OWNI http://owni.fr News, Augmented Tue, 17 Sep 2013 12:04:49 +0000 http://wordpress.org/?v=2.9.2 fr hourly 1 Hackers, bâtisseurs depuis 1959 http://owni.fr/2012/11/08/ebook-hackers-batisseurs-depuis-1959/ http://owni.fr/2012/11/08/ebook-hackers-batisseurs-depuis-1959/#comments Thu, 08 Nov 2012 07:04:34 +0000 Sabine Blanc et Ophelia Noor http://owni.fr/?p=125406 Hackers, bâtisseurs depuis 1959. Rétrospective accessible qui revient sur plus d’un demi-siècle d’histoire du hacking en soulignant son éthique et la richesse de son apport technique. Un ouvrage préfacé par Mitch Altman, co-fondateur du hackerspace de San Francisco Noisebridge. ]]> Mise à jour
Les 18 premières pages de l’ebook sont téléchargeables ici [PDF]


Hackers, bâtisseurs depuis 1959.” (105 pages, 4,49 euros) est disponible au format epub sur Immatériel, la FNAC (Kobo) et Amazon (Kindle), ainsi que sur OWNI Shop au format .PDF et epub, sans marqueur ni DRM.


Aujourd’hui, la porte d’entrée grand public dans l’univers des hackers, ce sont les reportages racoleurs au JT de 20 heures sur les “vilains-pirates-chinois-qui-en-veulent-à-votre-CB”. Hackers = vilain, et puis c’est tout. Ces mêmes JT seront aussi diffusés en replay sur Internet. En toute contradiction.

Car sans les hackers, il n’y aurait pas d’Internet. Il n’y aurait pas d’ordinateur non plus. Avant d’en arriver à nos PC connectés à 5 megabits/seconde, il y a un demi-siècle d’histoire du hacking. Stricto sensu, le hacking n’est rien d’autre que l’usage créatif des techniques, l’art de démonter les systèmes – hacker signifie mettre en pièces en anglais – pour mieux en reconstruire d’autres, en fonction de ses envies, ses besoins, son simple plaisir. Autrement dit, sous le clavier de Jude Milhon, “St. Jude”, patronne des hackers, morte en 2003 :

Le contournement intelligent des limites imposées, qu’elles le soient par votre gouvernement, vos propres capacités ou les lois de la physique.

Si la littérature sur le domaine n’est pas inexistante, elle est malheureusement trop souvent en anglais. Il faut lire Hackers: Heroes of the Computer Revolution, l’ouvrage référence de Steven Levy, pour se plonger avec délice dans les prémisses du hacking moderne, au Massachusetts Institute of Technology, le prestigieux MIT. Une histoire qui commence dans un club de modèle réduit de train, à une époque où les ordinateurs font passer le bahut normand de grand-maman pour une table de chevet.

Nous ne parlons pas que de technique dans notre eBook. La richesse extraordinaire de ces gens ingénieux est indissociable d’une éthique : libre accès aux machines et au code, liberté de l’information, et donc partage des connaissances, éloge du code comme véritable art, primauté de l’horizontalité contre la pyramide hiérarchique, des actes et non des grands discours incantatoires, ce qu’on appelle la do-ocracy.

Historiquement centrés sur le logiciel, le software, les hackers exercent maintenant aussi leur curiosité et leur inventivité sur les objets, le hardware. Les années 2000 sont celles d’un retour au physique, avec l’explosion des lieux de travail collaboratifs qui gravitent autour de cette sphère : hackerspaces, makerspaces, fab labs, etc. Récemment, on observe même un effet de mode autour du DIY, le do-it-yourself, “faites-le vous-même” : il suffit de bidouiller trois LED et une imprimante 3D pour se revendiquer hacker.

De la cave au Parlement européen

En soi, le hacking est donc éminemment politique, au sens noble du terme, qui renvoie étymologiquement à l’organisation de la cité : il est un pied de nez permanent aux systèmes fermés et oligarchiques, toutes tentatives de confiscation du savoir. Ces “sorcières” modernes, pour reprendre l’expression de l’e-zine underground Phrack, sont prises en chasse dès les années 70, et la chasse s’intensifie au fur et à mesure qu’un écosystème se développe autour de l’informatique et de l’Internet. En face, la communauté se mobilise, “l’hacktivisme” se structure, avec par exemple la création de l’Electronic Frontier Foundation (EFF) en 1990.

Politisés, certains hackers sont carrément entrés dans la danse politique “classique”, avec le Parti Pirate, né de la lutte du site de téléchargement The Pirate Bay. Somme, c’est un système qu’on peut bidouiller comme un autre, nous l’avait expliqué l’élu berlinois Pavel Mayer, proche du Chaos Computer Club, l’influent collectif allemand :

La machine politique du Parlement a des boutons, des leviers, que vous pouvez contrôler, vous devez comprendre ce qui se passe si vous les actionnez. On modifie la machine quand on sait exactement comment elle fonctionne.

En théorie, l’esprit du hacking s’applique à tout domaine. Mais le système politique, coriace, se laissera-t-il détourner ? À moins que ce ne soit lui qui hacke les hackers…


Voir le diaporama de l’ebook, ici. Photographies par Ophelia Noor.
Hackers, bâtisseurs depuis 1959.” (105 pages, 4,49 euros) est disponible au format “epub” sur Immatériel, la FNAC (Kobo) et Amazon (Kindle), ainsi que sur OWNI Shop au format .PDF et epub, sans marqueur ni DRM.

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Monopole sur les idées http://owni.fr/2012/10/02/monopole-sur-les-idees-brevet-logiciel-interview-richard-stallman/ http://owni.fr/2012/10/02/monopole-sur-les-idees-brevet-logiciel-interview-richard-stallman/#comments Tue, 02 Oct 2012 10:57:40 +0000 Sabine Blanc et Ophelia Noor http://owni.fr/?p=121461

Richard Stallman dans la rédaction d'Owni.fr le 1er octobre 2012 - (cc) Ophelia Noor

Le brevet logiciel est un enjeu important pour les libertés numériques et l’économie mais malheureusement moins mobilisateur pour le grand public que la Hadopi ou Acta, en dépit du spectaculaire conflit qui oppose Apple et Samsung.

C’est dans une relative indifférence que le projet est de retour au niveau européen, via un texte sur le brevet unitaire visant à unifier le système des brevets dans l’UE. La commission des affaires juridiques (JURI) en discutera le 11 octobre puis négociera avec le conseil avant le vote final. Le monde du logiciel libre est sur le pied de guerre pour dénoncer une remise à plat du système actuel dans le mauvais sens, avec une campagne de lobbying menée par l’association April.

Richard Stallman, précieux radoteur

Richard Stallman, précieux radoteur

Le pape du logiciel libre a donné une conférence ce jeudi à Paris sur le thème ”Logiciels libres et droits de ...

Complexe, la question de la brevetabilité du logiciel divise encore. Ils sont interdits dans les pays signataires de la convention sur le brevet européen de 1973, dites convention de Munich, approuvé par tous les pays de l’UE. Avec plus ou moins de laxisme d’un pays à l’autre. Dans les faits, le contesté Office européen des brevets (OEB) en a déjà attribué. Et dans tous les cas, le code est soumis au droit d’auteur.

Pour sensibiliser sur ce sujet, le gourou du logiciel libre Richard Stallman donnera une conférence ce mercredi à à l’ESIEA à Paris à partir de 19 heures, vêtu de son costume de lobbyiste à sa sauce un peu nerd lunatique. Nous lui avons demandé d’éclaircir les enjeux. Et nous avons aussi un peu trollé, des deux côtés.

Le brevet logiciel, c’est une lutte des partisans du libre ? Ou dépasse-elle ce milieu ?

Chaque brevet est un monopole imposé sur l’utilisation d’une idée. Avec un brevet informatique, n’importe quel programme peut être interdit. Tout développeur est une victime potentielle des brevets informatiques. Ils servent aussi à interdire des objets physiques mais c’est autre chose. Car fabriquer un objet physique avec des circuits est beaucoup plus difficile, cela exige une entreprise plus grande, il y a donc moins de brevets applicables.

Les non-développeurs sont aussi restreints car sans savoir coder, on peut assembler des programmes, la combinaison peut être brevetée. Il y a des actions que presque tout le monde fait, comme écouter un fichier mp3, mais le mp3 est breveté et tout programme qui n’a pas l’autorisation d’utiliser des fichiers mp3 peut être sanctionné. Il y a le risque de ne pas trouver un programme à utiliser ou seulement de mauvaise qualité.

Et les entreprises qui ont fait le choix du logiciel propriétaire…

[Il nous coupe] Privateur.

… du logiciel privateur sont aussi concernées ?

Oui, elles sont aussi en danger. Les utilisateurs commerciaux peuvent aussi être pris dans un procès. N’importe quelle personne faisant de l’informatique est plus ou moins en danger. Le danger est surtout grave dans ce domaine car on agrège beaucoup d’idées dans un programme, un grand programme peut facilement implémenter des milliers d’idées. Si 10% des idées sont brevetées, cela signifie des centaines de procès potentiels contre le développeur, les distributeurs, les utilisateurs commerciaux.

Voilà huit ans, un avocat américain a étudié le noyau Linux utilisé dans le système d’exploitation GNU et Linux. Il a trouvé 283 brevets informatiques qui seraient violés par ce code. Une revue a publié dans le même temps que le noyau faisait environ 0,25 du système entier, soit 100 000 procès potentiels.

Pour vous, les brevets logiciels sont “le plus grand danger qui menacent le logiciel libre”. Que mettent-ils en danger précisément pour la communauté du libre ?

Le danger est qu’un programme libre ne soit plus disponible pour le public, chassé par des menaces de procès ou même qu’il ne sorte pas. S’il sort, il pourrait être attaqué après. Par exemple le premier programme libre capable de gérer les fichiers mp3, BladeEnc, a été éliminé par une menace de brevet. Aujourd’hui, nous avons des programmes libres qui sont distribués, mais pas partout, entre les distributions GNU et Linux. Beaucoup ne les offrent pas par peur des procès. Donc elles ne contiennent rien ou un programme privateur injuste.

Quelle est votre “plan de bataille” ? Êtes-vous optimiste ?

Il est difficile d’avoir un plan de bataille car l’ennemi est plus puissant, nous devons réagir aux attaques. Il repousse toujours les plans, cela nous laisse du délai, ce qui est bon. Mais c’est lui qui choisit le calendrier, pas nous. Mais je ne suis pas le général en chef, j’essaye d’aider ceux qui s’en occupent en Europe. J’apporte mon concours en faisant des conférences, des entretiens…

Avec qui ?

C’est une question absurde !

Vous pouvez vous entretenir avec des eurodéputés pour faire du lobbying…

Non, je ne les vois pas souvent, je le ferais s’ils voulaient. Je viens de donner des conférences à Bruxelles mais le Parlement n’était pas là.

