OWNI http://owni.fr News, Augmented Tue, 17 Sep 2013 12:04:49 +0000 http://wordpress.org/?v=2.9.2 fr hourly 1 Le singe qui a gagné le Pulitzer http://owni.fr/2011/04/10/le-singe-qui-a-gagne-le-pulitzer-comment-les-journalistes-deviendront-des-cyborgs/ http://owni.fr/2011/04/10/le-singe-qui-a-gagne-le-pulitzer-comment-les-journalistes-deviendront-des-cyborgs/#comments Sun, 10 Apr 2011 08:30:07 +0000 Maria Teresa Sette http://owni.fr/?p=55771

Comment les journalistes deviendront des cyborgs

Billet initialement publié sur OWNI.eu

Il y a des espèces condamnées à disparaitre. Et puis il y a des espèces qui s’adaptent aux changements extérieurs et qui évoluent. Cela s’appelle la loi de la sélection naturelle. Celle des journalistes, parmi toutes les espèces en danger, appartient à cette dernière. Et, croyez-le ou non, l’évolution naturelle des journalistes sera aidée par un Singe.

Ce n’est ni un paradoxe scientifique, ni un phénomène de régression : le Singe est un logiciel. En moins d’une seconde et dans un anglais impeccable (parfois meilleur que celui d’un journaliste professionnel), il est capable de produire un article complet avec un titre, un chapô et une image. Les journalistes-Singe et les autres créatures entrainées dans le processus de l’évolution sont les protagonistes du livre Le Singe qui a gagné un Pulitzer, sorti en Italie le 22 mars (La Scimmia che vinse il Pulitzer. Storie, avventure e (buone) notizie dal futuro dell’informazione [it], Bruno Mondadori), des journalistes italiens Nicola Bruno et Raffaele Mastrolonardo. Le livre est une enquête intéressante sur les changements en cours dans l’écosystème de l’information et une réflexion habile sur quelques-unes des tendances majeures du futur des médias.

À quoi ressemblera le journalisme à l’ère numérique ? La question se pose depuis plus d’une décennies. Les réponses sont variées et pour la plupart pas très optimistes. Deux journalistes italiens explorent le futur du journalisme, et leur voyage les mène à Chicago, New York, Washington, Varsovie, Amsterdam, Bruxelles et d’autres capitales européennes. Dans chacune de ces villes, ils rencontrent de nombreux pionniers du journalisme du 21e siècle. Ce sont tous des personnages très différents mais ils poursuivent le même but, réinventer l’information à l’ère du numérique :

Il y a les gamins ‘Speedy Gonzales’ de BNO News [en], des adolescents qui tweetent à la vitesse de la lumière et dépassent les plus grandes agences de presse traditionnelles.
Il y a Bill Adair, un vétéran du journalisme traditionnel qui a réinventé le journalisme d’enquête avec PolitiFact [en] : un site qui utilise le fact-checking pour montrer les mensonges des politiques à travers une sorte de “détecteur numérique de mensonges”.
Il y a l’activiste et avocat kényan Ory Okolloh, qui a fondé la plateforme Ushahidi [en], conçue pour rendre justice aux victimes oubliées.

Il y a la député européenne islandaise Birgitta Jónsdóttir [en], qui a réussi à faire passer une loi d’avant-garde qui a fait de l’Islande un paradis pour les journalistes et la liberté d’expression.
Il y a l’architecte polonais Jacek Utko [en] qui a trouvé une façon de donner un second souffle aux journaux en révolutionnant le graphisme.
Il y a Kristian Hammond et Larry Birnbaum, les directeurs de l’Intelligent Information Lab de Chicago qui ont inventé Stats Monkey [en] (le logiciel qui génère 150.000 articles par semaine dans un anglais parfait.)

Il y a Julian Assange, un des hommes les plus craints du Pentagone.
Il y a les “rebelles du New York Times”, qui ont inventé de nouvelles façons de raconter les histoires et les journalistes hackers de Chicago. Il y a des créatures hybrides – mi hackers, mi journalistes. Et tous ces précurseurs et ces expérimentations innovantes sont des paradigmes d’une révolution structurelle dans le système médiatique. Toutefois, ils ne vont pas menacer les valeurs et les missions originales du journalisme : s’efforcer d’être des chiens de garde du pouvoir et de répandre la vérité.

