OWNI http://owni.fr News, Augmented Tue, 17 Sep 2013 12:04:49 +0000 http://wordpress.org/?v=2.9.2 fr hourly 1 Pourquoi les maisons d’édition ne s’intéressent pas à l’édition participative http://owni.fr/2010/02/28/pourquoi-les-maisons-d%e2%80%99edition-ne-s%e2%80%99interessent-pas-a-l%e2%80%99edition-participative/ http://owni.fr/2010/02/28/pourquoi-les-maisons-d%e2%80%99edition-ne-s%e2%80%99interessent-pas-a-l%e2%80%99edition-participative/#comments Sun, 28 Feb 2010 16:42:27 +0000 Ronand Fiolet http://owni.fr/?p=9201

Le site sandawe.com propose de financer des projets de BD, pour 10  € minimum.

Ils avancent dans le flou et font de l’expérimental. Mais ils sont « terriblement excités » par le projet qu’ils mènent. Patrick Pinchart, fondateur du site sandawe.com et des éditions belges du même nom, et Alexandra Bertrand, en charge du site editeursauteursassocies.com, se sont chacun lancés dans l’édition participative. Deux expériences uniques dans l’Hexagone. Et chacune avec plus ou moins de succès.

Pour le Belge, ancien rédacteur en chef de Spirou, ancien éditeur chez Dupuis, « le phénomène participatif commence à fonctionner ». Le 12 janvier dernier, il lance avec Lionel Frankfort et Dimitri Perraudin le site internet sandawe.com, du nom d’une ethnie tanzanienne dont les membres partagent tout – qui reprend, dans le domaine de la bande dessinée, le principe du site MyMajorCompagny pour la production de CD.

Un projet nécessite entre 38 000€ et 55 000€

Les internautes consultent quelques planches sélectionnées et mises en ligne par la direction de sandawe.com, « on élimine les projets amateurs et on ne publie que ceux de bonne qualité ». Ils lisent le résumé du projet et, s’ils sont séduits, peuvent investir la somme qu’ils désirent, 10 € minimum. Pour que la BD soit imprimée à 10 000 exemplaires – l’objectif de sandawe.com – le site doit récolter entre 38 000 et 55 000 €. Les internautes deviennent co-éditeurs, « édinautes » dans le langage maison, et touchent un pourcentage des ventes. Et ils peuvent retirer leurs investissements à tout moment, un gros risque pour sandawe.com.

Au bout d’un mois et une semaine d’existence, le site communautaire a tout de même réussi à récolter 30 000 €, enregistre 900 membres et financent actuellement neuf projets. Une réussite dont se satisfait Patrick Panchart, même si, au moment où nous écrivons ces lignes, il manque à la BD la plus financée, Il Pennelo, 87% de son financement.

« Nous n’avons aucune idée du laps de temps qu’il faudra pour réunir l’argent, car cela n’a jamais été fait, avoue Patrick Pinchart. On part de zéro, on ne sait pas où on va et l’on pourrait payer les pots cassés si cela ne fonctionne pas. Mais il faut se lancer pour tester ce modèle, on en tirera les leçons après. »

5 832 € investis dans editeursauteursassocies.com

Le Livre Perdu est l'ouvrage qui a recueilli le plus de dons sur  editeursauteursassocies.com : 1 728 €.

Le Livre Perdu est l’ouvrage qui a recueilli le plus de dons sur editeursauteursassocies.com : 1 728 €.

Le même flou règne pour Alexandra Bertrand. Avec son père Jean-Paul Bertrand, président des éditions Alphée, c’est elle qui a lancé en avril 2009 le site editeursauteursassocies.com. Même principe que pour sandawe.com, les internautes lisent des extraits de romans et souscrivent s’ils le souhaitent entre une et 50 parts de 24 € sur les mille parts de chaque livre. Principale différence avec le projet de Patrick Pinchart, les livres seront de toute façon publiés chez Alphée, « qu’ils soient soutenus ou non par les souscriptions », assure Jean-Paul Bertrand.