Êtes-vous confiant ?

Je suis pessimiste par nature. Mais qu’importe mon point de vue, le résultat dépend de vous, de votre volonté de lutter. Cette tendance chez les journalistes à poser des questions sur le futur est une erreur. Il ne faut pas demander comment sera l’avenir mais comment pouvons-nous nous assurer un bon futur.

On publie des interviews pour exposer votre point de vue…

Oui, cela peut aider, mais comment sera le futur, bien sûr je ne sais pas. Mais maintenant, il est impossible de ne pas voir le danger avec tous ces grands procès sur de nombreux brevets entre les plus grands fabricants du monde. C’est la fin de la drôle de guerre, c’est la vraie guerre que nous avions prévue il y 20 ans.

De quelle législation l’UE devrait-elle s’inspirer ?

Je proposerai une loi pour que les programmes ne soient pas sujets aux brevets, quels que soient les brevets et que ce soit dans le développement, la distribution ou l’exécution. C’est la solution complète. L’Office européen des brevets a déjà octroyé beaucoup de brevets informatiques et estime qu’ils sont valables. Que faire ? Il y a deux options. On peut légiférer contre l’octroi de brevet et dans ce cas, il reste les brevets existants qui ont une durée de vie de 20 ans. Cette solution serait efficace mais il faudrait attendre longtemps.

Ma solution résoudrait immédiatement le problème. Les entreprises qui ont déjà déposé des brevets pourraient toujours faire des brevets sur les implémentations fixes sur des circuits de la même idée mais pas contre l’utilisation des ordinateurs généraux.

Il est difficile de comprendre ce sujet pour les non informaticiens. Ils supposent que les brevets fonctionnent comme le droit d’auteur mais en plus fort. C’est une conception nébuleuse et fausse. Ils s’imaginent cela à cause de l’expression idiote de “propriété intellectuelle” qui essaye de généraliser au droit d’auteur les brevets plus ou moins dits d’autre lois qui n’ont rien à voir dans la pratique. Ils pensent à tort que ces lois présentent un point commun important.

Richard Stallman dans la rédation d'Owni le 1er octobre 2012 -(cc) Ophelia Noor

Si vous écrivez un programme, le droit d’auteur vous appartient dessus, vous ne pouvez pas copier le code d’un autre programme privateur, et comment le copier sans le voir ? Donc vous ne courez pas le risque d’un procès pour violation du droit d’auteur. Mais les idées que vous avez implémentées dans votre code peuvent facilement être brevetées par d’autres. Or vous pouvez avoir la même idée indépendamment, ou en entendre parler, il y a beaucoup de manière d’implémenter une idée déjà brevetée par une autre personne. Le brevet met en danger celui qui écrit le code, contrairement au droit d’auteur.

J’utilise l’analogie entre les programmes et les symphonies. La symphonie est une œuvre assez grande qui contient beaucoup de notes et implémente beaucoup d’idées ensemble. Mais pour implémenter les idées musicales, il ne suffit pas de dresser une liste d’idées et de la présenter. Il faut écrire la partition, choisir beaucoup de notes, c’est l’étape difficile qui exige du talent.

Imaginons qu’au XVIIIe siècle des États européens aient voulu promouvoir le progrès de la musique symphonique en imposant un système de brevets musicaux : sur la forme d’un mouvement, un motif mélodique, rythmique, une série d’accords, l’utilisation de tels instruments ensemble. Vous êtes Beethoven et vous voulez composer une symphonie, il serait plus difficile de le faire de façon à éviter un procès que de produire une belle œuvre. Même un génie ne peut pas ne pas utiliser des idées déjà anciennes. C’est la même chose dans l’informatique.

Plus de 450 entreprises ont signé une lettre pour s’opposer au projet de brevet unitaire et au brevet logiciel. Parmi les acteurs concernés, qui est pour, qui est contre ?

Je ne sais pas, mais Twitter a fait quelque chose de très intéressant : le contrat des employés indique qu’ils doivent se limiter à des brevets défensifs, c’est une avancée, cela montre que n’importe quelle entreprise peut le faire. Voilà 20 ans que je propose cela. Beaucoup d’entreprises demandent à leurs employés de déposer des brevets. Mais comment savoir que dans 10 ans ce brevet n’appartiendra pas à un troll ou Apple et ne sera pas utilisé à des fins agressives ?

Avez-vous le sentiment que la politique menée par la nouvelle majorité de gauche en matière de libertés numériques et de partage de la culture est meilleure que celle de l’ancienne majorité ?

Il serait très difficile de faire pire ! J’ai entendu dire qu’ils pensent supprimer la Hadopi, ce serait très bien car la Hadopi est l’ennemi des droits de l’homme. Tant qu’elle existe, les citoyens français ont le devoir de maintenir des réseaux sans mots de passe (Richard Stallman déteste les mots de passe dans l’absolu, NDLR). C’est une forme de résistance contre l’enrôlement forcé comme soldat dans la guerre injuste contre le partage.

Lors de votre conférence à la Villette ce week-end, vous avez dit, entre autres, “Seuls des hommes sans principes sont prêts à sacrifier leur liberté pour un peu de commodité”. Pensez-vous que ce soit le bon argument pour convaincre ma mère de passer au logiciel libre ?

Oui ! D’abord, que fait votre mère, je ne la connais pas, est-elle informaticienne ?

Non, il n’y a pas beaucoup de mamans informaticiennes…

Oui, dans les années 60, il y en avait… Seuls les arguments éthiques peuvent avoir une influence sur ceux qui ne sont pas intéressés par la technique. Pas besoin d’être technicien pour comprendre le pouvoir injuste dans la vie. Dans le logiciel, il n’y a que deux possibilités pour les utilisateurs : soit ils ont le contrôle du programme, soit le programme les contrôle. Le premier cas s’appelle le logiciel libre, les utilisateurs disposent des quatre libertés essentielles (exécuter le programme, l’étudier et l’adapter à ses besoins, le redistribuer, l’améliorer et en faire bénéficier la communauté, NDLR) le second est le logiciel privateur.

Mais si j’explique ça à ma maman, elle va me dire “ok mais mon logiciel (privateur) marche, le reste m’importe peu”…

Mais sait-elle ce qu’il fait ? Le logiciel privateur vous espionne, vous restreint délibérément, contient des portes dérobées capables d’attaquer les utilisateurs. Et beaucoup sont capables de comprendre l’injustice de ce fonctionnement car ils peuvent regarder plus loin et plus profond que leur commodité à court terme. Mais d’autres n’en sont pas capables et ils sont perdus pour les droits de l’homme.

Il me semble que cette question cherche à démontrer qu’il est impossible de convaincre les gens de protéger n’importe quelle liberté. Ce sont des questions idiotes, pourquoi me poser des questions avec des préjugés. C’est supposé que les gens sont bêtes.

[On essaye de lui expliquer qu'on émet juste un bémol sur l'efficacité de son argumentation, que notre maman ne se préoccupe pas trop des backdoors et autre fonctionnalités malignes.]

Mais ça marche, vous supposez que votre mère est bête, je ne veux pas supposer cela.

Non, je vous dis juste quelle serait sa réaction, elle ferait la balance entre les avantages et les inconvénients… […]

Vous connaissez votre mère… Peut-être est-elle bête. Mais pas toutes les mères. Je rejette cette question qui a un préjugé faux.

Vous êtes optimiste…

Non. Beaucoup de non-informaticiens comprennent l’enjeu, ne me dites pas le contraire. S’ils ne sont pas habitués à penser en ces termes, ils peuvent apprendre en écoutant des discours qui prêtent de l’importance à l’éthique et aux droits de l’homme.

On va parler de l’open hardware, pour finir…

Je ne veux pas de question sur open n’importe quoi… [Avant d'interviewer Richard Stallman, il faut promettre de ne pas l'associer à l'open source, NDLR]. J’exige que l’article parle de hardware libre. Ce sont deux philosophies différentes.

MakerBot s’est fait critiqué avec sa Replicator 2 qui ne serait pas libre. Le parallèle avec ce qui s’est passé dans le monde du logiciel vient immédiatement à l’esprit, vous semble-t-il juste ?

C’est une confusion. MakerBot utilise des programmes privateurs dans l’imprimante, c’est la même question. Évidemment c’est mal, nous allons le critiquer bientôt. Et nous allons faire une annonce sur une imprimante qui n’utilise que du logiciel libre, un fabricant a demandé notre approbation.


Interview réalisée à la soucoupe Owni par Sabine Blanc et Ophelia Noor avec Richard Stallman speaking french oui oui. Photo Ophelia Noor.

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RSF hacke la censure http://owni.fr/2012/07/23/rsf-hacke-la-censure/ http://owni.fr/2012/07/23/rsf-hacke-la-censure/#comments Mon, 23 Jul 2012 12:27:45 +0000 Sabine Blanc et Ophelia Noor http://owni.fr/?p=116718

Pentesting (test d'intrusion) de l'application WeFightCensorship de RSF à La Cantine, le 21 juillet 2012 - cc Ophelia Noor

Ils lui ont fait mal, ils lui ont fait mal, les hackers à la future plate-forme WeFightCensorship de Reporters sans frontières (RSF). Ce samedi, ils étaient conviés par l’ONG à un hackaton organisé à la Cantine à Paris pour tester la sécurité de l’outil. Vu l’enjeu, WeFightCensorship a intérêt à viser un système sûr au maximum. Lucie Morillon, en charge du bureau des nouveaux médias à RSF, présente le but du projet :

Jean-François Julliard, notre ancien secrétaire général, souhaitait mettre en avant le travail des gens qui ont été arrêtés ou ont été poursuivis pour s’être exprimé, en leur donnant une tribune, avec la traduction des textes censurés. Nous ferons remonter des documents en s’appuyant sur notre réseau.

La carte d’un monde d’espions

La carte d’un monde d’espions

OWNI en partenariat avec Wikileaks vous propose cette carte interactive permettant d'identifier toutes les sociétés à ...

Bien sûr, il peut aussi s’agir de photos ou de vidéos. Il sera aussi possible de soumettre de façon anonyme et sécurisée des contenus, dont la fiabilité sera vérifiée. Que les contenus proviennent de journalistes professionnels ou amateurs n’a pas d’importance : Internet a brouillé les frontières entre les deux, RSF l’a bien intégré et défend les deux du moment qu’ils diffusent de l’information.

Et quelle que soit leur origine, les documents mis en ligne bénéficieront d’une mise en contexte pour que le grand public comprenne les risques que prennent des blogueurs, par exemple, pour simplement exercer leur esprit critique contre leur gouvernement.

Par un jeu de sites miroirs, les contenus trouveront autant d’échos supplémentaires. Si un miroir tombe ou est bloqué, il y en aura toujours un autre en ligne et accessible.