Malgré l’optimisme général des auteurs, un sentiment d’incertitude sur le futur du journalisme se maintient en arrière-plan. La question vient naturellement : comment un journaliste peut-il survivre face à des logiciels de plus en plus sophistiqués comme un robot-singe, qui traite les données à un rythme vertigineux, et les traduit dans un langage naturel ? Nicola Bruno, un des co-auteurs,  explique :

“Il existe deux tendances principales qui menacent à l’horizon. D’une part, l’acquisition de connaissances passera de plus en plus par les données. Nous serons submergés par une accumulation de données et d’informations. Afin de les traiter avec les statistiques, nous aurons besoin de logiciels comme les robots-singes qui sont plus efficaces et rapides que n’importe quel journaliste de chair et d’os. Cela ne signifie pas que les reporters vont succomber aux robots. En effet, alors que les données vont prendre le pouvoir, nous avons besoin de quelqu’un qui soit capable d’interpréter et d’analyser les données qui nous bombardent. C’est pourquoi le métier des journalistes n’est pas sur la sellette. Il n’est pas surprenant que la seconde tendance soit un retour du journalisme d’investigation, qui, comme le modèle de Politifact, utilise les nouvelles technologies pour creuser davantage et faire la lumière sur la vérité.”

Les fondements de la profession, telles que la précision, la transparence, la rapidité, la liberté d’expression seront non seulement saufs, mais sans doute dépoussiérés par ces outils innovants. Pour que les journalistes survivent, ils n’ont pas d’autre choix que de s’adapter aux changements en cours dans leur écosystème, et se préparer à devenir des journalistes-hackers : une espèce hybride à mi-chemin entre les journalistes et les hackers. Cette mutation est seulement une première étape d’une évolution de l’espèce humaine vers le cyborg : mi-homme, mi-machine.

Après tout, le processus évolutionniste a déjà débuté il y a un moment et les auteurs eux-mêmes ne sont pas à l’abri. Nicola Bruno et Raffaele Mastrolonardo sont les co-fondateurs de Effecinque [it], une agence de “journalisme original” fondée en 2010 et basée en Italie, qui expérimente de nouveaux formats et des langages innovants en exploitant le potentiel de la technologie. Parmi leurs initiatives, le Beautiful LAB, une expérience sur les “informations en mouvement” : des versions numériques des infographies utilisées pour expliquer des sujets particulièrement complexes.

Le singe qui a gagné un Pulitzer sera présenté le 16 avril prochain dans le cadre du Festival de journalisme de Perugia 2011 [en]. Les auteurs en parleront avec deux protagonistes du livre : Bill Adair, fondateur de Politifact, et Jacek Utko, un brillant designer de journaux.

Traduction : Sabine Blanc

Photo Credits: Flickr nicolabruno, patriziasoliani and bootload

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Est-ce le progrès technologique qui déshumanise la société? http://owni.fr/2010/10/21/est-ce-le-progres-technologique-qui-deshumanise-la-societe/ http://owni.fr/2010/10/21/est-ce-le-progres-technologique-qui-deshumanise-la-societe/#comments Thu, 21 Oct 2010 17:19:45 +0000 Maria Teresa Sette http://owni.fr/?p=31773 Le film qui a ouvert le 54ième Festival du Film de Londres, mercredi 13 octobre, est très prenant et superbement écrit. Tout au long de l’histoire, vous ne pourrez vous empêcher de verser quelques larmes (ce fut mon cas) et vous serez totalement captivés par l’intrigue qui évolue en pleine science-fiction. Pourtant, une fois terminé, il vous reste un étrange sentiment d’impuissance et un gros point d’interrogation. Pourquoi sommes-nous si préoccupés par les effets du progrès scientifique et technologique, alors que ce que nous devrions craindre le plus, c’est l’ombre d’une société passive et soumise ?

Never Let Me Go” est une adaptation du livre de Kazuo Ishoguro (sélectionné pour le Booker Prize) réalisé par Mark Romanek avec Keira Knightley, Andrew Garfield et Carey Mulligan. Il raconte l’histoire de Kathy, Ruth et Tommy, trois amis du pensionnat de Hailsham, où les élèves apprennent à croire qu’ils sont spéciaux et où “la créativité, le sport et une saine hygiène de vie associée à un suivi médical” sont encouragés. Malgré ce régime strict, Hailsham ne semble pas différent des autres pensionnats de la campagne anglaise des années 1970, jusqu’à ce que la sombre vérité soit révélée par l’un des professeurs. Les élèves sont en fait des clones créés par le gouvernement pour alimenter le Programme National de Dons : leur destin, une fois adultes, est de donner leur organes puis mourir. Ces clones peuvent penser, sentir et souffrir comme tout être humain.

