les fils d’informations et agences de presse ne pratiquent pas beaucoup le lien. 

L’Associated press n’inclut pas de liens dans ses articles, bien qu’ils ajoutent parfois des liens dans la rubrique “Sur le Net” en bas des articles. Un porte-parole nous explique :

Pour faire court, c’est une contrainte technique. Nous avons expérimenté l’inclusion de liens depuis une année environ mais nous avions des difficultés étant donné la grande variété de systèmes, en amont et en aval, qui se servent de nos articles. L’AP compte beaucoup d’abonnés, dont 1500 journaux et des milliers de sites commerciaux.

Reuters a différentes manière de faire des liens  à partir d’articles issus de la production de son bureau professionnel, incluant des liens vers des documents et des articles anciens de Reuters, bien que ces liens ne soient pas toujours des URL standards. Leurs dépêches n’incluent pas de liens. Un porte-parole, en off, m’a expliqué que, comme AP, beaucoup de leurs clients ne pourraient pas traiter les liens inclus – et aucun éditeur  ne veut être forcé à retirer manuellement le HTLM embeddé. Elle a aussi dit que Reuters se considère comme une source d’information faisant autorité qui peut être utilisée sans faire de plus amples vérifications. Je comprends son point de vue mais je ne le considère pas comme une raison de ne pas pointer vers des sources publiques.

Les fils d’informations et agences de presse sont dans une situation délicate. Non seulement beaucoup de leurs clients sont incapables de traiter du HTML mais il est souvent impossible d’inclure des liens dans des dépêches – soit parce qu’ils ne sont pas en ligne, soit parce qu’ils sont repris sur plusieurs sites d’abonnés.

Cela souligne un problème non résolu avec l’abonnement et le lien en général : si chaque abonné au flux publie les articles  sur son propre site, il n’y a pas d’URL de référence qui peut être utilisée par le créateur du contenu pour se référer à un article en particulier. (AP réfléchit à cela.)

Ce genre de problème technique constitue définitivement une barrière, et des personnels de plusieurs rédactions m’ont dit que leur CMS développé pour le print ne gère pas bien les liens. Il n’y a pas non plus de standards pour classer les articles avec des liens – une copie peut être faite en word mais il est improbable que les liens survivent en étant plusieurs fois envoyés par mail, coupés et collés, et passés à travers plusieurs systèmes différents.

Mais les obstacles techniques n’ont pas beaucoup d’importance si les journalistes n’accordent pas assez de valeur aux liens pour les inclure dans leurs articles. Dans la discussion avec les membres de différentes rédactions, j’ai fréquemment entendu que les enjeux culturels sont un obstacle. Quand le papier est considéré comme ce qui prime, ajouter des liens est ressenti comme du travail supplémentaire pour le journaliste, plutôt que comme un aspect essentiel de la mise en forme du storytelling. Certains éditeurs suspectent aussi les liens d’“envoyer les lecteurs vers d’autres sites”.

En lisant entre les lignes, il semble que la plupart des rédactions ont encore à s’engager fortement à faire des liens. Cela expliquerait le caractère flou de certaines des réponses que j’ai reçues, où les médias d’information “encouragent” leurs journalistes ou propose un “guide” sur le lien. Si, comme je le crois, les liens sont une partie essentielle du journalisme en ligne, alors la profession a un boulevard pour exploiter le medium digital. Dans mon prochain post, j’analyserai quelques chiffres sur la façon dont différents médias d’information utilisent les liens actuellement.

Article initialement publié sur le Nieman Lab ; les liens sont en anglais ; traduction Sabine Blanc et Guillaume Ledit.

Crédits photos CC Flickr …-Wink-…

]]>
http://owni.fr/2010/07/05/comment-les-grands-de-la-presse-font-leurs-liens/feed/ 5
Tentative de définition du journalisme lol http://owni.fr/2010/06/05/tentative-de-definition-du-journalisme-lol/ http://owni.fr/2010/06/05/tentative-de-definition-du-journalisme-lol/#comments Sat, 05 Jun 2010 08:32:30 +0000 Vincent Glad http://owni.fr/?p=17520

Le mot avait été lancé comme une insulte. Xavier Ternisien, journaliste au Monde et star du micro-blogging m’avait un jour envoyé à la gueule sur Twitter que j’étais un “journaliste lol”. Nous étions alors en plein tweet-clash, surjouant nos rôles respectifs de jeune con et de vieux aigri après la publication d’un fameux papier sur les “forçats de l’info” portant sur les conditions de travail des journalistes web. Franchement, je l’avais mal pris. En ce début d’été 2009, “journaliste lol” ne pouvait être qu’un oxymore.