Jouer sur l’effet Streisand

WeFightCensorship veut “rendre caduque la censure en jouant sur l’effet Streisand”, détaille Grégoire Pouget, webmaster de RSF. L’effet Streisand est un des grands principes qui régissent l’Internet : plus on essaye de censurer un contenu en tentant de le supprimer, plus il est dupliqué. L’actrice Barbara Streisand en avait fait l’expérience en essayant de faire retirer des photos de sa maison, donnant son nom à ce phénomène.

Le système doit donc assurer une sécurité maximale aux utilisateurs. RSF a fait appel à Linagora, son partenaire habituel, spécialisé dans l’open source, pour la développer. William Bonnet, le directeur technique de Linagora, a détaillé la longue liste des risques. Aperçu non exhaustif :

Il faut se prémunir conte l’identification des miroirs et la captation des données ou le blocage ; il faut diffuser du contenu en limitant le risque d’altération comme les fausses informations ou le défaçage ; protéger l’anonymat en ne gardant pas d’informations qui permettent de remonter aux contributeurs…

Architecture résiliente

C’est donc toute la palette des techniques de signature et de chiffrement qui a été utilisée, comme par exemple “le chiffrement des données de bout en bout” a-t-il détaillé. L’architecture globale a été conçue pour être au maximum résiliente :

L'architecture globale de WeFightCensorship - Cliquez pour agrandir.

C’est ce système complexe que les hackers ont été conviés ce samedi à passer à l’épreuve du feu. Et la bête semble bien robuste. Dès juin, la communauté avait été invitée à lui faire passer un premier crash-test, qui avait permis de colmater quelques belles brèches. L’ensemble tient maintenant bien la route, se réjouit fo0, membre du cluster Telecomix qui s’est illustré pendant les révolutions arabes en aidant les internautes à communiquer, et de façon sécurisée :

Le système est plus stable, même s’il n’est pas encore prêt à être mis en production demain, il ne présente pas vraiment de grosses failles, rien qui ne mette en danger la sécurité des gens. Cette séance permet à Linagora de se projeter à long terme. Nous avons juste eu un problème d’upload de fichier, il était trop lourd et le système a buggué.

Nous avons aussi pu réfléchir à quelques idées en cas de scénario d’attaque. Il faudrait par exemple essayer de faire passer un fichier infecté à travers toute la chaine de process, un virus qui passe l’anti-virus.

Wiliam Bonnet, directeur technique de Linagora qui a développé l'application We Fight Censorship, à La Cantine, Paris, juillet 2012 - cc Ophelia Noor

Car l’enjeu majeur est surtout de savoir réagir en cas de problèmes, qui ne manqueront pas de surgir. William Bonnet est aussi satisfait de cette journée qui a permis de renforcer les liens avec les hackers :

La journée s’est très bien passée, nous avons pu échanger des informations avec les testeurs.

L’expérience illustre une nouvelle fois la relation fructueuse que les ONG ont commencé à nouer avec cette communauté encore trop souvent mal vue, à tort. WeFightCensorship est d’ailleurs un bébé hacker, a rappelé Grégoire Pouget :

Il y a un avant et un après WikiLeaks, on les a soutenus d’ailleurs au début, avant que l’organisation ne connaissent des problèmes en ne prenant pas assez de précautions, ils avaient divulgués des noms. Nous nous en sommes inspirés, avec le côté ONG : le contrôle est plus important, l’idée n’est pas de produire des contenus bruts. Nous ne publierons rien sans l’accord de l’auteur pour ne pas aggraver la situation.

Sensibiliser encore plus les journalistes

Les hackers forment les journalistes

Les hackers forment les journalistes

La semaine dernière, hackers et journalistes avaient rendez-vous. L'objectif : apprendre à sécuriser ses connexions à ...

Le rapprochement entamé depuis 2010 avec cette communauté est logique, pour peu que l’on connaisse ses fondamentaux : non, ce n’est pas le piratage de carte bleue, mais la libre circulation de l’information. Et sa marotte pour la sécurité s’avère bien précieuse.

Parmi les collaborations notables, les J_Hack, des échanges entre journalistes, activistes et hackers. Cet hiver, une journée d’ateliers avait été monté pour apprendre aux journalistes à sécuriser leur connexion.

Des journalistes qui ont bien le réflexe de prendre un gilet pare-balles mais pas forcément une clé PGP pour chiffrer leurs communications, a regretté Lucie Morillon, alors que le contexte se dégrade :

WeFightCensorship servira aussi d’espace dédié à la sécurité, avec une boite à outils. Notre grande inquiétude, c’est la banalisation de la surveillance. Les SpyFiles de WikiLeaks ont montré l’étendu de ce marché.

Portrait de Lucie Morillon, chargée des nouveaux médias à RSF en juin 2012 à Paris - cc Ophelia Noor

D’ici son lancement début octobre, WeFightCensorship va encore peaufiner sa carapace, en profitant des retours d’expérience. “Ce hackaton n’est qu’une étape dans la vie du système”, poursuit William Bonnet. Les menaces évoluent, et les abris aussi : quand il s’agit de sécurité, c’est le hackaton continu. Le directeur technique conclut :

C’est à la fois une grande responsabilité et une grande fierté.

L’application à tester est accessible à ces deux adresses :

  1. http://miroir-prim-pub-01.wefightce… pour la partie publication
  2. http://miroir-contrib-01.wefightcen… pour la partie contribution

Texte Sabine Blanc
Photos Ophelia Noor pour Owni

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Richard Stallman, précieux radoteur http://owni.fr/2012/06/29/richard-stallman-precieux-radoteur/ http://owni.fr/2012/06/29/richard-stallman-precieux-radoteur/#comments Fri, 29 Jun 2012 12:32:28 +0000 Sabine Blanc et Ophelia Noor http://owni.fr/?p=114848

Richard Stallman à La Mutinerie Coworking à Paris, le 28 juin 2012 - (cc) Ophelia Noor

La Mutinerie, ses flamboyantes tentures rouges et son coffre de pirate en guise de table : l’espace parisien de co-working était tout désigné pour accueillir la conférence de Richard Stallman, hacker mythique qui a initié le mouvement du logiciel libre, sur le thème ”Logiciels libres et droits de l’Homme”. Une initiative des ONG la Fédération internationale des droits de l’homme (FIDH) et Reporters sans frontières (RSF), de leurs amis du cluster de hackers Telecomix, de Silicon Maniacs, avec le soutien de l’agence de communication LIMITE.

Drones d’intérêt général

Drones d’intérêt général

Des drones fabriqués en Bretagne pour équiper les opposants syriens, les aider à communiquer entre eux et témoigner des ...

En mode automatique, Richard Matthew Stallman, rms pour les intimes, a délivré son laïus habituel, devant un public acquis. Le même depuis presque trente ans, lorsqu’il claqua la porte du laboratoire d’intelligence artificielle du MIT en 1983 pour développer GNU, un OS dont le code est ouvert, en réaction à la logique propriétaire de plus en plus prégnante, gros sous oblige. Un retour à la nature originelle des logiciels puisque, on l’oublie souvent, les programmes ont d’abord été libres par défaut. Dans la foulée, la Free Software Foundation (FSF) est créée pour soutenir le projet.

(deliver Guru (clone SPEECH_FROM_30_YEARS_AGO)

Plus qu’un paramètre technique, l’ouverture du code est pour Richard Stallman une véritable philosophie. Il la résume en trois petits mots qui nous sont familiers, rappelé en ouverture, dans un français impeccable :

Liberté, égalité, fraternité.

Un triptyque d’où découlent quatre obligations, “quatre nouveaux droits de l’homme”, dans une société où l’informatique joue un rôle central : liberté d’utiliser le logiciel, de l’étudier, de le modifier et de le redistribuer. Mais aussi une quadruple obligation que doit respecter un programme pour pouvoir prétendre à une des licences labellisées “libre”.

Conférence de Richard Stallman sur les logiciels libres et les droits de l

Stallman est bien sûr agaçant par son côté sectaire, son intransigeance, qui consiste à démonter méthodiquement les outils que la plupart des gens utilisent au quotidien, en ignorant (faisant semblant de ?) que l’utilisateur lambda se contrefiche de savoir que Microsoft a mis des portes dérobées (backdoors) pour modifier Windows, ce “malware universel”,  ou qu’il ne peut pas tripatouiller le code, tant que ses besoins sont satisfaits. Lassant encore quand il file, as usual, la petite claque à Linux, l’OS libre à succès développé par Linus Torvalds et la grosse baffe à l’open source, avatar marketé parfois moins pointilleux sur les licences, qui a commis le crime de mettre en avant l’efficience des outils libres plutôt que l’éthique.

Richard Stallman joue d’ailleurs de cette étiquette en tonnant à moult reprises “parlez plus fort, je n’entends pas” (il est sourd comme un pot), ou en endossant le costume de Saint iGNUcius :

Saint iGNUcius, de l’Eglise d’Emacs
Je bénis ton ordinateur
Nous adorons le seul vrai éditeur d’Emacs
Tu dois prononcer la confession de foi :
Il n’y a aucun autre système que Gnu et Linux est un de ses noyaux

Richard Stallman, transformation en Saint iGNUcius avec la robe et l

Si l’homme occidental moderne fait furieusement penser au Discours de la servitude volontaire, de la Boétie, c’est somme toute son problème. En revanche, quand la liberté de communiquer, voire des vies, sont en danger, l’argument du “contrôle du logiciel sur l’utilisateur” pèse d’un poids nouveau. Et malheureusement, la surveillance du réseau s’accroit, comme l’a rappelé Antoine Bernard, le directeur général de la FIDH :

En Colombie, le président Uribe s’est livré à de l’espionnage sous couvert d’une procédure anti-terroriste. Des défenseurs des droits de l’homme, des magistrats, des policiers, ont été poursuivis jusqu’en Europe, leurs communications ont été interceptées.

Lui-même s’est fait tacler par rms pour utiliser Skype. Le bien pratique logiciel est troué comme une passoire et il a servi à espionner les opposants syriens grâce à un mouchard. Et ce n’est qu’un exemple.

Dès lors, il était logique de “connecter le monde du libre et des droits de l’homme”. La FIDH a “intégré l’enjeu depuis 2000″, les logiciels libres ont été installés, “non sans peine” car il est difficile de tourner le dos au “confort fallacieux de certains logiciels”, pour reprendre les termes de Nicolas Diaz, le webmaster de la FIDH. RSF, qui défend également des blogueurs et netcitoyens, souhaite aussi “engager plus la communauté du libre”.

“Bull éclatez”

Impossible de ne pas évoquer le cas d’Amesys, cette filiale de l’entreprise française Bull qui a vendu des systèmes de surveillance à des dictatures. La dualité de la technologie a bon dos, quand il s’agit de faire du chiffre d’affaires. La FIDH et la LDH ont déjà eu la satisfaction de voir que leur plainte déposée cet automne visant la société pour complicité d’actes de torture en Libye a permis l’ouverture d’une information judiciaire.