Le film se concentre sur le triangle complexe amour-amitié-jalousie liant ces trois amis qui partagent le même sort.

Dans cette histoire, il est question de moralité et de comment les gens font face à leur destin, raconte Kazuo Ishiguro lors de la conférence de presse. Je pense que cette histoire tente d’éclairer positivement la nature humaine. Essayer de dire de la manière la plus convaincante qui soit que lorsque les gens se sentent piégés et que le temps leur échappe, certaines choses deviennent importantes comme l’amitié et l’amour.

Pourtant, ce qui frappe le plus dans ce film ce n’est pas le triomphe des sentiments humains sur une société où la science a fait main basse sur l’éthique et l’humanité, mais plutôt le sentiment de résignation et d’acceptation de ce qui semble être un monstruosité cautionnée par l’État.

Les personnages montrent peu de signes de rébellion et on ne peut deviner s’il y a une quelconque résistance au système à l’extérieur. Tout et tout le monde semble tout à fait normal. Les enfants n’ont pas le moindre signe de choc ou de vertige lorsqu’on leur apprend la vérité à propos de leur destin. Ils ne tentent même pas de s’échapper une fois devenus adultes et conscients d’avoir une “âme” et des émotions.

C’est cette étrange normalité, qui imprègne l’atmosphère tout au long du film, qui vous fait vous demander si nous avons réellement besoin d’un scénario de science-fiction, tel qu’une découverte médicale révolutionnaire, pour imaginer un monde qui aurait perdu son sens de l’humanité. La soumission sourde à l’autorité et le manque de pensée critique ne sont-ils pas suffisants pour engendrer une société monstrueuse ?

Cliquer ici pour voir la vidéo.

Traduction d’un article initialement publié sur OWNI.eu

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Is it just technological progress that is turning us into a dehumanized society? http://owni.fr/2010/10/15/is-it-just-technological-progress-what-is-turning-us-into-a-dehumanized-society/ http://owni.fr/2010/10/15/is-it-just-technological-progress-what-is-turning-us-into-a-dehumanized-society/#comments Fri, 15 Oct 2010 12:15:50 +0000 Maria Teresa Sette http://owni.fr/?p=31687 The movie that opened the 54th London Film Festival on Wednesday the 13th is emotionally powerful and beautifully scripted. Throughout it, you can’t help but drop some tears (I admit I did) and be totally captured by the intriguing sci-fi plot. Yet, once it ends, it leaves you with an eerie sense of impotence and a big question mark. Why are we so concerned about the effects of scientific and technological progress, when what we should fear the most is the heart of darkness of a passive and subdued society?

Never Let Me Go is an adaptation of Kazuo Ishiguro’s Booker Prize-nominated novel, directed by Mark Romanek and starring Keira Knightley, Andrew Garfield and Carey Mulligan. It is the story of Kathy, Ruth and Tommy, three friends from Hailsham boarding school, where pupils are taught to believe they are special and “creativity, sporting activity and a healthy lifestyle, along with regular medical checks” are encouraged. Despite the strict regime, Hailsham doesn’t appear to be different from any middle-class boarding schools in provincial England during the 70s, until a dark truth is revealed by one of the teachers. Pupils are in fact clones created by the government as part of the National Donor Program: their destiny is to become adults, give their organs away and die. These clones happen to think, feel and suffer as any human being do.

The film focuses on the complex triangle of love-friendship-jealousy among the three friends who share the same horrible fate.

The story is about mortality and how people cope with their fate”, said Kazuo Ishiguro during the press conference on Wednesday. “I think this story was trying to put a positive light on human nature. To try and say as convincingly as possible that when people feel they are trapped and their time is running out, the things that become important are things like friendship and love, he said.

Yet, what strikes most in the film is not the triumph of human feelings over a society where science has the upper hand over ethics and humanity, but rather the sense of resignation and acceptance of what seems to be a State-enforced monstrosity.

The characters display few signs of rebellion, and we are not allowed to know whether there is any resistance to the system in the outside world. Everything and everyone appears to be absolutely normal. The children don’t show any sign of shock or vertigo when they are told the truth about their destiny. Nor do they try to escape once they become adults and are aware of having a “soul” and feelings.

It is this strange normality, which pervades the atmosphere throughout the whole movie, that makes you wonder whether we really need a sci-fi scenario such as a revolutionary medical breakthrough to imagine a world that has lost its sense of humanity. Are muted submission to authority and the lack of  critical thinking not enough to generate a monstrous society? Perhaps we don’t have an Hailsham school, but we did have Auschwitz.

Cliquer ici pour voir la vidéo.

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