Le copyright expliqué aux enfants

Le 18 avril 2010

Sur YouTube, on ne plaisante pas avec le copyright. La mise en ligne d'un film familial a été une nouvelle fois l'occasion d'en faire l'expérience. Au final, cette notion n'est pas plus claire aux yeux des enfants. Étonnant, non ?

Image CC Flickr World of Oddy

Sur YouTube, on ne plaisante pas avec le copyright. La mise en ligne d’un film familial a été une nouvelle fois l’occasion d’en faire l’expérience. Au final, cette notion n’est pas plus claire aux yeux des apprentis cinéastes. Étonnant, non ?

L’autre week-end, mes deux enfants ont décidé de faire un film avec leur camarade Hugo. Une sombre histoire d’attaque de zombie (Louis avec un peu de ketchup), dont le scénario se résume à une course-poursuite et une bagarre. Malgré tous mes efforts, il faut bien avouer que l’influence de Lars von Trier ne paraît pas encore déterminante. En revanche, j’ai beaucoup apprécié le découpage, pleinement cinématographique, c’est-à-dire complètement artificiel, basé sur le fait qu’ils n’étaient que trois, dont un pour tenir la caméra.

Le film une fois monté, se pose la question de la diffusion. YouTube s’impose. Ouverture de compte, téléchargement de l’œuvre. Premiers visionnages, exportation sur le blog, mention sur Facebook. Mais après quelques minutes tout à la joie des premières réactions des potes, nous avons la surprise de constater qu’on n’entend plus le son.

Problème technique ? Pas vraiment. Un message automatique de la plate-forme explique : « Votre vidéo comporte peut-être du contenu sous licence ou appartenant aux propriétaires de contenu suivants: Propriétaire du contenu : WMG. Type : Contenu audio. Par conséquent, la piste audio de votre vidéo a été coupée. »

Un message guère compréhensible pour des gamins de douze ans. Qui n’ont pas la plus petite idée de ce qu’est la propriété intellectuelle, et des notions plutôt floues en matière de commerce des biens culturels. Leurs lieux de consommation habituels de ces produits, à la télé ou sur Internet, les ont habitués à l’accès gratuit. Expliquer qu’il y a des règles, qu’il faut rémunérer les auteurs, est un exercice plus difficile qu’il y paraît.

Ce qui complique encore l’affaire, c’est que tous les contenus mobilisés pour la bande-son ont bel et bien été achetés, soit sous forme de CD, soit sous forme de singles en ligne. Nous n’en sommes donc pas les propriétaires ? Pas exactement. Ce que nous avons acquis est une copie avec une licence qui nous permet d’écouter ces morceaux dans certaines conditions, mais pas de les rediffuser publiquement. Ah bon.

Depuis 2009, Warner Music Group impose à YouTube l’effacement systématique du son dès qu’un extrait copyrighté est détecté. A l’usage, le procédé est d’une rare brutalité, paraît juridiquement discutable (en l’occurrence, la présence d’un seul extrait d’une dizaine de secondes entraîne l’effacement intégral de toute la bande-son), et semble contredire l’essence même du “broadcast yourself”. Si un film familial n’a plus sa place sur YouTube, quelle est l’utilité de cette ressource? Diffuser les clips de Lady Gaga et les dernières productions Universal ?

Consciente du problème, la plate-forme a inventé le système de l’audioswap pour y remédier. YouTube propose à l’usager de remplacer sa bande-son effacée par une autre, à choisir parmi une banque de chansons libres de droits. Mais outre que ce dispositif ne restitue rien du montage, il augmente encore la confusion en matière de protection du droit d’auteur. Il y a donc des extraits que l’on peut utiliser sans payer ? Effectivement. Pourrait-on payer pour utiliser la chanson initialement retenue ? Ce n’est pas prévu.

On aurait pu imaginer autre chose. Par exemple l’affichage d’un formulaire mentionnant explicitement les titres concernés, et proposant la commercialisation d’une licence pour leur diffusion en ligne, à un prix modique. Il y a fort à parier que les cinéastes en herbe choisiraient de préserver l’intégrité de leur montage, moyennant quelques euros. Un principe autrement plus pédagogique que l’interdiction, destiné à former des producteurs plutôt qu’à encourager des consommateurs.

Bilan ? Mes enfants n’ont rien compris aux principes du copyright, dont il est difficile de prétendre que l’application est limpide. Contrairement aux harangues des pro-Hadopi , selon lesquels un sou est un sou et une chanson une baguette de pain, on voit bien qu’en pratique, le droit d’auteur a complètement explosé. Il y n’a plus qu’un labyrinthe de cas d’espèce, et aucun mode d’emploi pour ceux qui voudraient respecter les règles. En définitive, le film a été téléchargé sur Dailymotion, dont l’architecture moins complexe s’avère finalement plus accueillante. On comprend que dans ces conditions, le partage de vidéos sur Facebook a de beaux jours devant lui.
> Cauchemar 1, version originale (Dailymotion)
> Cauchemar 1, version muette (YouTube)
> Cauchemar 1, version audioswappée (YouTube)

Article initialement publié sur L’Atelier des icônes

Dans la même série “mésaventures juridiques” avec YouTube, lisez ce billet de David van Lochem

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