Gnu contre le taureau, Richard Stallman était symboliquement entré dans l’arène au printemps lors d’un séjour en Tunisie, le temps d’un happening, prouvant que le vieil oncle radoteur est aussi un gardien sacrément vigilant :

Cliquer ici pour voir la vidéo.


Photographies par Ophelia Noor pour Owni

Owni a publié en ebook sur Amsesys, Au pays de Candy, enquête sur les marchands d’armes de surveillance numérique

Nos confrères des Inrockuptibles ont demandé à Richard Stallman de conseiller François Hollande. Dommage que les équipes du cabinet de la nouvelle ministre de la Culture Aurélie Filippetti soient déjà constituées, avec un certain tropisme hadopiesque.

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http://owni.fr/2012/06/29/richard-stallman-precieux-radoteur/feed/ 26
Les vieux cons et les jeunes cons http://owni.fr/2012/06/18/les-vieux-cons-et-les-jeunes-cons/ http://owni.fr/2012/06/18/les-vieux-cons-et-les-jeunes-cons/#comments Mon, 18 Jun 2012 02:53:29 +0000 Sabine Blanc et Ophelia Noor http://owni.fr/?p=113708

Laurent Chemla et les macarons des internets - For the lulz - (cc) Ophelia Noor

Quatorze heures et des poussières, un homme d’une quarantaine d’années, corps lourd et fatigué entre sur la petite scène de Pas Sage en Seine, festival de hackers polissons organisé depuis jeudi à La Cantine à Paris. Brouhaha, ça papote en sirotant une bouteille de Club-Mate, la boisson préférée des hackers boostée à la caféine, ou un café digestif, voire les deux en même temps, il en faut après trois jours de festival et autant de nuits courtes.  L’intervenant commence à parler, pas très fort, immédiatement, des “chuts” s’élèvent. Notre homme, c’est Laurent Chemla, un nom qui inspire le respect aux petits cons qui peuplent la salle. C’est en “vieux con” qui a connu les Bulletin Board System ou Usenet que Laurent Chemla est venu s’exprimer. Parce qu’un peu de recul, ça peut servir parfois pour analyser la situation.

<petit point historique> À vingt ans et quelques – nous sommes alors au temps du Minitel – Laurent Chemla se fait attraper pour avoir eu l’audace de pirater le serveur de Café Grand-Mère et de s’y être créé une messagerie. Si tant est que l’on puisse pirater quelque chose qui est ouvert.

Hacker la vie (pour la changer)

Hacker la vie (pour la changer)

Pas Sage en Seine se poursuit. Samedi, plusieurs intervenants se sont attaqués à un domaine souvent laissé en jachère : ...

Le législateur, (déjà ?) bête comme choux, essaye en vain de le faire condamner pour “vol d’électricité”, car le piratage informatique est alors inconnu de la loi.

Laquelle se rattrapera dès 1988 avec la loi Godfrain. Et d’autres. Celui qui s’autoproclamera “voleur” co-créera Gandi en 1999 , le premier registrar (loueur de nom de domaine) français. Depuis ses premiers pas sur le réseau, Laurent Chemla défend une certaine vision de l’Internet : celle d’un endroit qui ne doit pas devenir le royaume des marchands du temple mais un outil citoyen. En 1995, il créé ainsi l’Association des Utilisateurs d’Internet (AUI), un peu l’ancêtre de la Quadrature du Net. </end>

Vieux con mais pas triste sire, Laurent Chemla a pris au pied de la lettre une blague que lui a lancée un organisateur : il enfile un tablier de cuisine et sort des boites de macarons IRL qui seront engloutis par le public à la fin. Et durant tout son talk, une vidéo expliquant la recette de la délicate sucrerie défile en guise de slides. Il en faut bien une note d’humour pour faire passer son constat général :

Les combats de 2002 sont encore les mêmes aujourd’hui, c’est un vrai problème.

Hack, code, lulz @Pas Sage en Seine - (cc) Ophelia Noor

Le bilan des progrès est maigre : la cryptographie a cessé d’être considérée comme une arme de guerre, tout le monde peut désormais l’utiliser. Hadopi a eu une utilité : suite à une décision du Conseil constitutionnel, l’accès à Internet est considéré comme un droit fondamental et il faut l’autorisation d’un juge pour le couper. Mais pour le reste :

Aucun combat n’a été gagné, aucun combat n’a été perdu.

Le constat est aussi déprimant que les déclarations de l’ancienne ministre de la Culture Christine Albanel en son temps : Facebook n’a-t-il pas réussi l’exploit de nous voler quatre fois, en attendant la prochaine ?

Heureusement, notre “anarcho-syndicaliste à tendance situationniste” a l’art de distiller des touches d’humour. Comme lorsqu’il envisage de rejoindre le Parti Pirate pour faire bouger les lignes (de code) :

Rejoindre les clowns du Parti Pirate ne serait pas une mauvaise idée, même si une partie de leurs propositions sont floues. Hackons la politique. Ce serait hacker les hackers.

Et qui sait : peut-être qu’avec le temps, son souhait que l’Internet soit considéré comme un service public pris en main par l’État se réalisera… En attendant, Laurent Chemla, pour qui “les générations qui ont suivi ont été étonnantes“, se dit ainsi “admiratif” du travail accompli par La Quadrature du Net notamment.

Cliquer ici pour voir la vidéo.

Et au passage, en parlant de hacker les hackers, Jean-Baptiste Descroix-Vernier, le très controversé patron de Rentabiliweb, vice-président du Conseil national du numérique (CNN), un comité Théodule créé par Nicolas Sarkozy, s’est invité sur scène le temps d’une improvisation. Durant quelques minutes, il a répété à quel point il était une personne bien, qui a donné toute sa fortune pour des œuvres de charité. Pour mémoire, il avait voulu organiser une distribution de billets de banque sous la tour Eiffel pour faire parler d’une de ses filiales. Curieusement, son intervention hautement trollesque n’a pas suscité de réactions.

Du temps des dinosaures du web, des gus utopistes comme Chemla pensaient qu’on pourrait se passer des intermédiaires techniques, les tout-puissants fournisseurs d’accès (FAI) : une fois l’infrastructure posée, ne resterait-il pas qu’un peu de maintenance ? La suite a été un peu différente. Mais, mais, des petits Gaulois résistent, à leur échelle, en montant des FAI associatifs, réunis sous la bannière de la Fédération French Data Network (FFDN).

Cliquer ici pour voir la vidéo.

Meatspace

Le cyberespace, les grands principes de l’éthique hacker, c’est bien. Pour autant, les hackers ne délaissent pas le meatspace, celui du matériel, du corps, de la “viande”. Tout se hacke, on vous l’a dit. Lassé de votre tee-shirt collector Telecomix ? Essayer donc l’upcycling : derrière ce terme un peu bullshit bobo numérique, se cache une pratique bien sympathique : récupérer vos fonds de placard pour en faire des vêtements que vous porterez avec fierté.

Hack tes vêtements ! - (cc) Ophelia Noor

Vers la fin de la journée, une odeur de malt en train de fermenter a flotté dans La Cantine. Car outre le Club-Mate, il était aussi possible de boire de la free beer, de la bière libre, dans tous les sens du terme : sa recette est disponible et pas besoin de débourser pour vider une pinte. Pour être honnête, ce n’est pas celle qui a été brassée en direct qui a été servie : les hackers ont beau être dotés d’une habileté technique certaine, mère Nature ne se laisse pas bidouiller facilement. Bref, fabriquer de la bière est un processus lent, et c’est ainsi depuis la nuit des temps.

La bière locale... - cc Ophelia Noor

Photographies par Ophelia Noor pour Owni

Retrouvez les vidéos des conférences sur le site de la Cantine et le compte-rendu des trois autres journées : Pour un Internet polisson !, Juste fais le. et Hacker la vie (pour la changer)

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http://owni.fr/2012/06/18/les-vieux-cons-et-les-jeunes-cons/feed/ 20
Drones d’intérêt général http://owni.fr/2012/06/03/telecomix-syrie-ong-drone/ http://owni.fr/2012/06/03/telecomix-syrie-ong-drone/#comments Sun, 03 Jun 2012 16:40:45 +0000 Sabine Blanc et Ophelia Noor http://owni.fr/?p=112381

Le drone

Ce samedi , au Salon des solidarités à Paris, un drôle d’engin vrombissait entre un stand de Médecin du Monde et une échoppe de bijoux équitables  : un drone miniature, présenté dans le cadre d’une rencontre “hackers et ONG“. La bestiole vient tout droit de Bretagne, où une poignée de membres du collectif d’hacktivistes Telecomix s’est attelé à son développement. Car ce drone n’est pas destiné à butiner dans le clair ciel français mais à aider les Syriens en lutte contre la dictature de Bachar el Assad.

KheOps, pseudo qui cache un jeune homme juvénile aux longs cheveux blonds, a lancé l’initiative, choqué par la mort des journalistes Marie Colvin et Rémi Ochlik cet hiver :

Il vaut mieux perdre un drone qu’un journaliste.

L’opération en Syrie vue de l’intérieur

L’opération en Syrie vue de l’intérieur

KheOps est l'un des hackers de l'opération menée en Syrie pour contourner la censure. Il revient sur la genèse du projet, ...

Au royaume de la do-ocratie chère aux hackers, peu importe les intentions, seuls comptent les actions concrètes. Depuis plusieurs semaines, KheOps, aidé d’autres “agents” Telecomix, comme ils se nomment, s’est donc attelé à construire un engin customisé.

Avec ce projet, Telecomix rajoute une pierre à l’édifice solidaire de 1 et de 0 qu’ils ont construits durant les révolutions arabes, selon son motto. Le collectif informel, pour reprendre l’expression de Tomate, un de ses agents allemands, “est une idée. L’idée de la communication libre. N’importe quel type de communication.” Tunisie, Égypte, et donc Syrie, le groupe a aidé et aide encore les peuples à utiliser Internet en toute sécurité, un véritable travail d’“éducation”. Alors que la Syrie semble avoir mis cette semaine un nouveau tour de vis et que le conflit s’enlise, les agents ne sont pas près de quitter ce terrain.

Documenter le projet

Le drone doit faciliter la récolte et la diffusion des informations, en se jouant des snipers en embuscade.  Ses spécifications obéissent donc à un impératif, comme l’explique KheOps :

La personne doit prendre le moins de risques possibles, elle doit pouvoir piloter à vue, grâce à une caméra.

Drones d’hacktivistes

Drones d’hacktivistes

Les drones sont partout. À l'origine utilisés par les militaires, ces engins sont détournés de leur usage, en particulier ...