Une publication chaque mois à partir d’août 2009 était prévue au début du projet. Mais sur sept mois, seulement cinq ouvrages sont actuellement en librairie ; « on a préféré les laisser plus longtemps sur le site pour que les gens puissent le découvrir », explique Alexandra Bertrand, également membre du Comité de lecture. Son site connaît moins de succès que sandawe.com : seulement 5 832 € ont été investis par 150 co-éditeurs.

« On a des participations sur tous les livres, un peu en-dessous de nos espérances, précise Alexandra Bertrand. Mais il faut que le concept prenne, que les livres plaisent. D’autant que le public sur Internet n’est pas le même que dans les librairies, où les personnes sont plus âgées et n’ont pas l’habitude de payer en ligne. »

“Faire découvrir le métier d’éditeur aux lecteurs”

Si l’édition participative se développe, les maisons d’édition regardent ce modèle de loin et ne semblent guère intéressées. Pas un mot également, ni une conférence au Salon du Livre qui se tiendra à Paris du 26 au 31 mars. Chez Fayard, on ne voit pas l’intérêt de mettre en place de l’édition participative : « Nous avons des auteurs maisons, nous cherchons déjà à publier des écrivains peu connus, et la maison dispose d’une grosse réputation, contrairement aux éditions Alphée, une plus petite boîte. » Aux éditions de La Découverte, on ignorait même jusqu’au concept…

« Cela dépend de la politique de chacun, répond Alexandra Bertrand. Pour nous ce n’est pas tant de trouver une nouvelle manière de vendre des livres que de faire découvrir le métier d’éditeur aux lecteurs. On demande l’avis des co-éditeurs pour la couverture, pour le titre de livre. »

Côté BD, si tous les éditeurs zyeutent le projet de Patrick Pinchart, aucun n’est prêt à rejoindre le mouvement. « L’édition participative ne nous intéresse pas du tout, affirme-t-on chez Dupuis, on préfère se concentrer sur la BD numérique, les applications pour Smartphones et iPad. Nous sommes éditeur classique depuis des années, pourquoi associerait-on le lecteur au processus de décision ? »

“Les grandes maisons n’ont pas besoin de ce système”

Le fait est, selon Patrick Pinchart, que les éditeurs ont l’habitude depuis des années d’imposer leurs choix aux lecteurs, que l’on ne retrouve en fait qu’ « à la fin du processus, au moment de l’achat ». « Culturellement, poursuit-il, les grandes maisons n’ont pas besoin de ce système, elles ont les fonds pour prendre des risques et se rattraper sur des best-sellers si jamais ça ne marche pas. Si on est Média participations [groupe possédant Dupuis, Le Lombard, Spirou], on est à l’opposé du participatif. Pourquoi partageraient-elles ? Nous on fait l’inverse, le lecteur décide. »

Resté 22 ans chez Dupuis, l’ancien éditeur ne crie pas au grand méchant loup. Mais il a aujourd’hui choisi sa stratégie. Il faut dire que Patrick Pinchart s’est rarement trompé : dans les années 1980, il lance la première émission de radio belge consacrée à la BD, et y a accueilli les grands et futurs grands. En 1996, il créé le premier site internet de BD, actuabd.com. « Si nous n’avions pas créé sandawe.com dans les six mois, quelqu’un d’autre l’aurait fait, croit-il savoir. On essaie simplement un autre modèle, pour être en contact avec le lecteur. »

Le magazine Challenges avait publié une brève fin novembre, reprises ici ou , certifiant que le site MyMajorCompany pourrait se rapprocher de XO éditions, la maison d’édition qui a publié entre autres Mireille Darc, Max Gallo, Guillaume Musso ou Nicolas Sarkozy, pour créer un My Major Company Books. Ce qu’aucun des deux concernés n’a confirmé ou infirmé. Comme quoi, l’édition participative pourrait toucher de plus grosses maisons.

Billet initialement publié sur Hors les murs, le blog tendances des étudiants de l’IPJ

Photo Mon Œil sur Flickr

]]>
http://owni.fr/2010/02/28/pourquoi-les-maisons-d%e2%80%99edition-ne-s%e2%80%99interessent-pas-a-l%e2%80%99edition-participative/feed/ 4