Et puis, à ma grande surprise, au fil des mois, les choses ont évolué. Et il est devenu cool d’apparaître comme un “journaliste lol”. Quand, pour la blague, j’ai créé une liste Twitter “chaire de journalisme lol” à la fin 2009, nombre de journalistes web (ou d’étudiants en journalisme) se sont réjouis d’y être. Comme si c’était devenu un label.

Mais merde, alors, journaliste lol, c’est devenu un vrai métier ? Pour répondre à cette question, il faut bien faire l’effort d’essayer de définir le concept, sur lequel personne ne s’est jamais penché dans un lignage supérieur à 140 caractères. Étant entendu que le lol représente le rire en général sur Internet, et plus particulièrement une certaine élite de l’humour sur Internet.

Il y a une première définition. Est journaliste lol celui qui est journaliste et qui fait du lol sur Twitter. C’est une spécificité toute française : les journalistes les plus connus sur le réseau sont des jeunes issus des rédactions web qui balancent du lol 24h/24 avec parfois quelques inserts plus sérieux, notamment quand il y a du breaking news. C’est le modèle Alex Hervaud du nom de ce journaliste loleur d’ecrans.fr qui tweete toujours les mêmes blagues que quand il n’était pas encore journaliste et qu’il plafonnait à 30 followers. Aux Etats-Unis, les journalistes tweetent chiant. En France, un journaliste ne peut tweeter chiant, sous peine d’être vieux. La tyrannie des jeunes l’a emporté, le journalisme Twitter français est de fait un journalisme lol.

Mais le journalisme Twitter n’est pas la grandeur du journalisme lol. C’est la deuxième définition qui est la plus intéressante. Le journalisme lol consiste à maintenir un niveau de lol constant dans les articles. Expliquons-nous. Quand il traitera la crise grecque, le journaliste lol essaiera d’intéresser son lecteur en prenant un angle marrant mais signifiant, comme par exemple le fisc grec qui a découvert sur Google Earth qu’il y avait 16.976 piscines dans un quartier huppé d’Athènes pour seulement… 324 de déclarées. A contrario, le journaliste lol traitera avec un grand esprit de sérieux les sujets les plus bas-de-gamme, comme par exemple Zahia que j’avais couvert pour Slate sous l’angle de l’obus médiatique en ne laissant pas transparaître un sourire tout au long des 8.000 signes de l’article.

Un petit graphique pour essayer de mieux comprendre : le journalisme lol s’applique à rester sur la “ligne du lol”, équilibre instable entre le journalisme bas-de-gamme et le journalisme sérieux (parfois chiant). Plus un sujet est sérieux, moins l’angle choisi le sera. Inversement, plus le sujet est bas-de-gamme, plus il nécessite une orfèvrerie de l’angle. Les deux exemples cités plus haut – la crise grecque et Zahia – sont matérialisés par des étoiles.

(le graphique est moche, c’est pas pour faire “lol”, c’est juste que je ne sais pas me servir d’un illustrateur)

Les Américains y ont un peu réfléchi et ont inventé le concept de “meta-enabling“, terme qui n’a pas franchement fait florès mais dont la définition est intéressante pour essayer de comprendre notre journalisme lol à la française. Dans une série de tweets restés mémorables,Andrew Golis, éditeur chez Yahoo News et ancien éditeur adjoint de Talking Points Memo, lançait le concept:

Aux Etats-Unis, l’équation du journalisme lol est donc posée en termes économiques. Sur Internet, l’opération consistant à devoir cliquer pour lire un contenu tend nécessairement à favoriser les contenus bas-de-gamme. L’homme est ainsi fait qu’il cliquera toujours plutôt sur du cul, du lol et du fail plutôt que sur de la politique ou de l’économie. Sachant que les contenus les plus sérieux sont en général peu lus, il n’est pas illogique de tenter de rendre plus intelligents les contenus a priori bas-de-gamme, ceux qui seront cliqués. Andrew Golis estime en outre que le “meta-enabling” permet de faire du clic tout en maintenant des tarifs publicitaires élevés puisque l’annonceur jugera que le contenu est néanmoins qualitatif.