La caméra est aussi équipée d’un émetteur pour que les images soient diffusées en direct, dans un rayon théorique de quelques kilomètres. Histoire de ne pas réinventer la poudre, le petit groupe de travail s’est aussi  inspiré des nombreux projets qui ont été développés ces derniers mois, dans ce même état d’esprit de surveiller les surveillants, comme occucopter, bidouillé par les manifestants du mouvement Occupy Wall Street. “Nous avons scotché des bouts épars avec du chatterton, poursuit Okhin, étique agent à très haut débit, le “cerveau”du drone, le contrôleur, existe par exemple déjà, et il s’agit ensuite de le patcher, en fonction de notre expérience.”

Pour être honnête, la démonstration de ce samedi a été un peu contrariée : “Il ne marche pas encore, il a marchoté hier, s’excuse KheOps. On n’y connait rien, on apprend sur le tas.” L’objectif est de le finir fin juin, le plus important étant de fournir une documentation claire pour que le drone puisse facilement être reproduit. Avec un effet pervers dont ils sont bien conscients : le drone pourra tout aussi bien être utilisé à des fins de répression.

Restera un problème à résoudre, amener le matériel, car les drones grand public et les caméras ne courent pas les rues en Syrie. Et c’est là que les liens que Telecomix a tissé avec quelques ONG peuvent être utiles, comme le rappelle Ksa :

On va se débrouiller pour les faire rentrer par les réseaux des ONG, via la Turquie, le Liban ou la Jordanie. On n’a pas forcément besoin des ONG mais avec, c’est mieux.

Les hackers forment les journalistes

Les hackers forment les journalistes

La semaine dernière, hackers et journalistes avaient rendez-vous. L'objectif : apprendre à sécuriser ses connexions à ...

Étonnant pour qui méconnait le milieu des hackers, le rapprochement avec les ONG en zone de crise est logique : sens de la bidouille-débrouille, le fameux DIY (Do It Yourself), liberté de communication comme principe sacré, nécessité de protéger son identité dans certaines circonstances, conscience aiguë de la fragilité des infrastructures techniques et donc de la résilience, sont autant de points d’accroche et surtout de collaboration. Les hackers ont déjà une longue tradition d’engagement actif, avec par exemple le collectif Hacktivismo, créé en 1999, une émanation du mythique Cult of the Dead cow, qui aurait le premier employé le terme d’hacktivisme en 1996. “Certains portent d’ailleurs la double casquette hackers-ONG”, note l’un des agents.

“On a déjà collaboré avec RSF (Reporters sans frontières, ndlr), rappelle KheOps, on les connait, on s’entend bien.” Avec la Fédération internationale des ligues des droits de l’homme (FIDH), la rencontre s’est faite “dès la fuite de Ben Ali, quand Telecomix a commencé à soutenir des organisations. Après évaluation des besoins, nous avons mis en place un coffre-fort numérique pour conserver les archives”, se souvient Nicolas Diaz. Avec ses longs cheveux qui rivalisent avec ceux de KheOps ou d’Okhin, Nicolas Diaz ne dépareille pas. Responsable du système d’information et webmaster de l’ONG, il est déjà en terrain familier. Nous avons développé des outils de communication chiffrés avec des membres de Ubuntu et de Telecomix”, précise-t-il. Pointus, hyper-réactifs, peu avares de leur temps, nos hacktivistes ont parfois besoin d’un peu de “pondération, face aux impératifs techniques”, analyse-t-il.

Cette union forte a déjà abouti au projet Syrian stories, lancé en mars. Cette plate-forme rassemble des vidéos sélectionnées et mises en contexte, en puisant dans les documents de Telecomix Broadcast System (TBS), une base de données mise en ligne au même moment.  Le tout forme une timeline-mémorial beaucoup plus éditorialisée que la matière assez brute (dans tous les sens du terme), de TBS. Et plus tard, inch’ allah, ces images pourront servir de preuve à charge dans des procès.

La Pirate Box

Telecomix : « hacker pour la liberté »

Telecomix : « hacker pour la liberté »

Telecomix n'a pas de leader, ni de hiérarchie. Ce n'est pas une organisation, mais une "désorganisation" bien réelle qui ...

Ils envisagent aussi de détourner le concept de la Pirate Box, qui en soi-même est un hack. À l’origine, la Pirate Box est un outil open source gros comme une boite à lunch qui émet un réseau wifi pour vous permettre de partager des fichiers avec n’importe qui, sans nécessité de dévoiler son identité. Une invitation à retrouver les joies du partage de la culture et de la culture du partage. En guise de partage de musique, l’outil version terrain de guerre pourrait servir à communiquer dans un périmètre critique, un immeuble bombardé par exemple. Leur Pirate Poney Box, comme ils ont baptisé avec humour leur version, est ainsi équipée d’un module de chat anonymisé. Peu coûteuses, “25 dollars chez les Chinois”, plaisante Okhin, alimentées par un panneau solaire, plusieurs Pirate Boxes pourraient former un mini-réseau maillé, qui passerait les informations de relai en relai.

Lulz et honneur

En un an, Telecomix a acquis une belle notoriété que ses agents étaient loin d’imaginer. “Hype”, entouré d’une aura de magicien de la technique, les hacktivistes sont sollicités de toutes parts. “Nous ne pouvons pas aider tout le monde, tranche Okhin, les ONG ne doivent pas dépendre des hackers mais être autonomes. Nous mettons en ligne de la documentation, utilisez-la ! Et puis ce serait mauvais pour notre égo qu’on devienne des James Bond.”

On leur fait confiance pour éviter cet écueil, tant le lol fait partie de leur ADN.  Ces jeunes gens en baggies et baskets ont conscience de la gravité des événements mais leur approche reste ludique, parce que le goût pour le défi technique est inhérent aux hackers. Ils n’oublient jamais non plus ce pas de côté salutaire, la pirouette distanciatrice. Un peu comme si le général de Gaulle avait glissé un LOLcat entre deux missives. Une philosophie résumée d’une phrase, jetée dans un éclat de rire par un Okhin monté sur ressorts caféinés :

On ne fait rien d’extraordinaire à part ne pas dormir. Si ça nous faisait chier (sic) de sauver le monde, on ne le ferait pas.


Texte Sabine Blanc et photos Ophelia Noor

À lire aussi L’open source au service de l’humanitaire, le compte-rendu d’une autre conférence organisée dans le cadre de la rencontre hackers et ONG

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http://owni.fr/2012/06/03/telecomix-syrie-ong-drone/feed/ 21
À vos hackerspaces citoyens http://owni.fr/2012/04/09/par-dela-les-hackerspacestmp-lab/ http://owni.fr/2012/04/09/par-dela-les-hackerspacestmp-lab/#comments Mon, 09 Apr 2012 08:33:50 +0000 Sabine Blanc et Ophelia Noor http://owni.fr/?p=104241

Performance EEG, braincomputer interface (tmp/bci) // Neurohack à la Gaité Lyrique le samedi 25 mars 2012 - (cc) Ophelia Noor pour Owni

La résidence d’un an du TMP/LAB à la Gaité lyrique à Paris s’achèvera dans dix jours. Tous les jeudis, le hackerspace basé à Vitry-sur-Seine s’est posé dans ce récent musée dédié aux arts numériques pour échanger et pratiquer autour de leur vision du hack, qui est à la base un usage créatif des technologies. Un exercice inédit pour ceux qui furent parmi les premiers à revendiquer le terme de hacker en France, après l’expérience malheureuse du Chaos Computer Club France, le faux-nez de la DST des années 90 qui avait douché les velléités. Bilan et perspective avec Ursula Gastfall, un de ses piliers.

Êtes-vous satisfait par rapport à vos objectifs ?

Je ne sais pas si nous avions vraiment un objectif, nous avions surtout envie d’essayer d’aller à l’extérieur, dans un nouveau lieu, une nouvelle forme, de Vitry nous sommes passés à Paris, nous avons rencontré d’autres gens, nous avons tenté cette ouverture dans un musée. Je pense qu’il y a des gens que nous n’aurions pas vu sinon, il est plus simple pour des raisons de locomotion d’aller à Paris qu’à Vitry. Nous avons aussi croisé des gens qui étaient là pour d’autres choses. Ceux qui se rendent à Vitry viennent spécifiquement pour nous.

C’était intéressant aussi pour la forme car ce qui nous plaisait avec les gens avec qui nous avons travaillé à la Gaité, c’était que ce lieu pourrait être un lieu de vie et qu’on y fasse des projets qui poussent progressivement.

L’autre point positif, ce sont les intervenants que nous avons eu, nous avons organisé un cycle de conférence, tous les premiers jeudis du mois. Nous avons pu faire une programmation hétéroclite à notre goût, sans que ça soit forcément aussi des gens qui sont invités ailleurs : par exemple Elektra du Chaos Computer Club de Berlin, qui s’occupe de réseaux mesh (réseau WiFi par relai, “maillé”), l’astrophysicien Laurent Notalle, l’artiste-programmeur Pall Thayer et ses micro-codes.

C’était chouette aussi pour La paillasse, le biohacklab (hacklab centré sur les biotechnologies) qui travaille avec nous, pour leur première année d’existence.

On entend régulièrement parler d’un hackerspace central  à Paris, est-ce un projet qui vous attire ?

À titre personnel, je ne défends pas particulièrement l’idée d’un lieu central. Mais effectivement, il y a des envies diverses. Je suis assez contente que nous effectuions des allers-retours en banlieue et que nous fassions plein de choses au-delà du périphérique, j’ai l’impression que les gens y prennent un peu plus de temps. L’idée justement, c’est que ce ne soit pas centralisé.

Performance EEG, braincomputer interface (tmp/bci) // Neurohack à la Gaité Lyrique le samedi 25 mars 2012 - (cc) Ophelia Noor pour Owni

Mais Berlin a C-Base, San Francisco Noisebridge, etc, ça ne manque pas ?

Ce n’est pas l’idée d’un hackerspace que je me fais d’un hackerspace. C-Base a une autre fonction, il y a plusieurs hacklabs à Berlin, le point de rendez-vous se fait à C-Base, je ne vois pas un énorme avantage à avoir un point comme ça avec ses lourdeurs, c’est plutôt des cellules qui se répartissent et qui ont des connections les unes avec les autres.

Vous fêtez vos cinq ans cette année, alors heureux ?

(Rires) Il faut demander aux autres mais oui oui ! Nous avons pleins de projets à court et moyen terme, nous organisons un festival mi-août dans les Alpes, chez quelqu’un qui a construit lui-même sa maison avec des panneaux solaires, on y fera des ateliers pour travailler, ce ne sera pas des conférences. Nous montons une nouvelle Electronic pastorale à Conques dans le Berry aussi les 14 et 15 juillet, et il y en aura tout l’été.

Vous êtes satisfaits du développement des hackerspaces en France ?

Oui, il n’y a pas de centre, il y a des gens que nous avons croisés qui ont fait leur hackerspace et que nous avons continué à côtoyer, qui vont se déplacer,  je peux travailler avec des gens du Loop par exemple, ou à la BlackBoxe, c’est important, il n’y a pas d’unités fixes, il n’y a pas un porteur de projet, un leader, il y a des gens qui travaillent les uns avec les autres. C’est vrai qu’au début, on a été très lent, par rapport à l’Allemagne.

Dans le cadre du festival de clôture de l’exposition 2062, on vous a vu faire une performance qui pouvait paraître élitiste, pour initiés, à côté de ça, il y a une explosion des hackerspaces, le hacking se démocratise vraiment ?

Je ne trouve pas ça du tout élitiste, on raconte ce qu’on fait, ce n’est pas de la pédagogie, je n’aime pas ce terme qui induit déjà un rapport un peu distancié. Au contraire, on ne met pas les choses sur un piédestal, nous expliquons le système utilisé, que nous avons fabriqué en open source, oui c’est brut, minimal mais pas élitiste en soi, ça voudrait dire qu’il y a des codes, ce n’est pas le cas. Après, c’est une performance.

Performance EEG, braincomputer interface (tmp/bci) // Neurohack à la Gaité Lyrique le samedi 25 mars 2012 - (cc) Ophelia Noor pour Owni

Le terme de démocratisation ne me va pas. Il s’agit plutôt de connecter les gens qui sont là et de faire en sorte qu’ils fassent les choses, plutôt que de penser qu’on va influencer qui que ce soit. Il n’y a pas que les hackerspaces qui ont ce comportement, j’ai l’impression d’un mouvement global, il y a de plus en plus de gens qui se retrouvent et qui se disent : “on ne va pas attendre que ça vienne d’en haut, on ne va pas attendre que la vie change et faire autre chose à la place.” Ils prennent des petits morceaux de choses qu’ils ont envie de faire, et les gens avec qui ils peuvent les réaliser…

La doocracy plutôt que la démocratie ?

Oui, après les néologismes… Nous n’aspirons pas à faire venir plus de gens, il y a des moments un peu plus pérennes pour que les gens s’associent. À Toulouse par exemple, nous avons fait de la broderie avec un club de 3ème âge.


Photographies par Ophelia Noor pour Owni /-)

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http://owni.fr/2012/04/09/par-dela-les-hackerspacestmp-lab/feed/ 3
Fab Lab, la pharmacopée anti-crise http://owni.fr/2012/02/23/fab-lab-la-pharmacopee-anti-crise/ http://owni.fr/2012/02/23/fab-lab-la-pharmacopee-anti-crise/#comments Thu, 23 Feb 2012 07:32:18 +0000 Sabine Blanc et Ophelia Noor http://owni.fr/?p=98282

Imprimante 3D MakerBot au FacLab de Gennevilliers -- OpheliaNoor/Owni

“C’est un beau roman, c’est une belle histoire… “ Les fab labs (fabrication laboratory),  ces mini-usines collaboratives de prototypage rapide à commande numérique, fournissent souvent un storytelling à clouer le bec aux Cassandre des temps modernes, à base de réappropriation de la technique et de partage des connaissances.
Le cas du fab lab de l’université de Cergy-Pontoise, inauguré ce jeudi, en donne une nouvelle illustration. Fac Lab est le premier ouvert en France dans une université, son berceau d’origine puisque le concept a été élaborée au MIT par le professeur Neil Gershenfeld au début des années 2000. Cet atelier sera ouvert au public dès vendredi, conformément à la charte, dans des locaux à Gennevilliers (92). Il constitue la première brique d’un campus centré sur l’innovation numérique et les nouveaux médias.

Le site de l'université de Cergy à Gennevilliers accueille le FacLab -- OpheliaNoor/Owni

Les Fab Labs, ou le néo-artisanat

Les Fab Labs, ou le néo-artisanat

Fabriquer soi-même ce dont on a besoin, réparer, au lieu de consommer des objets que l'on jette au moindre ...

L’idée a germé voilà un an et demi dans la tête d’un duo atypique dans le milieu universitaire, Emmanuelle Roux et Laurent Ricard. Tous deux ne sont pas des chercheurs mais sont issus du monde de l’entreprise : elle, voix forte et convaincue, la trentaine, gérant une petite web agency en Vendée ; lui, la voix douce et convaincue, la cinquantaine, ancien de la R & D de Kodak, où son équipe travailla à la fin des années 90  sur un appareil photo intégré à un téléphone, en vain ; il a monté sa boîte de conseil en numérique après avoir quitté Thomson. Et ils donnent des cours à Cergy dans le cadre d’une licence développement web et web mobile. Le duo présentant l’efficacité certaine en mode “j’fais c’que j’dis, j’dis c’que j’fais”. La comparaison s’arrête là.

Genèse accélérée

On les avait croisé une première fois en mai dernier au THSF, le festival du hackerspace toulousain le Tetalab, entre deux imprimantes 3D. Le projet était déjà en route. Huit mois plus tard, c’est le temps des petits fours. Si Fac Lab est allé aussi vite, c’est que le concept de fab lab tombe à point nommé en cette période de crise économique. Emmanuelle Roux se souvient de la genèse :

J’avais d’abord un projet de fab lab en Vendée. En en discutant sur un salon de l’innovation avec un élu local, il m’a répondu : “il faut le faire maintenant car quand on voudra sortir de la crise, on aura besoin de lieux comme ça”.

Finalement, avant la Vendée, ce sera l’université de Cergy. Le concept fait tilt auprès de leurs différents interlocuteurs. Côté université déjà, que ce soit le directeur de l’UFR des Sciences et Techniques Jean-Luc Bourdon, pour qui le fab lab est une solution à une problématique quotidienne :

Laurent Ricard et Emmanuelle Roux au FacLab de Cergy, février 2012 -- OpheliaNoor/Owni

“Il y a plein d’enseignants de tous poils qui sont dans des silos, des gens qui font de l’innovation, des gens de passage, des étudiants, il faut un lieu intermédiaire qui fait la glu”, analyse Laurent. “Innovation, développement de nouvelles approches pédagogiques, transfert de technologie avec les industriels, vulgarisation scientifique à destination des élèves depuis la primaire jusqu’au lycée”, égrène Jean-Luc Bourdon, autant de publics et d’arguments qui l’ont poussé à soutenir le projet. 

“J’ai été séduit tout de suite, c’est assez génial, s’enthousiasme François Germinet, le vice-président stratégie de l’université. On peut fabriquer des objets avec des techniques qui ne sont pas compliqués, comme l’imprimante 3D, avec de nombreuses applications dans les domaines où nous travaillons : la santé, les polymères, le patrimoine… ” C’est ainsi que deux chercheuses du Centre de Recherche et de Restauration des Musées de France travaillant sur des projets liés à l’obsolescence technologique et ses conséquences sur la conservation ont l’intention d’expérimenter la construction d’un prototype de numériseur de films de type multispectral et une machine de lecture universelle de vidéo, en partenariat avec l’Université de Gorizia en Italie.

Côté cursus, la licence pro web comportera un parcours objet connecté, puis petit à petit, des modules seront essaimés dans les filières existantes. À terme, à la rentrée 2013, un master 1 et 2 “fabrication numérique” verront le jour.

Jeunes créateurs d’entreprise

Côté entreprises, on ouvre aussi une oreille attentive. Car le fab lab a cet avantage de ne pas être incompatible avec des activités commerciale, même si la charte précise qu’“elles ne doivent pas faire obstacle à l’accès ouvert. Elles doivent se développer au-delà du lab plutôt qu’en son sein et bénéficier à leur tour aux inventeurs, aux labs et aux réseaux qui ont contribué à leur succès.” Jean-François Benon, le directeur général du CEEVO, le Comité d’expansion économique du Val d’Oise, a vite vu l’intérêt pour les jeunes créateurs d’entreprise de pouvoir faire du prototypage rapide.

La salle de soudure du FacLab de Gennevilliers -- Ophelia Noor/Owni

Partenaire de la fondation de l’université, Orange est aussi dans le tour de table. Loin des envies de mettre à bas l’industrie d’un Adrian Bowyer, le créateur de la RepRap, une imprimante 3D autoréplicante open source, Orange y voit un intérêt en terme de R & D :

L’expérimentation que nous avons menée à Grenoble nous incite à penser qu’avoir accès à un fab lab externe pérenne pourrait être utile à plusieurs de nos équipes de R&D.

Séduit sur tous les bords

Au final, droite, gauche, université, entreprise, le concept séduit, par-delà les étiquettes politiques. Emmanuelle :

Il faut une vraie alternative, il ne s’agit pas de dire ‘on fout tout le système économique à terre’. Il n’y a que les gens de droite qui ont le droit de parler d’économie, création de valeurs et il n’y a que les gens de gauche qui soient sociaux.”

Le fab lab se présente comme une solution séduisante pour ébaucher le futur d’une société post-technicienne débarrassée de ses excès, qui permet de créer de la richesse et pas uniquement au sens monétaire du terme.

“C’est une position personnelle, je pense qu’il faut il sortir de l’aire de la consommation, je suis adhérente de SEL aussi. La ressource existe déjà près de soi, ton voisin l’a peut-être. Cela permet aux gens de produire eux-mêmes, par contrainte ou par idéologie.

Mais ce n’est pas que des machines-outils, c’est le lieu, la rencontre, on n’a pas un seul lieu collaboratif en Vendée de rencontre, d’échange, à part le café du PMU. Les petits entrepreneurs comme moi n’ont pas d’accès à l’innovation, c’est très compliqué, il y a beau avoir OSEO, il faut pouvoir porter 40 -50% du capital dont tu as besoin, faire des dossiers.”

Et parmi les raisons pour lesquelles Jean-Luc Bourdon a soutenu le projet, il y a “le côté ‘tout-public’ et le côté ’social’ : donner la possibilité à des ados et des adultes sortis du système scolaire de pouvoir se rapproprier des savoirs et des savoirs-faire et aussi de partager leurs expériences.”

20 commandements pour une société autofabriquée

20 commandements pour une société autofabriquée

Pour accompagner la révolution des FabLabs, permettant à chacun de produire des objets grâce à des imprimantes 3D et ...

Un aspect qui a séduit aussi Jean-François Benon. Le Val d’Oise est en effet un département très jeune, avec quelques quartiers difficiles et leur lot de jeunes déscolarisés. Déscolarisés, bloqués par les circuits traditionnels coûteux et élitistes mais pas dénués de talent : “Ils ont une grande créativité, dans le domaine de la musique, du numérique, de la mode, du design, explique-t-il, leur permettre d’avoir accès à des outils et à de l’aide, tous les jours, c’est un moyen de faire ressortir leur créativité, de reprendre confiance, de rebondir, avec des projets personnels et pourquoi pas professionnels.” On comprend que Val de France, la communauté de communes qui comprend entre autres Sarcelle et Villiers-le-Bel, ait ouvert un œil très attentif. “On est persuadé que dans les années qui viennent, il y en aura beaucoup plus”, conclut Jean-François Benon. D’ores et déjà, la faculté s’est engagée à en ouvrir un en 2013 dans le Val d’Oise.