Pour résumer le point de vue américain, le journaliste lol fait sa pute, mais il le fait bien, se plaçant ainsi sous le haut patronage de Zahia qui déclarait “Je ne suis pas une prostituée, mais une escort-girl”. On ne sera donc pas surpris d’apprendre que les journalistes de Gawker, référence du “meta-enabling”, sont payés en partie au nombre de clics sur leurs articles.

Au-delà de ce point de vue cynique (qui est celui des rédacteurs en chef), le journaliste lol ne doit pas écrire pour faire des stats mais plutôt pour flatter ses propres instincts de “digital native”. Le Keyboard Cat le fascine ? Qu’il en fasse un article de 5.000 signes. Il a la vague impression que YouPorn est le TF1 du porn ? Qu’il enquête dessus. Il trouve que le langage Skyblog a ses poètes ? Qu’il les glorifie dans un long article. Il sent que la tecktonik est morte ? Qu’il aille en reportage au Metropolis. La reconquête d’un lectorat jeune (objectif central de la presse actuellement) passe certainement par un élargissement du spectre des sujets dits “sérieux”. Les digital natives ont tous le même père, Internet. Ils devraient pouvoir se comprendre.

On peut esquisser une troisième définition. Le journalisme lol est un journalisme qui pourra parfois s’attacher davantage aux représentations qu’à la vérité. La proposition est évidemment choquante : la première ligne de la Déclaration de Munich des devoirs des journalistes stipule que la profession doit avant tout “respecter la vérité”. Pourtant, le journaliste peut aussi dans certaines conditions spécifiques considérer la vérité comme un sujet secondaire et constater que là n’est pas l’essentiel.

Internet est une machine à créer de la culture en permanence. Pour garder sa mission d’ “historien du présent”, le journaliste web doit parfois faire le récit en direct de la création d’une idole pop, d’une « mémisation » d’une personne ou d’un fait d’actualité, y compris si l’emballement d’Internet repose sur une vérité factuelle douteuse. Le meilleur exemple est celui du monstre de Montauk, une bête informe échouée sur une plage de Long Island en juillet 2008. Le Web s’était perdu en conjectures mais impossible de savoir s’il s’agissait d’un chien, d’un ragondin, d’un raton-laveur ou d’un fake. Que peut faire le journaliste lol face à une telle histoire ? Il doit considérer qu’en l’espèce, la vérité est annexe et peu intéressante journalistiquement, seule compte la chronique de la création d’une idole, l’ajout à la culture pop de cette incroyable photo d’une bête échouée.

La plupart des journalistes web partagent cette vision de l’information sans même le savoir. On le voit dans la multiplication des articles titrés “[un fait d'actualité] enflamme le web”. En voici quelques exemples : sur Zahiasur la main de Thierry Henry ou sur le coup de boule de Zidane. Ces papiers ne s’attachent pas tant à la vérité qu’à sa représentation sur Internet, à l’énergie créative libérée par l’élément d’actualité.

Cette forme de journalisme comporte évidemment un risque. Il ne faut le pratiquer que quand la question de la vérité est secondaire, comme pour le monstre de Montauk ou pour la main de Thierry Henry (où la vérité est réglée d’emblée, oui, il a touché le ballon de la main). Mais dans le cas de Zahia, le journalisme lol a dérapé avec plusieurs articles qui décrivaient l’”emballement” du Web en postant des photos de son Facebook ou la vidéo de sa prestation chez NRJ12, alors que personne n’était certain qu’il s’agissait bien d’elle, et que d’évidentes questions de vie privée se posaient.

Cet intérêt qu’ont les journalistes web pour les mèmes doit pouvoir aboutir à une nouvelle forme de journalisme culturel qui applique le canevas traditionnel de la critique culturelle à des contenus Internet. On devrait pouvoir critiquer une vidéo YouTube avec la même application qu’un film dans Les Inrocks. Il est maintenant évident qu’il existe une “culture web” bien circonscrite (avec ses “chefs-d’oeuvre” comme les lolcats), il devient donc possible de placer une oeuvre Internet dans une lignée culturelle et de disserter sur ses références.