Outils et machines -- OpheliaNoor/Owni

Par-delà le territoire, un des objectifs à terme est de développer un réseau francophone de fac labs, en partenariat avec l’Agence Universitaire de la francophonie (AUF), à partir de mars. Et donc une opportunité de plus pour la faculté de “rayonner à l’international”, poursuit Jean-Luc Bourdon.

Le loup dans la bergerie

Dans le petit milieu des lieux de fabrication numérique collaboratifs et ouverts, fab lab, makerspace, hackerspace, le débat est vif et sans fin sur le financement. Faut-il des subventions ? Du public ? Du privé ? Laurent se souvient d’un débat sur le sujet à Toulouse lors d’une conférence sur les fab labs :

Les subventions s’assèchent, quels sont les différents modèles économiques qu’on peut mettre en place ? Il y avait une gêne, certains étaient recroquevillés face à la réalité : il faut aller trouver de l’argent.

Certains, comme à Cergy, obtiennent des fonds d’entreprises étiquetées “gros capitalistes”. En la matière, Orange a un petit passif peu glorieux : notre telco national a déjà lancé l’année dernière Thinging, un fab lab expérimental, enfin du moins un projet étiqueté fab lab ne respectant pas l’esprit initial puisqu’il ciblait un public restreint, “des étudiants du monde entier affinant leur cursus en informatique, électronique, design d’interaction et ergonomie pour monter des projets autour de l’Internet des objets”. Bref pas des “gamins paumés scolairement”.

Dans le fond, la machine à découpe laser - OpheliaNoor/Owni

Ce qu’ils reconnaissent : “Effectivement, il ne répond pas exactement à la charte des Fablabs du MIT, mais s’en inspire. Il existe de par le monde plusieurs initiatives dans la tendance des Fablabs. Orange essaie à travers Thinging! de s’en inspirer et pose, avec modestie et passion (sic), la question de l’usage de ces méthodologies dans l’univers de la recherche industrielle.” S’associer à un fab lab permet de soigner son image d’entreprise cool et à la pointe :

Nous choisissons aujourd’hui de soutenir cette initiative permettant aux étudiants une approche de l’innovation dans un environnement pluridisciplinaire, en raisonnance (sic bis) avec l’approche d’ « open innovation » d’Orange.

Emmanuelle défend ce choix d’un partenaire sujet à caution éthique :

“Je suis de culture pragmatique. Quand on décide de monter un projet avec l’université à la vitesse à laquelle on l’a monté, il faut des fonds. Si Orange veut apporter des fonds à la condition d’avoir leur logo sur les plaquettes de communication et encore sur le carton d’invitation, ils nous ont demandé de ne pas le mettre, je ne vois pas le problème. Si on peut amener l’esprit collaboratif, l’innovation ouverte dans Orange et aider la société à évoluer car on va apporter une nouvelle façon de travailler, impacter l’entreprise et la société de manière plus générale, je dis oui. Un accord stipule que personne n’a le droit de regard sur le contenu pédagogique.”

Le CAC40 entre dans les “fab labs”

Le CAC40 entre dans les “fab labs”

Des grands groupes industriels s'intéressent aux "fab labs", ces mini-usines collaboratives, citoyennes, ouvertes à tous et ...

Même point de vue d’Inouk Bourgon, du makerspace le NYBICC, un fab lab qui pour l’instant fonctionne sans subventions : “à titre personnel, ça ne me pose pas problème à partir du moment où ils ont des garanties. Les financeurs sont assez délicats pour ne pas avancer avec des gros sabots.”

Julien Bellanger, de PiNG, une association nantaise portant un fablab, avec des subventions publiques, est aussi dans l’expectative neutre, sans pousser de hauts cris au nom d’Orange : “Orange, c’est du mécénat à l’américaine, nous sommes plutôt sur du crowdfunding (financement par des particuliers). Ils vont être observés, l’enjeu porte sur trois points, l’ouverture au public, l’utilisation de logiciels libres et l’insertion du DIY (Do It Yourself, fais-le toi-même)  dans le cadre de diplômes. Est-ce qu’on bouge la faculté de l’intérieur ou de l’extérieur, par les étudiants ?”

Salle des imprimantes 3D - OpheliaNoor/Owni

En revanche, Alexandre Korber d’Usinette, qui se définit comme un mélange de hackerspace et de fab lab, sans subventions,  se montre plus sceptique :

Orange gagne toujours au final, ils font de l’entrisme.

Récupération politique

La question de la récupération politique se pose aussi bien sûr. Quoi de plus sexy qu’un fab lab à l’heure où les politiques n’ont que le mot “relocalisation” et “fabriquons français” sur les lèvres ? En ces temps où l’on revalorise le “lien social”, pour reprendre le cliché consacré ? Où les Trente Glorieuses et sa consommation effrénée semble un spectre absurde, une parenthèse dans l’histoire de notre développement économique ?

L’appropriation par le politique ne pose pas de problème en soi. Laurent :

Ma première réaction : c’est génial, plus il y en a qui le font, mieux ce sera, le concept n’est pas protégé. Mais est-ce que ce sera bien fait ? Si c’est juste pour coller une étiquette qui va dévaloriser le concept, juste pour l’effet d’annonce, c’est la pire des choses qui pourrait nous arriver, ça risque de dégonfler le vrai intérêt des gens.

“Oui j’ai peur qu’on ait des sollicitations à droite à gauche au milieu, chez les Verts, poursuit Emmanuelle. Déjà, on a trois autres sollicitations en cours, on ne répond pas volontairement par manque de temps.” Ils souhaitent pour l’instant garder cette démarche agile, qui leur a permis d’avancer vite et en respectant l’état d’esprit, sans partir dans des usines à gaz trop institutionnelles.

Pour l’heure, ils se contente de mener à bien le projet initial de La Forge des possibles. Chi va piano va sano, après des débuts sur les chapeaux de roue. Peut-être trouveront-ils le temps de réaliser les projets qui trottent dans la tête : du modélisme et une RepRap, pour Laurent, une lumière de studio radio et une boutonnière synchronisée avec statut Facebook pour Emmanuelle.


Photographies par Ophelia Noor pour Owni /-)
Ouverture au public : à partir du vendredi 24 février, tous les jours de la semaine de 13 heures à 18 heures, avec un nocturne le mardi jusqu’à 21 heures dans un premier temps.
Accès : dans les locaux de l’université de Cergy-Pontoise, à Gennevilliers, avenue Marcel Paul, Z.A.C. des Barbanniers. Détails ici.

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http://owni.fr/2012/02/23/fab-lab-la-pharmacopee-anti-crise/feed/ 182
Ils ont hacké la presse http://owni.fr/2012/01/16/ils-ont-hacke-la-presse/ http://owni.fr/2012/01/16/ils-ont-hacke-la-presse/#comments Mon, 16 Jan 2012 17:52:19 +0000 Sabine Blanc et Ophelia Noor http://owni.fr/?p=94133 Mercredi dernier, OWNI co-organisait Hack The Press 2, l’événement de la rentrée en matière de data journalisme, avec Silicon Maniacs, La Cantine, Regard Citoyens, Epitech, et le soutien de La Netscouade. Cette joute amicale a opposé sept équipes pluridisciplinaires (développeurs-designers-journalistes) : elles avaient une journée pour concevoir une application à partir des données de Regards citoyens concernant les députés et les sénateurs.

Au terme du marathon, les équipes ont soumis leur projet au vote du public. Celui-ci a désigné à main levée le vainqueur : l’équipe “Cinq à sept”, pour son projet “Amitiés internationales”, a finalement levé au ciel leur trophée, le Minitel d’Or. Nous vous proposons ci-dessous un résumé des travaux présentés par l’ensemble des équipes.

Métarédaction

Les esprits chagrins regretteront que les projets n’aient pas été finalisés en temps et en heure : la plupart n’étaient accessibles qu’en local, à un stade plus ou moins avancé. On préfère retenir l’effervescence de cette journée, la richesse des travaux proposés, qui ont de quoi faire saliver plus d’un journaliste politique, et les envies qui sont nées de cette journée. Preuve aussi que la métarédaction n’est pas (toujours) une élucubration éthérée, certains ont exprimé la volonté de poursuivre les projets après.

Autre temps fort de cet événement, un appel à ouverture des données a été lancé, à l’issue de la conférence “Quelles data pour 2012 ?”. Il est visible sur le site Candidata.fr.

Hack The Press a en effet été l’occasion de constater à quel point il est encore difficile d’accéder à certaines données, pourtant nécessaires pour effectuer un travail de data journalisme correct dans le cadre de la présidentielle, et des législatives qui suivront. Vous pouvez compléter la liste des “courses” sur ce pad.

Équipe 1 : Poleetic

Mi-LOL, mi-sérieuse, l’application Poleetic reprenait le principe de Meetic appliqué au Parlement : saurez-vous trouver l”élu de votre cœur ? Une façon ludique d’aborder la question de l’uniformité sociale de nos représentants.

Équipe 2 : Watchdog

L’équipe 2 propose d’interroger les amendements similaires déposés par le Parlement : quel domaine concernent-t-ils, qui les dépose, etc. Son travail est rassemblé sur un site, Qui copie qui. On y trouve une visualisation de synthèse (cf. ci-dessous), un outil pour naviguer parmi les amendements similaires, présentés via un blog wordpress qui dispose d’un moteur de recherche.

Équipe 3 : CumuloNimbus

Une application pour mesurer l’impact du cumul des mandats sur l’activité des parlementaires, présentée dans ce document.

Équipe 4 : Awerty

Un outil pour évaluer l’activité de son député sur le sujet de son choix.

“Chaque point représente un député, avec au centre la moyenne de l’apparition du mot demandé :

- plus ils sont en haut à droite, plus ils ont écrit ou prononcé le mot en question ;

- plus c’est en bas à droite, moins ils en ont parlé ;

- en haut à gauche, ils essentiellement parlé du sujet cliqué en premier ;

- en bas à droite, essentiellement le second.”

Le développeur s’est heurté à des difficultés concernant le traitement des données, ce qui explique que l’outil n’ait pas été plus abouti mercredi soir.

Hack The Press

"Alors notre projet, il est super cool, votez pour lui, merci." Guillaume Guichard, de l'équipe n°2.

Équipe 5 : Cinq à sept

Les vainqueurs de Hack The Press 2 ont travaillé sur l’activité diplomatique des parlementaires : à quel groupe d’amitié internationale appartiennent-ils et dans quelle mesure la taille des groupes reflètent les liens économiques ou culturels ?

Équipe 6 : Datafluence

Une application pour comprendre comment nait l’actualité : influence-t-elle l’agenda parlementaire, ou vice-versa ?

“Les journalistes parlent-ils vraiment de ce qui intéresse le public ? Les élus sont-ils esclaves des rebondissements de l’actualité ? La rupture entre intelligentsia et le grand public est-elle réelle ? Y a t-il un gouffre entre le temps médiatique, le temps politique et le temps de l’opinion public et, si il existe, comment peut-on l’expliquer ?

Nous avons voulu interroger les influences, les relations et les imbrications entre l’agenda politique, l’agenda médiatique et l’intérêt du grand public. Pour cela, nous avons imaginé ce que l’on pourrait définir comme le “Storify” des datas”.

Hack the press

Ils ont de l'humour les Toulousains, malgré la fatigue : ils ont hacké la connection Skype pour apparaître en mode dégradé Minitel.

Équipe 7 : Tetalab/Carredinfo (Toulouse)

L’équipe des toulousains s’est penché sur le travail des parlementaires cumulards : est-ce que ceux qui cumulent en dehors de l’Assemblée cumulent aussi dans l’Assemblée (groupes d’études, groupes d’amitié… ) ? Leur travail a été documenté au fil de la journée sur un pad, jusqu’à leur synthèse finale.

“Nous sommes partis sur l’idée de comparer le cumul des mandats et l’activité parlementaire. Notre idée était d’étendre notre notion de cumul non seulement à l’accumulation de mandats locaux, mais également à la participation à de multiples groupes d’études et de travail. Nous nous sommes concentrés sur les député, le postulat étant ‘plus le nombre de mandat et de participations à des groupes était important, moins l’activité parlementaire réelle était significative’”.


Photos et illustrations :
CC Ophelia Noor pour OWNI.fr ; © Jacob Khrist, photojournaliste ; Instagrams par Gayané Adourian et Nicolas Loubet pour Knowtex ; Dessins par Benoit Crouzet pour Knowtex.
Le site de Hack The Press

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Au coeur du site des hackers http://owni.fr/2011/11/09/au-coeur-du-site-des-hackers/ http://owni.fr/2011/11/09/au-coeur-du-site-des-hackers/#comments Wed, 09 Nov 2011 16:17:54 +0000 Sabine Blanc et Ophelia Noor http://owni.fr/?p=85521

Astera Schneeweisz à Berlin, novembre 2011 - (cc) Ophelia Noor

Elle incarne cette nouvelle génération de hackers, ces adeptes de la bidouille : le nez dans la machine mais aussi dans les objets, habitué des hackerspaces, des lieux de rencontre physique. Esther Schneeweisz, alias Astera, aime tellement les hackerspaces qu’elle fait partie de la petite bande aux contours flous qui a monté et prend soin de hackerspaces.org [en], un site qui liste les hackerspaces du monde entier, entre autres. Et bien sûr, elle en visite beaucoup.

Cette adepte de la ligne de commande, originaire d’Autriche, vit à Berlin, où nous l’avons rencontré. De ces jeunes gens qui font la richesse de la scène underground berlinoise. À Paris, son allure intriguerait, à Berlin c’est la norme, ou presque : mince corps couvert de tatouages – des souvenirs liés à des expériences difficiles – coupe de cheveux improbable – un mix brun-blond décoloré, qui commence en raton-laveur et finit en une abondante masse de cheveux – accent américain impeccable après plusieurs mois passés aux États-Unis. Et une énergie entretenue à coup de divers produits caféinés, comme le Club-Mate, la boisson préféré des hackers ou encore le Premium-Cola, une version du cola allemand Afri-Cola.

Astera a fait ses premiers pas dans le milieu en 2008 en Autriche, au Metalab [en], grâce à une bonne dose de sérendipité) relationnelle.

J’y ai été en quelque sorte trainée par un ami que je connaissais depuis quatre heures, que j’avais rencontré via d’autres amis que je connaissais depuis quelques jours. J’en avais entendu parler et j’avais déjà essayé d’y passer et d’y jeter un œil de l’extérieur. Quand j’y suis allée avec cet ami, il n’y avait personne, c’était au milieu de la nuit. Le fait qu’ils aient tant de machine posées-là, et il m’a expliqué que c’était à chacun d’apprendre à chacun comment les faire marcher. C’était intriguant. Donc je suis revenue, et revenue, et revenue…

10% de femmes

Elle fait partie des 10% de femmes qui peuplent un univers encore très masculin. Sans ressentir le besoin de s’affilier à Haecksen [de], un sous-groupe du Chaos Computer Club, le plus grand club de hackers d’Europe, qui regroupe des femmes. Les genres, elle s’en contrefiche comme de sa première ligne de code.

Astera donne libre cours à sa soif d’apprentissage des différents langages de programmation, ravie de constater qu’il y a toujours quelqu’un pour répondre à ses questions, le fameux partage des connaissances, central dans l’éthique hacker. Hackerspaces.org viendra dans la foulée, parfaite illustration de la do-ocracy chère aux hackers (valoriser l’action plutôt que les propos). Fausse sèche et vraie timide planquée derrière des lunettes de myope, Astera évoque les origines du projet :

« Personne ne sait plus vraiment qui a eu l’idée. C’est mystérieux, vous allez à un événement comme le Camp ou le Congress et les gens vous parlent et les idées surgissent à partir de rien. Ensuite l’idée était restée dans un placard un an environ, je pense. Puis au Metalab, une nuit, quelqu’un m’a dit qu’il avait loué le nom de domaine hackerspaces.org, et j’ai pensé, “c’est génial nous devons le faire.”

Hacker vaillant, rien d'impossible. Astera à Berlin en novembre 2011 (cc) Ophelia Noor pour Owni

J’ai suggéré que nous louions aussi .com et .net aussi et nous avons commencé sur un nouveau serveur dédié, d’abord avec un wiki et les mailings list, durant l’été 2008, je crois. Le blog est arrivé un an après. Le wiki a commencé avec dix personnes impliquées dedans. Il y avait 60 hackerspaces sur la liste, comme nous n’avions pas beaucoup d’informations dessus, nous leur avons envoyé des mails. »

Trois ans après, ils sont plus de 900 hackerspaces enregistrés, 400 personnes en moyenne actives sur le site, qui mettent à jour la page de leur profil et de leur hackerspace et plusieurs mailing lists. Le site est arrivé au bon moment : en 2007, lors du Chaos Communication Congress, une conférence [en] intitulée « Construire un hackerspace » a suscité bien des envies qui se sont concrétisées dans les années qui ont suivi.

Astera insiste sur l’aspect collectif de l’aventure :

Le wiki, les mailing list, le blog, IRC, etc, vivent essentiellement grâce à un cœur d’usagers vraiment actifs, qui tous contribuent aux contenus et aux idées partagées sur le site. Et je leur en suis particulièrement reconnaissante.

Une autre tache sur la liste

La jeune femme fait partie des administrateurs qui s’occupent plus particulièrement du bébé. Astera prolonge la nuit son travail du jour puisqu’elle est administrateur système :

C’est juste une autre tache sur votre liste… Le gros du boulot, c’est le wiki.

Maintenir le site, cela veut dire se fader des spams, fastidieux mais facile. C’est aussi se poser la question de la définition d’un hackerspace :

« C’est un peu difficile. Cela commence avec ce que n’importe qui considèrerait comme un hackerspace. Il y a un certain nombre de spaces que je ne considèrerais pas comme des hackerspaces. Par exemple un dérivé d’une école, avec des cours, une valeur éducative. Mais certainement, ils payent le loyer avec les subventions de l’État ou de la ville et sont payés pour le travail qu’ils font dans cet espace. Ce qui n’est pas vraiment quelque chose de courant dans les hackerspaces. Et sans doutes, ils l’utilisent aussi comme des bureaux, des espaces de co-working. C’est gênant si vous visitez une ville avec dix espaces listés et huit sont en fait des espaces de co-working. »

Bien qu’Astera, en tant qu’administratrice, ait les droits pour effacer les pages, elle laisse faire, pour éviter les discussions enflammées. Seules les pages spam passent sous sa coupe, car elles ont l’avantage de ne pas troller pour manifester leur mécontentement. Un bénéfice du doute qu’elle semble appliquer à elle-même, en dépit de son CV. Un vrai hacker ne se définit pas comme tel, c’est un titre honorifique que les autres vous attribue. Alors à la question « Te considères-tu comme une hacker ? », elle répond, le nez dans sa soupe thaï : « Je ne sais pas. » Elle minimise ses projets, comme ses bidouilles sur des voitures téléguidées qu’elle a équipées de caméras Wi-Fi :

C’était vraiment des hacks faciles, plus du code que du hack. Et puis j’ai construit quelques objets trouvés sur d’autres blogs, en changeant juste des morceaux pour les rendre plus profonds.

Son copain Joern, mutique et étique échalas à l’air épuisé, pose la bonne question :

Il y a quelques personnes vraiment remarquables qui méritent ce terme de hacker, mais pour les autres, cela dépend de votre définition du mot. Quelle est la vôtre ?

On se met d’accord sur une définition large : quelqu’un qui fait un usage créatif de la technologie et qui détourne les objets de leur finalité première et permet d’affirmer que tout se hacke. Une définition dans laquelle se reconnait la dernière génération des hackers, où le DIY (le Do-It-Yourself) est à l’honneur, avec ou sans l’ordinateur, qui hacke aussi le hardware, les objets physiques. Une diversité dont rend compte son autre gros projet, initié avec son ami Bre Pettis, de MakerBot Industry [en], fabricant d’imprimantes 3D open source, l’ebook gratuit Hackerspaces the beginning. Une plongée passionnante dans l’histoire de ces lieux qui poussent comme des champignons depuis quelques années.

Lancer son propre hackerspace ? Trop de travail…

La suite logique devrait être la création d’un hackerspace, une copine lui parlait d’ailleurs récemment d’en monter un avec un laboratoire de biohacking. Pourtant, elle s’arrête là : trop de travail en plus, en particulier depuis qu’elle n’est plus freelance et fait ses 40 heures hebdomadaires dans une société. C-Base, le mythique hackerspace continuera de recevoir sa visite.

La politique non plus ne la tente pas, même si le succès surprise du Parti Pirate au parlement de Berlin en septembre la réjouit :

Je connais mieux le Parti Pirate autrichien que le PP allemand, mais j’ai essayé de les aider dans leurs opérations. En particulier parce qu’un ami très proche à l’époque, qui était aussi membre du Metalab, avait fondé le PP autrichien. Nous en avons beaucoup parlé. Après la mort de cet ami, je n’en ai pas beaucoup entendu parler. Cependant, ils n’ont jamais été aussi importants qu’en Allemagne, c’est incroyable. Je vais suivre comment ils gèrent le fait d’être vraiment des hommes politiques. C’est très excitant.


Texte : Sabine Blanc
Photos : Ophelia Noor CC [by-nc-nd]

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