LOL.

> Article initialement publié sur Bienbienbien

]]>
http://owni.fr/2010/06/05/tentative-de-definition-du-journalisme-lol/feed/ 9
Assez d’articles, on veut des contenus ! http://owni.fr/2009/11/17/assez-d%e2%80%99articles-on-veut-des-contenus/ http://owni.fr/2009/11/17/assez-d%e2%80%99articles-on-veut-des-contenus/#comments Tue, 17 Nov 2009 18:31:57 +0000 Caroline Goulard http://owni.fr/?p=5544 GRENOUILLE 5

Pour ce quatrième post, il me semble plus que temps d’esquisser une définition de mon sujet d’étude : en une phrase, le database journalism, ou journalisme de données, consiste à exploiter des bases de données pour en extraire de l’information compréhensible par tous.

Actuellement, les médias traditionnels traitent l’actualité par le récit (stories), ils racontent des histoires. A l’opposé, le database journalism initie un traitement de l’actualité par les données (data). Autrement dit : un dessin vaut mieux qu’un long discours.

Pour ceux qui ne verraient pas d’emblée l’attrait des données par rapport aux récits, je vous renvoie au vibrant plaidoyer de Nicolas Vanbremeersch (aka Versac) sur slate.fr (Pour un journalisme de données). Il y revient sur l’impressionnante ascension de Contador à Verbier, lors du dernier Tour de France, et regrette qu’aucun journal n’ait donné de réponses chiffrées à des questions comme : où se situe Contador par rapport à la vitesse de montée moyenne des coureurs ? que représente sa montée en terme de puissance ? à quoi la comparer ?…

L’homme fait une montée record, et, le lendemain, dans la presse, rien d’autre que du commentaire. On ne donne même pas son temps d’ascension, ou uniquement sur de très rares — et étrangers — sites web. Seule prime l’information de base (il a gagné), et vient ensuite immédiatement le temps du commentaire.

[…] Nulle part, sur le web ou dans le papier, le quidam ne peut retrouver un tableau simple, disposant les données objectives de la montée de Verbier. Nulle part, sur un des plus grands événements internationaux, générant un volume de commentaires et hypothèses absolument énorme […], on ne peut jouer avec des données simples: durée de la montée, poids du coureur, puissance développée, VO2Max…

Le débat, sur ces bases, est faussé. »

Ainsi, des données bien mises en valeur et intelligemment agrégées peuvent être un meilleur moyen de traiter une actualité qu’un article rédigé. Un vrai « renversement de perspective » pour reprendre les termes de Nicolas Kayser-Bril (blogueur sur Window on the media). L’unité de base de l’activité journalistique, traditionnellement, c’est l’article (story); avec le journalisme de donnée, ça devient la base de données. Le commentaire et la narration sont secondaires, les données chiffrées priment. Là où les journalistes traditionnels pensaient en terme de récit, de signature, de titraille, de chapeau et d’accroche, il s’agit de rendre visible les mêmes phénomènes mais à travers le langage des nombres, des bases de données, de l’infographie, de la cartographie et autres visualisations.

« Newspapers need to stop the story-centric worldview », enjoignait déjà en 2006 le journaliste américain Adrian Holovaty, précurseur sur ce thème, dans un article-plaidoyer pour le journalisme de données A fundamental way newspaper need to change.

Journalisme traditionnel et journalisme de données reposent sur deux modèles opposés. Le blogueur Adina Levin le démontre bien dans son post Database journalism – a different definition of “news” and “reader”. Au fondement du journalisme traditionnel on trouve le vieil adage selon lequel les trains qui arrivent à l’heure n’intéressent personne (le modèle man bites dog, en anglais). Seuls les faits inattendus, les événements soudains, méritent d’apparaître dans les journaux. Il est rare qu’on y rende compte des petites évolutions, des dynamiques de long terme.

Cette suprématie de l’actualité chaude rend nos sociétés vulnérables au frogboiling avertit Adina Levin. Le concept est tiré d’une légende urbaine selon laquelle la grenouille dont l’eau du bocal se réchauffe graduellement s’habitue au changement de température. Elle ne saute pas hors du bocal, même quand l’eau se met à bouillir. D’où, mort de la grenouille. De la même façon, l’encombrement de telle ou telle route départementale ne sera pas perçu comme un problème, jusqu’à ce qu’un grave accident ne fasse les gros titres.

En opposition au journalisme traditionnel, le database journalism met justement en valeur les tendances de fond et leur donne un sens. Par une visualisation appropriée, des données compilées depuis des années peuvent raconter des histoires.

Sans vouloir dramatiser en accentuant le côté « nos vies sont en danger sans journalisme de données », je crois qu’il existe de réelles attentes pour un traitement de l’actualité par les chiffres. L’absence d’une telle démarche à destination du grand public suscite un manque d’autant plus grand que le nombre de données structurées disponible augmente constamment. Dans son article Demain, l’intelligence des données, Hubert Guillaud (InternetActu) démontre que la masse de données brutes accessible via Internet va être décuplée dans les prochaines années, grâce au développement des capteurs, puces RFID ou autres interfaces connectées.

Sans attendre jusque là, les administrations françaises mettent à disposition de nombreuses bases de données. Pour autant, quel journal nous a présenté une infographie intelligente pour faire sentir l’ordre de grandeur de la dette publique, ou le niveau d’étude moyen des dirigeants des établissements publics français ?

Assez d’articles, on veut des contenus !

» Article initialement publié sur databasejournalisme.wordpress.com

]]>
http://owni.fr/2009/11/17/assez-d%e2%80%99articles-on-veut-des-contenus/feed/ 17
Les 100 articles les plus lus sur Wikipédia en 2009 http://owni.fr/2009/09/30/les-100-articles-les-plus-lus-sur-wikipedia-en-2009/ http://owni.fr/2009/09/30/les-100-articles-les-plus-lus-sur-wikipedia-en-2009/#comments Wed, 30 Sep 2009 13:36:44 +0000 Rubin Sfadj http://owni.fr/?p=4066

Attention : ne pas confondre cette liste avec celle des termes les plus recherchés (Wikipédia sélectionne automatiquement l’article le plus proche des termes de la recherche).

Beaucoup de choses intéressantes dans ce top 100. En vrac :

- Spotify a raison : “tout le monde aime la musique”. Les Beatles et Michael Jackson sont respectivement 2è et 3è.

- Je me demande si un certain nombre d’articles ne doivent pas leur classement à des erreurs de manipulation chez les utilisateurs : Wiki (1er), YouTube (5è), Wikipédia (6è), Facebook (10è), Twitter (13è)… Pas mal d’utilisateurs novices se trompent de barre de recherche, pensant taper dans la barre d’adresse de leur navigateur.

- Le cinéma et la télé suivent la musique de près ; mais tandis que les Beatles et MJ sont des artistes “anciens” (même s’ils ont alimenté l’actualité en 2009), les films et séries présents dans la liste datent réellement de 2009. La musique traverse-t-elle mieux les âges ?

- En parlant de séries télé, la présence de certaines listes d’épisodes dans le classement est un indicateur (enfin, à mon sens) de l’ampleur du phénomène du téléchargement (illégal ?) des séries, dont je ne serais pas étonné qu’il talonne celui des oeuvres musicales.

- 65 ans, c’est pas si long : la seconde guerre mondiale reste bien placée, en 12è place des articles les plus lus. La même remarque vaut pour Hitler (17è).

- Bizarrement, la première guerre arrive presque exactement 17 places après la seconde, 17è, dans la liste (35è). Remarquable de symétrie.

- Notre France nationale arrive en 79è position. Pas si mal, non ?

- Enfin, le sexe truste un bon nombre de places dans le classement. Les gens ne pensent décidément qu’à ça. En même temps, on le savait déjà.

Et vous, quels enseignements tirez-vous de ce classement ? Qu’ai-je raté ?


> Article initialement publié sur Sfadj.com

]]>
http://owni.fr/2009/09/30/les-100-articles-les-plus-lus-sur-wikipedia-en-2009/feed/ 4